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Matrix Resurrections : la déconstruction d’une trilogie

Matrix Resurrections est une initiative assez paradoxale, mais terriblement libératrice. D’un coté, il permet à Lana Wachowski d’ouvrir une nouvelle brèche cinématographie pour parler de son rapport au cinéma et à la trilogie qu’elle a créée. Ce nouvel opus est bizarrement autant une suite logique à la trilogie susnommée qu’à sa filmographie entière, de Bound à Sense8.

Une œuvre qui fait le pont entre plusieurs thématiques comme celle du libre arbitre, du lien intemporel ou celle de la transidentité. De l’autre, le film est un blockbuster vif, drôle, rempli d’idées visuelles et qui contient dans ses veines un amour infini pour ses personnages : un spectacle onirique, graphique, où l’action n’est jamais mise de coté. Qu’on se le dise, le sujet central est bien là : l’amour. L’amour est un tout, un talisman qui brille et qui permet à chacun et chacune de se libérer, de se comprendre voire de s’écrire. Nous y voyons l’amour d’une cinéaste pour ses personnages, puis l’amour entre les personnages qui fait se réunir les mondes. Certes, le film reprend de nombreuses figures emblématiques de la mythologie Matrix : les pilules rouges et bleues, l’illusion, la croyance, la matrice et la réalité, les combats, l’aliénation, l’humain et la machine sauf qu’à l’image de Morpheus et l’agent Smith, le reflet a quelque peu changé.

A l’image de toute la première séquence, qui reprend presque trait pour trait l’ouverture de Matrix, Lana Wachowski joue avec nos attentes en se demandant : qu’est ce qu’une suite surtout lorsqu’elle invoque une forte nostalgie ? En ce sens, ce qui marque premièrement le plus dans ce nouvel opus, c’est à quel point il est conscient de lui-même notamment dans sa première partie : un film qui s’autoréférence à outrance, sans que cela soit hors propos ni fallacieux. C’est même le contraire. Il ne fait que parler de l’aura qu’il a eu auprès d’une longue et large communauté, avec la toxicité que cela a pu amener. De manière sarcastique et ironique, le film s’interroge sur sa propre existence et les causes de sa naissance mais ne le fait jamais de manière gratuite. La réalisatrice arrive parfaitement à trouver l’équilibre entre son propos dénonciateur, l’avancée de son récit, et l’écriture nouvelle de ses personnages (Buggs).

Avec Matrix Resurrections, nous sommes plongés dans une nouvelle matrice, où Thomas Anderson a crée le jeu vidéo « Matrix » qui est devenu un carton planétaire et pendant ce temps là, « Trinity » a une vie de famille paisible, sans que les deux ne se connaissent de près ou de loin. Là où des films comme Spider-man : No Way Home se fourvoient dans une nostalgie factice, consensuelle et qui se servent des souvenirs comme de simples figurines qu’on sort une fois tous les 5 ans des cartons poussiéreux afin de faire rêver une fanbase déjà conquise à sa cause, Lana Wachowski prend alors le pari inverse. Pari ingrat mais qui à l’honnêteté de dévoiler une cinéaste prenant un recul nécessaire par rapport à sa création : avec cette volonté perpétuelle de la construction/déconstruction (la notion de l’Elu) comme l’avait fait dernièrement Ridley Scott avec Alien Covenant ou Rian Johnson avec Star Wars VIII : Les Derniers Jedi.

Cette velléité est celle de se questionner sur sa raison d’être et de pointer du doigt une communauté qui a enfermé sa trilogie dans une sphère qui la dépasse. Derrière ses quelques lignes, on pourrait rapidement penser que Matrix Resurrections ne soit qu’un simple film à thèse, peu subtil, et qui comme le faisait déjà Speed Racer, se veut être un pamphlet contre la société de consommation. Mais tout comme ce dernier, le cinéma est visible à chaque plan. C’est un plaisir de chaque minute. Après tout ce propos sur le monde du cinéma, sur la notion de suite et l’apogée hollywoodienne qui s’abat sur ce non renouvellement continuel et consumériste, Matrix Resurrections un « vrai film de cinéma ». L’expression est malvenue et inutile car il est difficile de différencier un vrai film avec un faux film, mais la réalisatrice s’efface petit à petit de l’écran et du texte, pour regarder ses personnages se mouvoir dans un nouvel environnement et nous faire ressentir un sentiment que les blockbusters actuels arrivent peu à toucher : l’émotion. Un simple rendez vous entre Néo et Trinity autour d’un café devient un moment de grâce.

L’aspect blockbuster « reprend ses droits » dans une deuxième partie à la structure plus attendue, avec cette conquête et cette recherche de l’être aimé mais qui arrive tout de même à nous faire retrouver la gloire d’antan visuelle, épique et inventive du cinéma d’action que peut fabriquer Lana Wachowski. Matrix Resurrections est un film hybride, une suite qui ne ravira pas tous les fans qui se sentiront visés ou insultés par une cinéaste qui ne souhaite qu’une seule chose : faire que ses personnages n’appartiennent à personne et soient libres de leurs propres destinées. 

Bande Annonce – Matrix Resurrections

Synopsis : MATRIX RESURRECTIONS nous replonge dans deux réalités parallèles – celle de notre quotidien et celle du monde qui s’y dissimule. Pour savoir avec certitude si sa réalité propre est une construction physique ou mentale, et pour véritablement se connaître lui-même, M. Anderson devra de nouveau suivre le lapin blanc. Et si Thomas… Neo… a bien appris quelque chose, c’est qu’une telle décision, quoique illusoire, est la seule manière de s’extraire de la Matrice – ou d’y entrer… Bien entendu, Neo sait déjà ce qui lui reste à faire. Ce qu’il ignore en revanche, c’est que la Matrice est plus puissante, plus sécurisée et plus redoutable que jamais. Comme un air de déjà vu…

Fiche Technique – Matrix Resurrections

Réalisation : Lana Wachowski
Scénario : Lana Wachowski, David Mitchell, Aleksandar Hemon
Casting : Keanu Reeves, Carrie Anne Moss, Jonathan Groff, Jessica Henwick…
Durée : 2h28 minutes
Genre: Drame/Action
Date de sortie : 22 décembre 2021 (Warner Bros France)