Auréolé de son triomphe en salles en France, le nouveau film de Gilles Lellouche est présenté en exclusivité nord-américaine pour la trentième édition du Festival de films francophones Cinemania 2024. Mais ce n’est pas le réalisateur qui s’est déplacé pour promouvoir son film ni ses deux stars confirmées, Adèle Exarchopoulos et François Civil. Ce sont les deux jeunes comédiens qui les incarnent jeunes qui s’y collent, Mallory Wanecque et Malik Frikah, des stars en devenir. On les a rencontrés à l’hôtel Humaniti où se déroulent les interviews, le lendemain de la première projection. Au vu de l’engouement et de la salle pleine à craquer, le Festival a même dû rajouter une séance le soir même. Portrait de deux jeunes acteurs pétillants et motivés qui sont pour beaucoup dans la réussite du film.
Il est bientôt 12h et l’interview précédente déborde un peu sur l’horaire. J’ai le temps d’écouter certaines réponses aux questions posées par les journalistes précédents et surtout de me rendre compte du professionnalisme et de l’assurance de ces deux jeunes comédiens. Je passe en dernier avant la pause déjeuner et je les entends dire qu’ils sont fatigués et qu’ils ont faim. Cela ne les empêche pas de s’asseoir à la table, tout souriants, énergiques et ne faisant montre d’aucune lassitude. Portraits croisés.
Je leur fais part du fait que je suis de la région Nord, comme l’intervieweuse précédente. Comme le film a été tourné là-bas et que Mallory en est originaire, on détend l’atmosphère en parlant de la région, des expatriés français à Montréal et de l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu ici la veille. Et ils nous confient que les interviews et entretiens sont bien plus détendus ici qu’en France. Et on décide de diviser l’entretien en trois. D’abord avec elle, puis avec lui et, pour terminer, les deux ensemble.
Elle…
Mallory paraît être la même que dans ses films en regroupant toutes les variations des quelques personnages qu’elle a joués : simple, spontanée et bourrée de vitalité. Je lui dis l’avoir découverte dans Les Pires puis revue dans Pas de vagues et elle semble étonnée qu’on ait pu voir tous ses films. Elle avoue d’ailleurs ne pas être trop déçue de ne pas avoir de scènes en commun avec François Civil puisqu’elle a déjà tourné avec lui dans le film où il jouait un professeur et elle son élève. Quand on lui demande si elle a préparé son personnage avec Adèle Exarchopoulos qui joue Jackie âgée, elle répond qu’elles en ont discuté ensemble et qu’elles n’ont pas jugé cela nécessaire, étant donné la cassure temporelle de dix ans entre les époques. Et même que les quatre acteurs ont travaillé chacun de leur côté avec un coach. Par exemple, la scène dans le film où elle rencontre le personnage joué par Malik pour la première fois était également celle de leur première rencontre devant la caméra.
Jusqu’ici Mallory avait joué des personnages rebelles et teigneux dans les deux films précédents, tandis que celui qu’elle incarne dans L’Amour ouf est plus sage et raisonnable. À la question de savoir de quel type de personnage elle se rapproche le plus, elle avoue être un mélange des deux qui tire pourtant plus vers le côté rebelle. On revient ensuite sur la région Nord qui, pour une fois, est montrée sous un jour radieux dans le film et elle confirme que ça lui a fait plaisir – voire rendue heureuse – de voir sa région natale filmée de la sorte et qu’en plus, cela a permis à ses parents d’assister au tournage. Ce qui l’a rendue fière. Tout comme le fait d’avoir été choisie par Gilles Lellouche pour ce film avec un tel casting. Elle parle de chance, de responsabilité mais aussi d’appréhension. Celle de ne pas être à la hauteur. Et nous confie une petite anecdote en forme de suite logique : les réalisatrices des Pires lui avaient demandé de regarder La Vie d’Adèle à l’époque, le film qui a révélé Adèle Exarchopoulos, pour construire son personnage. La boucle est donc bouclée.
Lui…
Malik Frikah prend la place de Mallory et on lui demande d’emblée comment il a été choisi. Plus réservé mais pas timide, il nous vouvoie contrairement à sa collègue, malgré le fait qu’on le tutoie. Professionnel jusqu’au bout des ongles, il parle posément et de manière plus contrôlée, comme s’il avait appris les réponses sur le bout des doigts pour satisfaire son interlocuteur. Et il se lance alors dans un monologue passionnant sur son parcours peu commun. Grand passionné de danse, il a été champion du monde de breakdance avant d’atterrir par hasard comme figurant sur un tournage et là : coup de cœur ! Il dit à sa mère qu’il sera comédien et rien d’autre et qu’il arrête les cours et la danse pour se concentrer sur le cinéma. Et sans regret, comme il nous le confirme ensuite…
Il se rappelle que, plus jeune, il regardait des débuts de films pour ensuite aller imaginer et jouer la suite dans sa chambre. Après deux petits rôles sans conséquence (dont un dans Apaches), il répond à une annonce mystérieuse sur les réseaux sociaux pour un casting. Elle comportait un cœur au milieu et elle disait chercher un adolescent à fort caractère. Le processus fut long mais Malik a été choisi et quand il a découvert que c’était le nouveau film de Gilles Lellouche et que c’était lui qui avait le plus de jours de tournage, il était comblé. Il considère d’ailleurs que c’est son rôle de Clotaire dans L’Amour ouf , son premier vrai film.
Lui qui vient du Sud, on lui demande comment il a trouvé la région des Hauts-de-France sur laquelle il ne tarit pas d’éloges, notamment sur l’accueil des gens en général. Une région sur laquelle il avait beaucoup d’a priori et qui ont tous été balayés d’un revers de caméra. Il salue aussi la mise en scène de son réalisateur qui a su, et nous sommes d’accord, rendre le Nord de la France étincelant. Tout en montrant aussi sa réalité, celle des usines et des maisons de briques rouges.
A-t-il préféré jouer les scènes d’amour ou celles de violence qui caractérisent son personnage ? Dans quel domaine se sentait-il le plus à l’aise ? Il nous dit que tout était dans ses cordes et qu’il n’avait pas de préférence mais qu’en tant que danseur à l’aise avec la dynamique corporelle, il se sentait comme un poisson dans l’eau avec les scènes plus physiques. Il a d’ailleurs insisté pour ne pas avoir recours à des doublures et quand on le compare – pour s’amuser et le taquiner – à un jeune Tom Cruise français, il est un peu gêné et nous remercie avouant que le film de Lellouche lui a offert le plus belle bande démo qui soit.
On se rend compte que ces deux jeunes pousses ont des tempéraments aux antipodes dans la vraie vie, son langage très soutenu et sa rigueur d’une maturité rare tranchant avec la décontraction et le franc-parler de sa partenaire. Enfin assis à deux, on continue l’entretien en leur demandant comment s’est déroulée leur première rencontre.
Jackie et Clotaire…
Malik nous confie qu’après le casting, où il avait été choisi avant et qu’elle est arrivée ensuite, leur premier échange s’est fait naturellement et que Mallory avait empli la pièce de son énergie débordante. Le côté humain a matché direct et le tournage de la scène où ils se voient pour la première fois dans le film a conforté cette alchimie.
Pour les deux, cette présentation du film à Cinemania est l’occasion de montrer le film en exclusivité et pour la première fois à l’international quand bien même le Québec et Montréal sont francophones. Pas intimidés par l’accueil chaleureux et le buzz ici autour du film, ils disent être impressionnés par les files d’attente qu’ils ont vues devant l’immense salle de projection et sont contents que le film puisse plaire même de l’autre côté de l’Atlantique. Ils trouvent d’ailleurs tous les deux que l’accueil québécois est similaire à celui du Nord de la France en termes de chaleur humaine…
On va plus loin et on leur parle d’une hypothétique présentation du film aux USA et leurs yeux s’illuminent même s’ils n’y croient pas trop, visiblement le film n’aurait pour le moment pas trouvé preneur chez nos amis américains. On tente de leur poser une question un peu gênante ensuite, à savoir s’ils se seraient retournés l’un sur l’autre dans la rue. Mallory prend tout de suite la parole et dit que si elle trouve Malik très séduisant, humainement ce n’est pas son genre. Elle le préfère en ami, ce qui fait éclater de rire Malik : « Je me suis pris un vent » dit-il en rigolant.
Quand on leur demande quel comédien (et ils sont nombreux et renommés dans cette distribution quatre étoiles qu’est celle de L’Amour ouf) les a le plus impressionnés sur le tournage, Mallory répond de but en blanc Alain Chabat avec qui elle partage beaucoup de scènes. Malik a été surpris par la manière de travailler, beaucoup dans l’improvisation, de Benoît Poelvoorde qu’il a trouvée formatrice et salue son grand cœur caché sous des couches de déconnade. Mais reste diplomate en citant aussi la droiture de Karim Leklou et la tendresse d’Élodie Bouchez. Et ils reviennent sur Lellouche qui ne joue pas dans le film mais qui visiblement les a subjugués durant tout le tournage avec ce film qu’il aurait en tête depuis dix-sept ans.
L’entretien touche à sa fin et on leur demande quels sont leurs futurs projets. Mallory a déjà deux films sur le feu. D’abord, le second film de Peter Dourountzis après Vaurien, intitulé Rapaces, un thriller noir dans le milieu du journalisme et un mélange de comédie et de polar basé sur une histoire vraie, Le Gang des Amazones. Quant à lui, rien à l’horizon pour le moment – même si cela ne devrait pas durer – mais une envie de jouer et d’incarner plus qu’un besoin de lumière selon ses dires !
On leur souhaite tout le bonheur artistique du monde et la carrière qu’ils méritent !