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Corps et âme : une œuvre subtile et sensible

Après presque 20 ans d’absence, la réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi revient derrière la caméra pour livrer un long-métrage poétique et touchant, Corps et Âme, Ours d’or à la Berlinale 2017.

Synopsis: Mária, nouvelle responsable du contrôle de qualité et Endre, directeur financier de la même entreprise, vivent chaque nuit un rêve partagé, sous la forme d’un cerf et d’une biche qui lient connaissance dans un paysage enneigé. Lorsqu’ils découvrent ce fait extraordinaire, ils tentent de trouver dans la vie réelle le même amour que celui qui les unit la nuit sous une autre apparence…

Mieux vaut ne pas trop en dire sur le scénario de ce film, afin de le savourer comme il se doit. Comme on dégusterait un bon cru. Ici il s’agit d’une histoire d’amour, ce qui peut sembler banal. Même si ça n’est pas du tout le cas. Le traitement de ce sentiment amoureux est amené par des personnages atypiques. Il y a tout d’abord Mária, jeune femme brillante mais asociale, et puis Endre, son patron, infirme et seul aussi. Tous les deux sont des « handicapés sentimentaux ». C’est-à-dire qu’ils n’arrivent pas à sortir de leur solitude pesante. Jusqu’à se rencontrer en rêve. Il faut dire également que le lieu de leur rencontre n’est pas des plus glamours. En effet, ils travaillent tout deux dans un abattoir. D’ailleurs la réalisatrice n’épargne pas de nous montrer des scènes d’abattage d’animaux. Sûrement une volonté de sa part de montrer la cruauté qui en découle.

On suit alors les tribulations de ces deux personnages au quotidien, partagés entre travail et retour à la maison. On s’aperçoit vite que leur vie est essentiellement composée de leur job. L’œuvre trouve sa force dans cette vision, à laquelle la réalisation apporte une touche poétique. Ainsi on s’attarde sur un rayon de soleil, ou sur un geste. Cela permet aussi de montrer le développement des sentiments amoureux qui croissent petit à petit entre eux. Ils vont apprendre à s’apprivoiser, comme elle va apprendre à interagir avec les gens. Finalement, ils ne sont pas loin des bêtes qu’ils incarnent en rêve. Seuls et coupés du monde.

Corps et Âme peut déstabiliser au premier abord, de par son dépouillement. Les acteurs interprètent leur personnage subtilement, et l’absence d’émotion visible sur le visage de Mária oblige à chercher d’autres manières de la comprendre. Cela passe donc par son corps et ses mains qu’elle tripote nerveusement, ou par un regard. La lenteur voulue de cette production peut rebuter également. Elle prend son temps. On l’apprécie d’autant plus.

Ours d’or mérité, oui. Œuvre sensorielle à déguster. Histoire intime à apprécier. Foncez !

Corps et Âme : Bande Annonce

Corps et Âme : Fiche Technique

Titre original : Testről és lélekről
Réalisation : Ildikó Enyedi
Scénario : Ildikó Enyedi
Image : Máté Herbai
Montage : Károly Szalai
Musique : Ádám Balázs
Récompenses : Ours d’or 67e Festival international du film de Berlin, prix FIPRESCI, prix du jury œcuménique
Durée : 116min
Genre : dramatique
Date de sortie : 25 octobre 2017

Hongrie – 2017