On parle beaucoup de série sur Netflix, et ce n’est pas le triomphe public et critique de The Queen’s Gambit qui fera dire le contraire. Pourtant, en tant que producteur ou simple diffuseur, la plateforme de Vod nous aura fourni cette année un certain nombre de films d’action allant par exemple du simple actionner Tyler Rake au polar Bronx. Prenons, dès lors, un peu de temps pour faire un petit tour d’effectif de ce que Netflix nous a présenté en 2020.
Balle perdue de Guillaume Pierret :
C’est l’un des bons élèves de l’année. Surtout pour un premier essai. Ce polar solide affublé de courses poursuites bien ficelées, et doté d’un petit côté Drive, transpire la volonté de bien faire, de rendre hommage à un certain cinéma d’action qui tend à vouloir faire cohabiter habilement réalisme (malgré ce pare-buffle venu d’ailleurs) et scènes d’action. On aura beau lui reprocher quelques défauts, comme cette fameuse scène du commissariat bien branlée mais « over the top » en mode The Raid ou un petit manque d’envergure dans l’histoire et la tenue thématique des personnages, le boulot est là, sans jamais faire la scène de trop et ça se voit à l’image. Comme le récent Burn Out, Balle perdue suinte l’humilité et l’artisanat, l’amour du genre, avec une équipe technique impliquée, un casting au diapason (très bon Alban Lenoir) et quelques saillies sanglantes bien senties. 3/5
The Old Guard de Gina Prince-Bythewood :
Le film est un peu à l’image du personnage de Charlize Theron : parfois efficace mais malheureusement trop sûr de ses effets, se déviant inévitablement de l’action pour se noyer dans un concert de discours lacrymaux. On aimerait retrouver la folie viscérale de son rôle de Furiosa (Fury Road) ou son charisme vintage qui tabasse des culs plus rapidement que Vin Diesel (Atomic Blonde), mais The Old Guard veut jouer sur tous les tableaux, pour le meilleur ou surtout pour le pire. A l’inverse de Balle perdue, ce film de bande a cette intention de parsemer son récit de bons nombres de thématiques (la solitude, la violence faite aux opprimés et aux minorités, l’immortalité, la tolérance, la mort, le destin, l’inclusivité) et de nous le faire savoir. Mais au lieu de lier le fond à la forme, ou inversement, comme sait magnifiquement le faire Sense8 des soeurs Wachowski, tout s’imbrique sans aucun naturel, donnant à la trame narrative un visage extrêmement schématique voire marketing : de grands discours et moments de groupe surviennent avant chaque bataille bien sanglante. Trop ambitieux pour la pauvreté du résultat visuel, trop lénifiant pour émouvoir, cette relecture moderne de « The Highlander » est artificielle et sans âme. C’est un comble pour des immortels. 2/5
Project Power de Henry Joost et Ariel Schulman :
Difficile de faire un film aussi pauvre et désarticulé avec une idée quelque peu séduisante. Une drogue circule dans La Nouvelle Orléans et donne des pouvoirs pendant 5 minutes, ce qui occasionne de véritables problèmes pour les forces de police. Pouvant traiter de l’addiction, du mal de la société, de la lutte des classes, des disparités sociales, pouvant même se réapproprier le genre du film de super héros et lui donner un bon coup de fouet, Project Power ne fait rien de ça, et n’est que le simple récit d’un père qui cherche sa fille, génie de formule chimique et devenue la proie des dealers ou autres gouvernements. Se baser sur un postulat de Série B n’est en rien un problème, au contraire même, mais ça peut le devenir avec des personnages aussi manichéens, des pouvoirs qui servent de simples gadgets esthétiques à la réalisation, des scènes d’actions clippesques, et une intrigue brouillonne. Le charisme brut et plein de testostérone de Jamie Foxx n’y fera rien. 1,5/5
Bronx d’Olivier Marchal :
Après son ambitieux Carbone, Olivier Marchal revient aux affaires avec un polar 100% labellisé par le cinéaste. Des gueules cassées, des flics sur la corde raide, des vestes en cuir, une hiérarchie corrompue, des gangs qui se flinguent à tout va, des femmes au foyer qui servent de proie aux ennemis, un environnement viril qui aime mettre le paquet sur la table. C’est du Olivier Marchal pur jus, un film de bonhommes qui se regardent la nouille. Pourtant, Bronx ronronne, a du mal à décoller et agit peu. La verve semble bien fatiguée, tombant presque dans l’autoparodie. On savait pertinemment que la subtilité n’allait pas être au rendez vous, mais ce qui détonne dans Bronx, outre l’impression de déjà vu, c’est sa complexité maladroite. D’une mise en scène physique, mais qui perd tout de même en muscles et en nervosité par rapport aux précédents films du cinéaste, s’ajoute alors une rythmique en dents de scie, des bavardages lassants et une propension à accumuler les rebondissements ou les twists qui brouillent et rendent illisible le cheminement de ce polar qui aurait pu être bien plus racé et radical que cela. Dommage, l’ouverture du film, sèche, mutique et dépressive annonçait un autre spectacle. 1,5/5
Tyler Rake de Sam Hargrave :
Le personnage de Tyler Rake est un mix entre Chris Redfield dans Resident Evil 5 et Terminator. Une machine de guerre qui aime mettre des patates de forain, en terre exotique et hostile, qui te détruit toute une ville. Réalisé par un ancien cascadeur, ce qui devient monnaie courante dans le cinéma d’action hollywoodien actuel (John Wick, Atomic Blonde…), Tyler Rake est un actionner qui ne ménage pas son envie perpétuelle d’en découdre, quelle que soit l’arme, dans cette fuite en avant. D’emblée, dans cette exfiltration d’un jeune garçon aux prises d’un cartel, le cinéaste enlève toute idée de danger pour son personnage principal, le rendant presque invisible, ou presque. La mécanique prend alors forme, comme celle d’un jeu vidéo en mode « Beat’em all » et se déploie alors un déluge d’action, entre coup de force visuel et chorégraphie bien pensée. Certes, Tyler Rake ne va pas révolutionner le genre, et est parfois en délicatesse avec le récit (la rédemption un brin forcée…), mais il ne dérive jamais de son objectif premier : celui d’enclencher la seconde sans jamais ralentir. Tout en jouant beaucoup sur le charisme viril d’un Chris Hemsworth. 3,5/5
La Terre et le sang de Julien Leclercq :
Loin des références que peuvent être Assaut de Carpenter ou même Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah, La Terre et le sang est un film de siège en demi teinte. Après 50 minutes d’exposition qui malheureusement ne trouvent pas l’impact escompté sur la portée sociétale des personnages ou l’économie du contexte affiché, ni sur le genre cinématographique en lui-même, le film sort les flingues et tire à tout bout de champ sans forcément mettre en valeur son environnement forestier. Un film qui mêle maladroitement un monde de la banlieue qui rencontre le monde campagnard, dans une photo grisâtre et une violence indolore. Malgré quelques scènes où l’on voit que Julien Leclercq touche sa bille sur l’action, et un Sami Bouajila habité, La Terre et le sang est une déception qui manque son choix d’immersion. 2/5