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Crédits : Le Chat qui fume

Les Trois Visages de la peur nous effraie en Blu-ray UHD chez Le Chat qui fume

Retour sur le film à sketches de Mario Bava, Les Trois Visages de la peur, à (re)découvrir dans une édition Blu-ray UHD soignée par Le Chat qui fume.

Synopsis : Boris Karloff en personne vient jouer le maître de cérémonie afin de nous présenter les trois histoires qui vont suivre. Tout d’abord, « Le Téléphone », huis-clos oppressant dans lequel une jeune femme est harcelée au téléphone par un inconnu qui la menace de la tuer. Ensuite, « Les Wurdalaks », une sombre histoire de vampires errant dans la lande où vit recluse une famille de paysans, dans la Russie du XIXème siècle. Enfin, « La Goutte d’eau », où une infirmière venue au chevet d’une vieille femme mourante va regretter de lui avoir dérobé sa bague. Terreur et surnaturel, esprits des morts et créatures de la nuit sont donc au menu de ces contes macabres qui incarnent Les Trois Visages de la peur !

I tre volti della paura

L’unique film à sketches de Mario Bava, Les Trois Visages de la peur, est à redécouvrir en Blu-ray UHD chez Le Chat qui fume. Le film anthologique vous plonge dans trois récits où l’épouvante se nourrit de la perversité comme de la folie humaine pour créer des figures horrifiques œuvrant dans l’ombre mais aussi, Bava oblige, nimbées des couleurs flamboyantes et inquiétantes au service de la passion, du mystère et de l’altérité.

Un vicieux coup de téléphone peut ainsi recouvrir une autre duperie, une bataille contre un mal légendaire n’était peut-être érigée que sur la folie et l’irrespect des vivants pour les morts peut nous conduire à une revanche de l’au-delà possiblement engendrée par une imagination trop superstitieuse. Les Trois Visages de la peur édifie ainsi une terreur aux tenants et aboutissants ambigus que n’aurait pas reniée un Rod Serling dans sa Twilight Zone.

Une tromperie en cache alors une autre. Une remarque d’ailleurs confirmée par le final du film. On y retrouve Boris Karloff dans son personnage de patriarche devenu un « Wurdalak ». L’homme, ici jovial, est à l’arrêt et brise le quatrième mur en s’adressant directement aux spectateurs. Puis il reprend sa course, sillonnant la campagne nocturne sur son destrier quand la caméra opère un doux traveling arrière révélant l’invention cinématographique. L’acteur s’amuse sur un cheval à bascule mécanique devant un fond sur lequel est rétro-projeté un mouvement simulant l’avancée du bonhomme. La supercherie est complétée par des techniciens courant en cercle devant la caméra avec différentes plantes dans les bras.

Mario Bava réalise ainsi l’ultime tromperie du long métrage en révélant la construction du spectacle de la peur. On pourrait aisément penser que cette fin grand-guignolesque trahit l’ambiguïté des visions terrifiantes de ses trois contes cinématographiques, mais il n’en est rien. En effet, comme le rappelle son fils Lamberto Bava, s’il s’agissait pour le cinéaste de terminer son long métrage sur une note plus légère, ce final constitue aussi pour Mario Bava une réflexion de cinéma à la fois ludique et insidieusement ambiguë : si tout est faux, qu’en est-il de votre peur pourtant bien réelle ?

Extrait – Final des Trois Visages de la peur

Les Trois Visages de la peur en édition Blu-ray UHD

Le long métrage de Mario Bava fait ainsi son comeback vidéo dans une édition Blu-ray Ultra HD + Blu-ray chez Le Chat qui fume. Comme pour La Ruée des Vikings, il s’agit d’une restauration menée par L’Immagine Ritrovata. Loin de faire l’unanimité chez les cinéphiles comme chez les éditeurs, et cela malgré des explications qui restent discutables, le laboratoire a ici opéré une restauration 4K d’après les négatifs originaux en utilisant une copie d’exploitation française comme référent colorimétrique pour l’étalonnage. Ce nouveau master présente la copie la plus précise du film, avec une gestion du grain formidablement naturelle sur l’UHD et très bonne sur le Blu-ray qui présente bien sûr un rendu visuel moins précis.

Des différences d’étalonnage entre cette nouvelle édition 4K et le précédent master notamment édité par Arrow en 2013 (et probablement basé sur un interpositif) pourront franchement surprendre. On peut observer que la copie présentée par le Chat qui fume est de façon générale moins lumineuse. Ainsi, d’un côté, les scènes de nuit ou obscures gagnent en cohérence visuelle mais des données visuelles sont perdues. Le début des Wurdalaks, qui se passe de nuit, est enfin présenté dans une ambiance véritablement nocturne chez Le Chat qui fume. Une perte de détails est par ailleurs notable sur les vêtements de la défunte dans la Goutte d’eau. Le plan qui la présente est d’ailleurs plus riche en termes de couleurs et de nuances chez Arrow qu’ici. À l’inverse, le rouge sur le visage de Karloff dans son introduction est mieux présenté dans le dernier master, tant le rendu d’Arrow souffre d’une surlumininosité et d’un contraste pas toujours bien dosé. Dernier exemple : le sketch du Téléphone est dominé par des teintes plus froides (notamment du vert) dans ce nouveau master contre une imagerie plus douce et chaude chez Arrow. Ces différences notables peuvent être justifiées de par les sources utilisées ainsi que par les traitements et encodages. On peut toutefois affirmer ceci : si l’étalonnage de l’Imagine Ritrovata donne la part belle aux atmosphères nocturnes et terrifiantes du film avec des ambiances visuelles cohérentes et plus homogènes, celui d’Arrow, bien que trop lumineux, permet d’accéder à davantage de détails – qui ne devaient peut-être pas être initialement visibles, et surtout à une palette colorimétrique généralement plus nuancée.

Au-delà de cette comparaison, on note sur l’UHD comme sur le Blu-ray du Chat qui fume un léger manque de profondeur des noirs qui virent au grisâtre doré, une tendance propre au laboratoire susnommé. Malgré tout, le rendu colorimétrique rend hommage au travail de Bava tant les couleurs, comme le cadre, s’avèrent être stables. On regrette toutefois l’absence d’HDR – trop cher pour l’éditeur qui le considère comme un léger « booster de couleur » – non pas tant pour le travail de contraste lumineux (fixe ou dynamique selon le standard) que pour l’encodage avec l’usage de l’espace colorimétrique BT.2020 et une profondeur de 10 bits qui aurait pu donner à voir l’ensemble des couleurs et nuances disponibles. Rien que ça ! Toutefois, notre chat fumeur nous a quand même fourni l’espace colorimétrique Rec.709 encodé en 10 bits et non 8 (comme sur les Blu-ray), permettant d’obtenir une colorimétrie tout de même légèrement plus nuancée que celle du Blu-ray.

Si l’UHD est considéré comme un « bonus » par l’éditeur, « un cadeau offert » exclusif au premier tirage, on se pose toutefois la question de la pertinence de cette édition du point de vue d’un cinéphile non habitué de l’éditeur. Les explications plus ou moins justes de l’éditeur mises à part, le packaging propose en effet une édition UHD et non pas Blu-ray + Blu-ray UHD. Ce qui, de fait, peut poser question quant au choix de ne pas proposer une édition UHD ultime proposant l’HDR (ou – rêvons – le Dolby Vision), qui plus est, dans un tirage très limité. Surtout que, si l’HDR est couteux pour l’éditeur, celui-ci ne gagnerait-il pas à économiser sur les frais d’éditions des UHD pour fournir une édition Blu-ray comprenant deux disques : le premier pour le film qui serait ainsi moins compressé, et le deuxième réservé aux compléments (maj : alors plus nombreux) ? Que ceux qui lisent ces lignes ne prennent pas la mouche, il s’agit d’un simple questionnement.
MISE À JOUR : Le Chat qui fume a répondu sur sa page en invoquant la question technique du Blu-ray – ici BD50 donc Blu-ray double couche utilisé -, expliquant qu’un seuil de compression ne pouvait être dépassé. Le fait est indéniable sauf que le débit du film est loin d’être proche des 40 Mbps qui constituent le seuil maximum du débit Blu-ray. Or ajoutons aussi cela : au-delà du débit et de la compression, se pose la question de l’encodage. Est-ce que moins de compression aurait mieux servi le film ? Normalement, oui. On insiste sur le « normalement » tant le rendu est aussi soumis aux différents facteurs qui constituent l’encodage. Enfin, notre question sur l’économie possible engrangée par l’arrêt de l’UHD et l’édition de deux Blu-ray n’a pas trouvé de réponse. Certes, il manquait une légère précision à la question, mais tout de même. Enfin, il n’y a bien sûr aucun intérêt à proposer un deuxième disque s’il n’y a que peu de compléments comme sur La Ruée des Vikings. Toutefois, est-ce que l’économie de l’arrêt des UHD permettrait au Chat de proposer davantage de compléments qui trouveraient ainsi leur place sur le deuxième disque Blu-ray ?

Du côté du son, la piste italienne est certainement la plus vive des deux disponibles. La VF est efficace mais les dialogues ont tendance à écraser tous les effets sonores non musicaux qui manquent alors de relief. Notez que chaque piste est liée à son montage d’origine comprenant ainsi les titres italiens pour la version italienne, et ceux, français, pour l’exploitation hexagonale.

Enfin, Le Chat qui fume a enrichi l’expérience d’intéressants compléments. Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele reviennent sur le long métrage de Mario Bave le temps de 49 minutes. L’exhaustif exposé, entrecoupé d’images du film, aurait mérité d’être visuellement plus dynamique malgré la mise en place d’un vrai dialogue entre les deux spécialistes. Vous retrouverez ensuite Edgard Baltzer sur la conception du film dont certains propos croisent ceux des deux précédents experts. Enfin, Lamberto Lava, le non moins célèbre fils du cinéaste, vient évoquer des souvenirs du film et de son père, de sa famille investie dans la cinématographie sur quatre générations à l’évolution de la réception critique des œuvres de son père depuis leurs sorties. Si critique-film.fr a remarqué une légère confusion entre les titres américains et français du Masque du Démon et des Trois Visages de la peur, notons que Lamberto Lava s’est quelque peu trompé sur le placement narratif de deux sketches du film.

On regrette l’absence du commentaire audio de Tim Lucas, spécialiste de Bava, de même que celle du montage américain qui, malgré son caractère puritain et son étalonnage alternatif, propose la bande-son de Les Baxter (notamment connu pour les sublimes compositions des adaptations de Poe menées par Roger Corman avec Vincent Price).

Même si elle provoque des débats – relativement légitimes – sur plusieurs points, l’édition Blu-ray UHD des Trois Visages de la peur menée par Le Chat qui fume s’avère être plus que satisfaisante. Si on sait son directeur, Stéphane Bouyer, parfois exténué, il peut toutefois être fier d’avoir lancé in/volontairement autant de partages passionnés autour de la redécouverte vidéo de ce long métrage mythique, entre discussions enflammées et débats sur l’historiographie de l’étalonnage du film, surtout dans un contexte culturel difficile où le silence règne encore dans les salles restées obscures.

Bande-annonce – Les Trois Visages de la peur (Mario Bava – 1963)

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray ULTRA HD & Blu-ray

UHD BD – 3840×2160 – 24p – BD 50 – 1980x1080p – Format : 1.85 – 16/9ème – Montage français en DTS-HD MA 2.0 (générique et inserts en français) – Montage italien DTS-HD MA 2.0 (générique et inserts en italien) – Sous-titres français – Épouvante – France/Italie/États-Unis – 1963 – Durée : 1h32

COMPLÉMENTS

Les 3 Visages de Mario Bava avec Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele (49mn)

L’histoire des 3 Visages de la peur avec Edgard Baltzer (34mn)

Le Visage de mon père, entretien avec Lamberto Lava (16mn)

Films annonces

Sortie le 18 avril 2021 – prix public indicatif : 27 €

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