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Blade 1 et 2 : le vampirisme comme mutation

Pour commencer ce nouveau cycle du LeMagduciné sur les vampires, nous allons évoquer en douceur, Blade de Stephen Norrington mais aussi et surtout, Blade 2 de Guillermo Del Toro. Deux films qui se répondent sur la place du vampire dans un monde contemporain fictionnel, et qui font de cet être nocturne autant un prédateur qu’une proie au destin. 

Le vampire comme prédateur à l’imagerie standardisée 

En ce sens, la première séquence de Blade est assez intéressante dans son iconisation visuelle et esthétique de l’antre cryptique du vampire moderne et nous insère avec quelques ingrédients bien salés, dans un univers nocturne et anxiogène. Une scène de boite de nuit transcendantale et orgasmique jonchée d’une pluie de sang où l’humain devient le repas de vampires assoiffés de chair fraiche. L’idée même qu’on se faisait du vampire ne va pas changer avec ce Blade, et ne diverge pas de ceux présents dans Buffy contre les vampires ou même ceux de Vampires de John Carpenter, par exemple. Derrière son apparence humaine, sa jeunesse qui danse sur de l’électro et ses envies de profiter d’une vie sans détour, se dissimule l’animal sans empathie , froid et calculateur, et la bête aux dents bien limées qui souhaite manger à sa guise et voir le pouls de ses victimes battre entre ses lèvres. De vraies mantes religieuses. 

Le vampire est un être souterrain, qui se cache aux yeux du monde et du soleil, et qui malgré sa force et sa puissance presque « démoniaque », vit caché ou alors sous le coup de traités signés avec les humains pour que la cohabitation entre les deux espèces puisse se faire. Mais alors que certains films poussent le curseur de l’univers vampirique vers une approche plus baroque, ce Blade 1 se retranche plus vers le post apocalyptique ou le super héroïque que le gothique (avec certaines virées diurnes en voiture rappelant Mad Max premier du nom et ce monde « entre deux ») et ne fait pas du vampire une créature à part entière, mais plus un ersatz pulsionnel 2.0 de l’humain, appartenant à une secte dormante qui voudrait dominer le monde. 

Pourtant, derrière ses apparences minimalistes voire simplistes sur le genre qu’est le film de vampire, et ce n’est pas le manque de charisme de Stephen Dorff ou le cabotinage de chiens fous de Donal Logue qui nous diront le contraire, Blade de Stephen Norrington y mentionne des notions de « vampires de race » et ceux qui sont des « batards » en fonction de leur naissance et délègue alors des problématiques politiques et idéologiques liées normalement aux humains à la sphère vampirique.

Mais ne nous le cachons pas, ce n’est qu’un prétexte pour « casser » du vampire et accélérer le processus d’affrontement avec Blade, mi-homme mi-vampire, né d’une mère mordue alors qu’elle était enceinte. Il a les qualités du vampire sans les défauts (soleil…), même s’il vieillit comme les humains. Son aura, l’attitude « bad ass » et son accoutrement énigmatique digne d’un Punisher, font de lui l’attraction originelle du film, tant dans son récit que dans l’action. La vampire, l’espèce en elle même, n’est là que pour lui donner la réplique et voir Stephen Norrington donner la possibilité à Wesley Snipes de sortir les muscles et de botter des culs à coup de « tatane » dans des combats plutôt bien chorégraphiés, faisant honneur aux arts martiaux. Mais alors qu’en est il du vampire ? Blade 2 va peut être un peu plus nous éclaircir. 

La vampire, comme véritable créature, dégénérative et proie à l’extinction. 

Avec Blade 2, c’est là qu’intervient Guillermo Del Toro, qui se détache du coté grisâtre du premier opus pour amener son amour pour le cinéma de genre, cette fameuse madeleine de Proust, mais aussi et surtout, pour faire éclore son adoration pour les créatures et tout un bestiaire aussi graphique que narratif qu’on pourra voir par la suite avec le diptyque des Hellboy ou même Le labyrinthe de Pan. 

D’emblée, les couleurs du film sautent aux yeux, le baroque des décors s’accentue ( bain de sang) et le gothique prend possession de l’atmosphère ; c’est presque à s’y méprendre où l’on peut rapidement faire le parallèle avec le cinéma aussi personnel que référencé des soeurs Wachowski, où ce deuxième volet du diurnambule reprend certaines touches de l’iconographie glam et cuir de Matrix ou même de Bound et donc, aussi de Ghost in the Shell. Ce changement de cap est encore plus accentué par les mises à morts, le sang qui coule à flot, et également par la scène de night club de ce Blade 2 où le plaisir de la meurtrissure et le sadomasochiste charnel de l’univers ressortent davantage, montrant que le cinéaste n’a pas peur de s’incorporer dans l’ambiance sanguinolente voire gore du monde vampirique. 

Le cinéaste profite de cela pour mettre en scène une bête vampirique encore plus féroce (le faucheur), voulant de ce fait se nourrir des vampires eux mêmes. La créature du début devient alors la proie et le plat préféré d’une entité sanguinaire à l’esthétique et l’anatomie proche de celle d’Alien (la mâchoire) ou d’Akira (déformation du corps). 

Au delà de mettre en exergue un objet visuel déroutant, qui étale son savoir-faire en grappillant des choses autant dans le western que dans le hard boiled, Del Toro ne fait pas du vampire un simple humain au pouvoir protubérant qui voudrait asseoir son autorité. Il y a des ondes shakespeariennes dans Blade 2 avec cette trame autour de la filiation et la quête d’identification à son créateur. Il épouse cette idée du vampire éternel se pensant d’une race supérieure (comme si les vampires de la première scène provenait de l’Allemagne nazie) qui verrait sa métamorphose comme une forme de cancer, comme si le vampirisme était un virus dégénératif qui accoucherait de son extinction où la lumière du jour serait le salut d’une âme damnée. 

Sous ses airs de film d’action, avec sa horde provenant limite des 12 Salopards, Guillermo Del Toro réfléchit sur l’idée même du vampire, sa capacité à écrire son histoire et y à affirmer sa propre identité tant bestiale qu’identitaire. L’être sanguinaire et qui a soif de pouvoir est devenu un être pourchassé par sa propre finalité et son propre destin, émotif, aussi fébrile que vénéneux, voyant en lui ressortir une interrogation sur son existence (à défaut d’avoir une vie à proprement parlé). C’est à travers la relation qu’entretiennent Nyssa et Blade que se pose aussi la question de l’acceptation de soi et de la créature que chacun veut ou peut devenir.

Pour se familiariser avec la notion même de vampire, les deux premiers volets de Blade comportent donc assez de scènes et de réflexions pour mettre un pas dans le monde violent et carnassier des suceurs de sang.