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Mon Roi de Maïwenn : « Faire un film, c’est comme tomber amoureux »

« Faire un film, c’est comme, tomber amoureux, tout à coup, on n’a plus trop le choix, on doit faire avec » 

Maïwenn nous l’a affirmé hier soir lors d’une projection en avant-première de Mon Roi :  « on doit avoir envie de tomber amoureux en sortant ». Pourtant, la réalisatrice nous parle avec éclat d’une histoire d’amour passionnelle, obsessionnelle, mais qui tourne mal. Le film était présenté cette année en compétition officielle au Festival de Cannes et a été récompensé d’un prix d’interprétation féminine pour l’actrice principale, Emmanuelle Bercot. La réalisatrice de La Tête Haute (présenté en ouverture à Cannes) s’y révèle entière, puissante et vibrante, un peu à l’image de son discours cannois. Si Mon Roi est très centré sur son héroïne, il n’est pas non plus là pour juger les hommes, ce n’est pas le propos de Maïwenn, qui nous l’a rappelé hier soir « ce n’est pas un film féministe, c’est un film d’amour ». Et de l’amour, il y en a à revendre dans cette histoire de manipulation, de rires et de larmes. Construit sur des flash-back, le film est d’une grande habileté dans l’écriture narrative. Mon Roi, qui obsédait la réalisatrice de Polisse depuis près de dix ans, retrace près de onze années de vie d’un couple, entre amour et déchirures. Le fil conducteur au présent, c’est la reconstruction musculaire – et à fortiori psychologique – de Tony (Emmanuelle Bercot) gravement blessée aux ligaments du genou après une chute à ski.

Maïwenn, par petites touches successives, s’attache à montrer l’influence qu’aura cet amour dans la vie de Tony (diminutif de Marie-Antoinette). C’est que Georgio (Vincent Cassel) est un être théâtral, épatant et destructeur. A ce jeu-là, Vincent Cassel est parfait, tant il nous fait passer par tous les sentiments à l’égard de son personnage. S’il prévient Tony dès le début qu’il est « le roi des connards », elle se laisse prendre au jeu de l’excès. Et la réalisatrice nous offre une fin si ouverte que la présence de Georgio ne s’efface jamais complètement du corps de Tony, même après la guérison. Le film n’est jamais déprimant tant il est porté par une énergie folle et un rythme effréné ayant pour leitmotiv la surprise permanente. Tout repose sur la confusion des sentiments qui sont ici comme des montagnes russes. Un des plus beaux films de cette année, mais aussi de Maïwenn.

Mon Roi, premier film de Maïwenn sans Maïwenn

« Faire un film, c’est dépasser une obsession pour passer à une autre obsession » 

L’obsession que décrit Maïwenn dans ses mots est proche de celle qui se dégage de tout son film. Elle a l’habitude des films remplis d’obsessions, celles qui dirigent sa vie. La réalisatrice, adepte de la mise en scène de soi, a débuté sa carrière derrière la caméra avec une thérapie filmée : Pardonnez-moi. Dans son deuxième film, Le Bal des actrices, elle apparaissait aussi dans un rôle pivot, flanquée d’une histoire d’amour (qui était aussi réelle) avec JoeyStarr. Enfin, dans Polisse (Prix du Jury à Cannes en 2011), elle est retombée en amour pour JoeyStarr, au coeur d’un film qu’elle a qualifié comme « le plus autobiographique de [sa] carrière ». Elle y racontait, après une longue immersion, la vie d’une brigade des mineurs. Dans Mon Roi, Maïwenn aborde de nouveau un thème très intime et très fort : l’amour fou, mais elle est cette fois en retrait, puisque c’est un comme un double féminin qui endosse le premier rôle : Emmanuelle Bercot. On assiste à la naissance d’une actrice plus connue comme réalisatrice. C’est pour cette raison que Maïwenn a travaillé avec elle, mais aussi parce qu' »elle n’a pas de plan de carrière en tant qu’actrice ». Si Maïwenn nous présente volontiers l’actrice/réalisatrice comme « une cérébrale », ce n’est pas ce qui transperce à l’écran tant tout ce qui est filmé passe par le corps avant tout : ses stigmates et ses désirs. L’amour est ici plus qu’un lien d’appartenance, il est charnel. Quand Tony et Georgio se marient, ils ne s’offrent pas d’alliance. Pourtant, leurs peaux sont gravées de la peu de l’autre, sans nulle doute. Il ne font rien selon les convenances, car Georgio est dans le détachement et ne veut vivre que « des bons moments » en amour. Les contraintes et la vie quotidienne l’ennuient. Et c’est bien ça que filme Maïwenn : un amour qui ne résiste pas à la réalité, qui ne plait pas à l’entourage.

Alors, Emmanuelle Bercot n’est-elle finalement qu’un double de Maïwenn ? L’actrice s’imprègne de l’énergie-hystérie de l’actrice, de cette force qui se dégage d’elle, mais aussi de l’attachement qui la soumet aux êtres et qu’elle n’a jamais cessé d’explorer. Il faut toujours aller jusqu’au bout avec l’autre, quitte à tout détruire (même si la rupture n’est jamais vraiment une fin en soi). Mais l’actrice sait aussi imposer son corps, sa gouaille, son rire et se dégager de la force intime que Maïwenn met dans ses films pour se l’approprier. Une chose est sûre, Maïwenn lie les films à sa vie, c’est viscérale, organique. On retrouve d’ailleurs Isild Le Besco, sa sœur dans la vie, dans le rôle de la belle-sœur de Tony. Ce n’est pas un hasard. Et pourtant, la force du film est le recul que prend la réalisatrice sur l’histoire qu’elle raconte, l’autodérision qu’elle y distille. Le personnage du frère de Tony (joué par Louis Garrel) en est la parfaite démonstration. Ainsi, à un concours d’éloquence auquel elle participe comme avocate, Tony parle d’amour, de gâchis et de cette reconnaissance qui se fait dans l’amour entre deux êtres. Sa voix est théâtrale, Maïwenn y plaque des images de couples et d’amour. On pourrait croire qu’elle se prend au piège du pathos. Pourtant, juste après, elle ajoute une scène où Tony est raillée par son frère. Georgio, lui, la couvre d’éloges. C’est que l’homme est lui-même un être théâtral, dont les « je t’aime » arrivent très vite, trop vite ? Mon Roi sort en salles le 21 octobre prochain et vous est chaudement recommandé par LeMagduCiné.

Reporter LeMagduCiné