Un jour si blanc, belle œuvre sur le deuil et la colère, sort en salle le 29 janvier 2020. En ce sens, le réalisateur, Hlynur Palmason et l’acteur principal du film, Ingvar Eggert Sigurðsson ont accepté de répondre à nos questions où ils se confient sur leur vision du cinéma et le plaisir qu’ils ont eu à faire le film.
Questions posées à Hlynur Palmason :
- Bonjour, pour votre deuxième film, vous avez choisi le deuil, l’amour et l’angoisse de vivre après la perte. En quoi ce sujet vous a intéressé?
J’étais intéressé par cette relation entre un grand-père et sa petite-fille. C’est quelque chose qui a été très important dans ma vie et que j’ai toujours voulu explorer dans mes films. Je suis aussi à un âge où je perds moi-même mes grands-parents, et c’est je pense pour cela que ces pensées m’occupent l’esprit. J’étais intéressé par l’amour inconditionnel que l’on peut avoir pour un enfant ou un petit-enfant, la simplicité de cet amour, ou sa pureté. Mais j’étais aussi intéressé par une autre forme d’amour, l’amour qu’on a pour son mari ou sa femme, qui est bien plus complexe encore et où la frontière entre amour et haine est encore plus fine. On aime et on haït simultanément. Ce noyau paradoxal m’est apparu en commençant à travailler sur ces jeux de blanc [Un jour si blanc] qui réapparaissent dans le film.
- Lorsqu’on regarde vos deux premiers films, l’atmosphère et le décor environnemental ont beaucoup d’importance dans votre manière de composer vos plans. Comment travaillez-vous votre mise en scène ? Avec quelle intention ?
Je travaille en parallèle. J’écris tout en filmant le prologue du film avec la maison et les saisons qui passent. J’écris sur place et je retourne souvent sur les lieux. Mes films émergent petit à petit d’eux-mêmes si je me plonge tout entier dans chaque aspect du processus, dès le début. En fonctionnant ainsi, je peux voir et entendre le film progressivement et c’est alors que je commence à écrire le script. Donc les lieux sont très importants pour moi et colorent toute l’écriture. J’ai déjà dit que tout dans un film est d’une même importance, les dialogues sont aussi importants que les lieux, le mouvement aussi important que la musique, etc. Tout est d’importance égale, parce que tout participe de l’expérience du film. Le rythme et le caractère du film ne fonctionneront pas pour moi, si tous ces détails ne fonctionnent pas.
- De cette mise en scène, on ressent un véritable travail plastique sur la matière. L’esthétisme prend une part prépondérante dans votre façon de concevoir le cinéma ?
Je pense que le cinéma est l’alliance d’une forme et d’un caractère. C’est une expérience physique et émotionnelle qui se rapproche énormément de la musique. Je vois vraiment mes films comme des sortes de sculptures, avec une physicalité que je peux presque toucher.
- Un jour si blanc est un film qui mélange les ruptures de tons, entre moments horrifiques et comiques de situations burlesques. Pourquoi ce choix de narration?
Travailler sur un film donne parfois l’impression de travailler sur une grande composition d’émotions allant de haut en bas, et qui se construit brique par brique. Je pense qu’il est important de lui insuffler humour, humanité, et toutes les choses qu’on aime et déteste dans la vie elle-même. Je crois que j’essaie simplement de remplir mes films de ces choses qui me passionnent et d’explorer l’inconnu.
- La fin du film plonge dans le cinéma de genre, celui de la vengeance. Est ce que des films vous ont inspiré pour cette montée en tension ?
Le film tourne selon moi autour de la question du doute et de la colère, plus que de la vengeance. Et la colère peut parfois se justifier, susciter la compassion et s’avérer essentielle pour comprendre, ou bien donner sens à quelque chose.
Questions posées à Ingvar Eggert Sigurðsson :
- Bonjour, le film paraît riche en texture et en émotions, qu’est-ce qui vous a plu dans ce scénario ?
Bonjour Sébastien. Premièrement, il était important pour moi de sentir que Hlynur et moi étions sur la même longueur d’onde. Je dirais que ce fut le cas dès le début. Ses choix artistiques étaient des éléments sur lesquels je pouvais m’appuyer. J’étais préparé à ce qui allait suivre avant même de commencer le tournage du film, et je pouvais commencer à élaborer une palette d’émotions très condensées, les ajuster et les équilibrer aux moments adéquats.
- Comment s’est déroulée votre collaboration avec Hlynur Palmason ? Avait-il des consignes particulières pour que vous puissiez mieux comprendre votre personnage ?
Notre collaboration remonte loin, puisqu’il m’avait déjà en tête en écrivant le script. J’ai donc suivi le développement du scénario depuis le début. C’est difficile de vous parler d’un aspect en particulier. La préparation fut longue, si bien que quand nous avons débuté le tournage, j’étais prêt et excité.
- Un jour si blanc contient une très belle relation entre un petite fille et son grand père. Comment l’avez vous appréhendée, notamment pour trouver une aussi belle complémentarité ?
Ce n’est qu’une question de compréhension entre nous deux. En réalité, c’était facile pour nous. Dès le départ, nous étions liés par un amour inconditionnel, et d’une certaine manière elle était là pour moi et j’étais là pour elle. Sans cela, ça n’aurait pas aussi bien fonctionné.
- Cette part de folie et de jalousie qui contamine le personnage était-elle évidente à rendre crédible ?
Je ne dirais pas que c’était facile, mais c’était excitant dans la mesure où au même moment, mon personnage fait face à la perte et à tout un tas de questions insolubles. Selon ma compréhension du personnage, la folie ou la jalousie étaient davantage des expressions de son amour que de la haine.