Il n’y a pas à dire, Annabelle : la Maison du Mal est sans conteste l’un des titres les plus efficaces de l’univers Conjuring. Enchainant les séquences horrifiques et autres entités démoniaques comme rarement, le film est une véritable attraction qui saura pleinement divertir le public en quête de sensations fortes. Mais en creusant un peu, ce troisième opus se révèle également être la preuve que la saga a atteint ses dernières limites.
Synopsis : Après avoir terrorisé bon nombre de personnes, la poupée Annabelle se trouve désormais en possession du couple Warren, qui l’a enfermé dans une vitrine bénie, mais alors qu’il part en week-end, délaissant leur fille Judy avec sa baby-sitter Mary-Ellen, Annabelle va profiter de l’insouciance de Daniela, une invitée surprise, pour s’échapper et terroriser ces jeunes victimes avec la participation des autres entités enfermées avec elle par les Warren…
Vous pensiez vraiment que l’univers cinématographique de Conjuring allait s’arrêter comme ça, alors que d’autres commencent à sentir le roussi (Transformers, le MonsterVerse) et se louper en beauté (le Dark Universe) ? Vous pensiez avoir une pause jusqu’à Conjuring 3, après être passé par deux films en seulement dix mois (La Nonne et La Malédiction de la Dame Blanche) ? Fier de tenir une saga toujours au sommet de sa forme question succès commercial, James Wan a préféré offrir aux spectateurs un nouveau titre en livrant une seconde suite à sa célèbre poupée Annabelle. Après un premier opus des plus médiocres – en même temps, laisser la réalisation à un gars tel que John R. Leonetti (Mortal Kombat 2)… – et un second épisode diablement efficace, le démon éponyme revient donc hanter le public une nouvelle fois avec ce long-métrage qui tente de faire le lien avec la série principale (en incluant directement la famille Warren dans le scénario). Mais il faut se rendre à l’évidence : à force d’accumuler les titres, l’univers Conjuring commence sérieusement à battre de l’aile, risquant la lassitude du public après déjà six ans d’existence. Annabelle : la Maison du Mal en est clairement la preuve. Celle révélant qu’un projet tel qu’un univers cinématographique horrifique était certes ambitieux mais beaucoup trop limité pour tenir la distance.
Déjà sur la base scénaristique du projet. Jusque-là, le but des spin-offs était de présenter les origines des démons de la saga et de creuser leur aura si charismatique. Si le premier Annabelle ne l’avait pas fait comme prévu, le second avait rempli ce cahier des charges comme il le fallait. Tout avait été dit et montré dans cet épisode, alors pourquoi donc nous livrer un troisième titre ? Que peut-il apporter de plus ? Rien du tout ! Annabelle 3 n’exécute qu’une seule chose : faire le pont entre cette saga secondaire et les films principaux de James Wan (en incluant dans le scénario la famille Warren). Sur le reste, cette suite n’est qu’un bonus à l’histoire de la poupée. Une intrigue dispensable servant à confirmer son aura pourtant bien affirmée, étant donné que le tout n’aboutit à aucun dénouement. Que ce soit pour les personnages ou bien pour le démon éponyme en lui-même. Celui-ci « s’échappe » de sa prison (une vitrine) et provoque un capharnaüm monstre en stimulant d’autres entités avant d’être enfermé à nouveau. Fin. Pas d’apport au background, pas de développement pour les personnages récurrents… Juste un prolongement dispensable de presque 1h50 qui ne sert strictement à rien. À la limite, Annabelle 3 peut se voir comme une annonce des nouveaux démons de la saga (une robe de mariée hantée, une armure de samouraï, le Passeur…). Notamment ce loup-garou, qui devrait être l’intérêt principal de Conjuring 3 selon les nombreuses annonces concernant le projet. Mis à part cela, le film n’est que du vent. Et quand une saga commence à ne plus savoir quoi faire de ses personnages, ce n’est pas vraiment pas bon signe question pérennité…
Là où l’univers trouve également ses limites, c’est dans sa structure horrifique. Depuis le premier Annabelle, chaque film use de la même recette : mettre mal à l’aise le public en abusant d’une atmosphère satanique (ambiance religieuse prononcée, direction artistique privilégiant l’obscurité…) et des éternels jump scares, effets les plus faciles et gratuits du cinéma d’horreur. Quelque part, James Wan le faisait aussi (même avec ses deux Insidious), mais son talent de metteur en scène lui permettait de jouer avec les attentes du spectateur et de le surprendre avec beaucoup d’ingéniosités. Et sortait tout simplement ses long-métrages du lot ! Pour les autres films, c’est juste une application banale de cette recette, les réalisateurs ne cherchant nullement à renouveler l’expérience. Et du coup, à force de se reposer sur de tels lauriers, plus rien n’impressionne. Les effets angoissants sont attendus comme pas possible, l’ensemble sent le déjà-vu à plein nez – encore cette porte qui claque toute seule… – et les séquences horrifiques n’ont plus le même impact qu’auparavant. Et quand cela veut proposer de nouvelles scènes, cela tombe dans le grotesque et l’invraisemblance (par exemple, le coup des clochettes dans La Nonne). Annabelle 3, c’est une fois de plus la même chose. Un énième film d’horreur comme il en existe déjà tant, qui tente de compenser avec de l’humour à la limite de la parodie : l’élément déclencheur venant de la bêtise d’un personnage, un sidekick bastonnant du démon à coup de guitare… Ou encore avec des effets spéciaux un peu trop clinquants pour ce genre de film. Ce qui casse l’ambiance angoissante (le loup-garou numérique) ou rend certaines scènes ridicules (le final avec le démon hantant Annabelle). Cela peut fonctionner, mais ce n’est pas suffisant pour combler le vide sidéral du titre. Et là aussi, quand une saga ne parvient plus à se renouveler, pas sûr qu’elle suscite autre chose que l’ennui par la suite.
Jusque-là, Annabelle 3 n’a rien pour lui. Un opus de bien piètre calibre qui ternit sans aucun complexe l’espoir qu’avait instauré son prédécesseur. Et pourtant, cette suite arrive à tenir en haleine malgré ses trop grandes banalités. En effet, après être passé par une longue introduction dans le but de présenter les personnages et le contexte, le film devient une attraction à part entière. Switchant entre ses trois quatre jeunes protagonistes, Annabelle 3 enchaîne les séquences horrifiques avec une générosité folle à tel point que l’aspect sans surprise de celles-ci s’en retrouve grandement atténué. Un véritable train fantôme, qui vous emmène pour quarante bonnes minutes d’angoisse et de tension non stop, ne vous laissant quasiment aucun moment de répit pour reprendre votre souffle. Rien que sur cette fluidité et son aspect grandement divertissant, ce film parvient à se rattraper. À rendre son visionnage appréciable à condition de ne pas être trop pointilleux. Comme n’importe quel blockbuster, en somme !
La qualification de train fantôme prend avec Annabelle 3 tout son sens – étant une image plus appropriée que celle du film fast-food, que beaucoup utilisent de nos jours. En effet, il s’agit d’une attraction. Un manège qui ne cherche qu’à distraire les gens en les effrayant avec des clichés horrifiques. Il n’y a pas à dire, ce troisième opus de la poupée arrive à amuser un public ne regrettant nullement l’achat de son ticket. Mais voilà, partant d’une idée ambitieuse (celle d’en faire une saga semblable au MCU), il est vraiment dommage de voir à quel point la saga Conjuring, comme tout univers cinématographique actuel, n’est qu’une attraction. Au potentiel limité mais persévérant sur la même voie car ne sachant plus quoi faire d’autre. Ce qui ne rassure pas sur Conjuring 3 ni sur le devenir de la franchise, qui s’élargira prochainement avec La Nonne 2 (encore une suite…) tandis qu’un projet inédit (le spin-off sur The Crooked Man de Conjuring 2) peine à se concrétiser. Divertissant mais navrant…
Annabelle : la Maison du Mal – Bande-annonce
Annabelle : la Maison du Mal – Fiche technique
Titre original : Annabelle Comes Home
Réalisation : Gary Dauberman
Scénario : James Wan et Gary Dauberman
Interprétation : Mckenna Grace (Judy Warren), Madison Iseman (Mary Ellen), Katie Sarife (Daniela Rios), Vera Farmiga (Lorraine Warren), Patrick Wilson (Ed Warren), Michael Cimino (Bob Palmeri), Steve Coulter (le Père Gordon), Luca Luhan (Anthony Rios)…
Photographie : Michael Burgess
Décors : Jennifer Spence
Costumes : Leah Butler
Montage : Kirk M. Morri
Musique : Joseph Bishara
Producteurs : Peter Safran et James Wan
Productions : New Line Cinema, RatPac-Dune Entertainment, Atomic Monster et The Safran Company
Distribution : Warner Bros.
Budget : 27 M$
Durée : 106 minutes
Genre : Horreur
Date de sortie : 10 juillet 2019
États-Unis – 2019