Un film sur le foot féminin, un an après Comme des garçons, ça sentait bon la redite. Dans Une Belle équipe, il n’est pourtant pas question de créer la première équipe de football féminin de France, mais de parler des remous que font encore aujourd’hui, en 2020, les femmes qui sortent des habitudes qu’ont leur a l’air de rien attribuées. Certes, ça n’est pas toujours très subtil, mais heureusement le casting fait le job. Petite tristesse quand même pour un grand manque d’épaisseur sur un sujet « dans l’air du temps » et nécessaire. Une Belle équipe n’est donc pas la révolution de l’année, mais une comédie de plus made in France, qui a manqué l’occasion d’être un film rassembleur du féminin.
Conjuguer le foot au féminin
Ce qui dérange d’emblée c’est que dans un film tel que Une Belle équipe se prétend être, la part belle est laissée à un acteur, certes plutôt bon, masculin ultra vu et revu, soit Kad Merad. Car c’est de lui et quasiment que de lui qu’il est question à chaque plan, de son regard d’abord désabusé puis de plus en plus affectueux sur l’équipe de football féminin qu’il entraîne. En effet, on est ici un peu comme face à l’entraîneur homophobe des Crevettes Pailletées, un type qui n’est pas du « milieu », le connait très mal et va le découvrir solidaire et attachant. Sauf que cela manque un poil d’épaisseur et contient un peu trop de bons sentiments. Pour Marco, c’est un peu la même chose. Ancienne vedette devenue entraîneur d’une équipe de loosers qui finissent par se faire tous virer de l’équipe, il se retrouve à entraîner des femmes sous l’impulsion de sa fille. Au départ, ça n’est pas gagné, il les prend un peu pour ce qu’elles ne sont pas : des fillettes fragiles. Mais petit à petit, elles vont lui prouver qui elles sont. Sauf qu’on ne sait plus trop ce qu’il cherche : récupérer son point ou conquérir les terrains avec des crampons féminins.
Peut-être que le réalisateur de La Vache a cherché à ne pas se confronter directement au débat et à ne pas entrer dans le vif du sujet en le contournant sans cesse. En effet, si ce sont des femmes, il est rarement question de comprendre les racines de cette peur de les voir envahir un terrain. Certes, un des personnages est maladivement jaloux et l’autre ne sait pas se débrouiller avec la « charge mentale » que lui refile sa femme. Finalement, on voit surtout ici comment l’activité (que ce soit le foot ou un autre moyen de sortir de chez soi, de se rencontrer) rassemble des femmes qui n’étaient pas destinées à sortir de leur habitat naturel (oui, oui vous savez comme pour les animaux, ici comprenez la maison, les enfants pour la plupart). Or, quand elles sont ensemble, elles parlent beaucoup des hommes et un peu moins de ce qui les rassemble justement. Dommage.
Manque de profondeur
Dans ce film de sport, il est aussi finalement assez peu question de foot, de technique. Car, c’est un grand film de l’empêchement. Marco et son équipe sont sans cesse en train de trouver des stratégies pour continuer à taper dans le ballon en toute sérénité. Il est question de la survie des petits clubs aussi et de guerre de coqs. Bref, beaucoup de sujets qui s’éparpillent dans autant de seconds rôles parfois savoureux mais très déjà-vu : Laure Calamy en petite bourgeoise au grain de folie, Alban Ivanov en idiot du village et Céline Sallette en femme forte qui peut flancher à chaque instant (elle qui peut tout supporter sauf de perdre son « mec », celui qui a du mal à prendre en charge la famille et la fait bien culpabiliser de partir). Le film montre au moins à quel point la charge est énorme, on a presque l’impression que pour être libérée une femme doit jurer comme un charretier, car finalement la moins empêtrée dans la galère d’être une femme, c’est Cindy.
Nous sommes donc face à un sujet traité parfois avec légèreté, un scénario avec des obstacles qui n’ont pour vocation que de faire durer les scènes puisqu’on connait tous l’issue du film, à une petite subtilité bienvenue près qui montre que le chemin est encore bien long. Le film ne décolle jamais vraiment et manque de personnages plus construits, plus affirmés. On a juste l’impression que les hommes sont tous plus bêtes les uns que les autres (sauf peut-être le personnage de Papy) et que les femmes peinent à trouver l’équilibre juste entre le rôle qu’elles se doivent de tenir et leur envie de faire partie d’une équipe avec tout ce que cela signifie. Côté cinéma, beaucoup de musique pour combler les moments de latence entre les matchs censés être les points d’orgue du film mais qui manquent de panache, de suspens. On a trois matchs et on sait à chaque fois ce qui va s’y passer, sans grande inventivité, dommage. C’était pourtant ce qui faisait la différence dans Yves Saint-Laurent de Jalil Lesper, cette manière de réussir avec brio la mise en scène des défilés du couturier, censés tout de même être les points d’orgue du film. Ici, rien de tout cela et beaucoup de platitude.
Le changement, c’est pas maintenant
Au final, si Une Belle équipe s’emploie à montrer des femmes autrement, à les mettre en action, il déçoit par un manque cruel de souffle et de profondeur. Pourtant, le cinéma français l’a prouvé, il peut faire de belles choses réfléchies avec la comédie, pensons à En Liberté, Le Grand bain ou encore Hors normes pour ne citer qu’eux. Céline Sciamma exprime très bien, quand elle parle de foot féminin filmé, ce qui manque au film : « J’adore ça ! Ce sont des images qui nous ont manqué […]. Des femmes concentrées, pas des femmes qui sourient au bout de dix secondes comme on en voit toujours au cinéma. Des femmes au travail » (propos recueillis dans Le Monde en août 2019). Or, il est assez peu question des filles qui s’entraînent, de ce cela dit de leur corps filmé au cinéma.
Il manque certainement plus de radicalité à La Belle équipe pour vraiment s’affirmer comme la révolution qu’il voudrait être. Car si chaque film était une « machine à changer d’identité », ici les changements qui s’opèrent chez les personnages sont très peu montrés, car ils sont là pour faire rire avant un grand recul… ou simplement pas montrés. A quel moment Catherine fait-elle comprendre vraiment à son mari qu’il n’a pas agit comme il le devait (on la voit l’embrasser à la toute fin mais il n’a pas vraiment bougé d’un iota) au-delà de son petit jeu de changement de lieu de vie ? Et Stéphanie, va-t-elle simplement revenir au foyer et reprendre sa charge mentale ? On ne le sait pas, ce n’est malheureusement pas ce qui intéresse le réalisateur puisque le film revient au statu quo pour son personnage masculin principal, il redevient le mari d’une femme qu’il a assez lourdement draguée d’ailleurs. A la fin, match nul, rien de sensationnel. Un point partout. Rideau.
Une Belle équipe : Bande annonce
Une Belle équipe : Fiche technique
Synopsis : Après une bagarre, toute l’équipe de foot de Clourrières est suspendue jusqu’à la fin de la saison. Afin de sauver ce petit club du Nord qui risque de disparaître, le coach décide de former une équipe composée exclusivement de femmes pour finir le championnat. Cette situation va complètement bouleverser le quotidien des familles et changer les codes bien établis de la petite communauté…
Réalisateur : Mohamed Hamidi
Scénario: Mohamed Hamidi, Alain-Michel Blanc, Camille Fontaine
Interprètes : Kad Merad, Céline Sallette, Alban Ivanov, Sabrina Ouazani, Laure Calamy, Guillaume Gouix, Myra Tyllian, Manika Auxire, André Wilms
Photographie : Laurent Dailland
Montage : Marion Monnier
Producteurs : Nicolas Duval-Adassovsky, Jamel Debbouze
Société de production : Quad Films, Kiss Films
Distributeur : Gaumont distribution
Durée : 95 minutes
Genre : comédie
Date de sortie : 15 janvier 2020
France – 2019