Au programme de cette nouvelle vague de séries, Star Trek Picard diffusée en France sur Amazon Prime Vidéo, signe le retour de l’un des capitaines les plus cultes de l’Enterprise, Jean-Luc Picard. Sur Netflix le showrunner Michael Petroni nous embarque avec Messiah, dans un thriller politico-religieux intriguant, avec Little America la nouvelle série d’anthologie d’Apple, acclamée par la critique, donne la parole aux immigrés dans une suite d’histoires. Produite par HBO, cette adaptation du polar The Outsider de Stephen King pour le petit écran s’impose comme une réussite brillante avec son atmosphère poisseuse, ses dialogues virtuoses et ses personnages torturés. Pour terminer ce numéro des pilotes, Armando Iannucci, le créateur de Veep, nous emmène dans un périple intersidéral hilarant à bord de l’Avenue 5.
Star Trek Picard : le retour du personnage culte pour un meilleur bond dans l’inconnu
Janvier 2020, Star Trek compte désormais treize films et neuf séries (De Star Trek à Discovery et Picard en n’oubliant pas Star Trek La Série animée et Short Treks).
On le savait déjà depuis le brillant final de Star Trek The Next Generation, notamment grâce à quelques judicieux usages du voyage temporel (voir All the Good Things, 1994) : l’avenir de Picard n’allait pas être joyeux. Il serait loin de vivre une retraite bien gaie. La dernière aventure audiovisuelle du capitaine n’en fut pas plus lumineuse. En effet, dixième volet cinématographique de la saga (le quatrième à mettre en scène la Next Generation), Star Trek Némésis est, malgré quelques bonnes idées et certaines séquences sympathiques, un ratage artistique et public qui enterra l’avenir de l’équipage et de la saga au cinéma en 2002 jusqu’au reboot de J.J. Abrams et de sa team créative. Justement, l’événement catastrophique qui bouleverse la ligne temporelle classique et nous amène dans la Kelvin timeline représentée par la trilogie Abrams/Bad Robot est au cœur des prémices de Star Trek Picard.
La série reprend l’idée du comic book Star Trek Countdown, dont l’histoire est signée par les co-scénaristes du Star Trek d’Abrams, Roberto Orci et Alex Kurtzman, et ce dernier est justement l’un des quatre co-créateurs de la série consacrée à notre cher Jean-Luc Picard. En effet, on note ici l’apport de Kurtzman avec l’imagination de l’action de l’Enterprise post-Némésis face à la catastrophe dévastant Romulus et qui amènera, suite à l’action de Spock, au sauvetage de la galaxie mais à un trouble dans la timeline… Ici, on retrouve l’amiral Jean-Luc Picard à la retraite. Loin d’être paisible, ce repos est en réalité un départ anticipé suite à l’inaction de Starfleet face à la détresse des Romuliens, considérés comme ennemis même après la catastrophe galactique. Picard n’a pas hésité, comme à son habitude, à mettre en action les principes idéologiques bienfondés de la Fédération des Planètes Unies, en élaborant et commandant une flotte de secours pour sauver les rescapés. Hélas, Mars est alors laissée sans défenses et personne n’imaginait les androïdes, les êtres artificiels se rebeller et mettre à feu la civilisation martienne.
L’utopie de Star Trek est à nouveau loin d’être aussi lumineuse et pragmatique. Sur le petit écran comme sur le grand, les équipages ont dû défier des ennemis extérieurs et intérieurs, et plus largement, œuvrer dans un monde non pas manichéiste mais constitué d’une infinité de nuances. Concernant les zones d’ombre de Starfleet, on peut penser, entre autres, aux épisodes Court Martial (ST TOS – S1 – 1967), The Wounded (TNG – S4 – 1991), The Drumhead (TNG – S4 – 1991), Inquisition (DS9 – S6 – 1998), ainsi qu’aux films Star Trek VI : The Undiscovered Country (1991) et plus récemment Star Trek Into Darkness (2013). Tout n’est heureusement pas damné, l’humanité a continué de progresser technologiquement ; Picard reste, malgré tout, le grand capitaine de l’Enterprise et l’humaniste respecté par tous ceux qu’il a approché ; la série, à travers certains personnages, se dresse avec force contre les extrémismes et autres idéologismes douteux. Enfin, l’espoir pour une future paix naît en la personne d’une androïde inconsciente de l’être. Star Trek Picard se présente alors comme une nouvelle entrée cohérente dans l’univers.
Plus que ça, la série invoque le regard d’un personnage vieillissant qui n’a jamais cessé de regarder avec optimisme l’avenir. Justement, le pilote, formidablement produit, écrit et réalisé, promet, à travers le point de vue du rôle-titre culte, de nous amener, fans comme nouveaux venus, vers ce futur inconnu qui semble déjà nous réserver nombre de dangers et de défis et, comme il est d’usage avec Star Trek et tout bon récit de S-F, de nous confronter aux problématiques contemporaines face auxquelles il est toujours temps d’agir. D’ailleurs, voir Picard à nouveau en action et toujours sûr de son idéal cosmique précise même cette remarque : il n’y a pas d’âge pour oeuvrer pour le bien commun.
Messiah : « Welcome to the Holy Land ! »
A Damas, après 85 jours de siège par l’État Islamique, un homme parvient à réunir autour de lui deux milliers de réfugiés palestiniens qui ne demandent qu’à retourner en Cisjordanie et qui, en attendant, vivent dans des conditions inhumaines. Eva Geller, agent de la CIA, l’observe depuis les États-Unis, convaincue de la dangerosité du bonhomme.
Réalisé par James McTeigue (réalisateur de V pour vendetta) le pilote de Messiah aborde les différents aspects du problème. L’aspect religieux bien sûr : si le Messie revenait, serait-on capable de le reconnaître ? Pourrait-on distinguer le véritable Messie de tous ceux qui professent l’être ? Cet inconnu n’hésite pas à bouleverser ses fidèles dans leurs convictions. Mais ce bouleversement atteint aussi ceux qui lui sont opposés, comme l’agent israélien interprété par Tomer Sisley.
Outre le côté religieux, les questions autour de cet homme abordent aussi l’aspect géopolitique. Le pilote montre bien l’incompréhension entre Orient et Occident. L’analyste de la CIA ne peut pas penser que cet homme soit uniquement un religieux qui passionne les foules. Pour elle, la religion a forcément des résonances politiques, et elle cherche des liens entre lui et des organisations de type Al-Qaida, et ce malgré cette scène où le personnage demande à ses disciples d’enterrer leurs armes.
Le pilote pose des éléments troublants, comme lors de l’interrogatoire de l’inconnu. Il vaut surtout pour les questions qu’il pose : qui est cet inconnu ? Et, plus important encore, quel est son but ? Ce mouvement est-il uniquement religieux, ou politique ? Constitue-t-il un danger supplémentaire dans une région déjà fort troublée ?
Bien écrit, bien réalisé et bien interprété, ce pilote donne fortement envie de voir la suite.
Hervé Aubert
Little America : le melting pot effectif
Il y a quelques mois, dans ces colonnes, nous vous parlions du pilote de la très bonne série Modern Love. Little America, diffusée sur Apple TV +, reprend un principe identique : huit épisodes d’une demi-heure, adaptées de huit histoires vraies reprises racontées dans Epic Magazine. Sauf que là où Modern Love s’intéressait aux histoires d’amour, Little America s’occupe de la population immigrée.
Ce premier épisode va se pencher sur le cas de Kabir, jeune garçon venu d’Inde avec ses parents. Ensemble, ils s’occupent d’un motel en Utah. Très précoce, Kabir apprend les mots du dictionnaire, mais aussi reçoit les clients pendant que ses parents gèrent l’établissement. Jusqu’à ce qu’une employée gouvernementale vienne apprendre à Kabir un nouveau mot : extradition. Suite à des problèmes administratifs, ses parents doivent rentrer en Inde et l’adolescent reste seul (avec un prétendu oncle) pour s’occuper du motel.
Jouant parfois un peu sur l’émotion facile, l’épisode dresse le portrait sensible d’un garçon qui va devenir un jeune homme déterminé. Ce pilote laisse un peu sur sa faim, tant son sujet paraît trop ample pour les trente petites minutes qui lui sont consacrées, mais nous sommes quand même curieux de découvrir les autres portraits qui vont constituer cette saison 1.
Hervé Aubert
The Outsider, une adaptation brillante à la sauce True Detective
Pour cette énième adaptation d’un Stephen King, c’est le créateur de The Night Of, Richard Price qui nous livre The Outsider, la nouveauté fracassante d’HBO pour ce début d’année 2020.
Dans une ville tranquille, une morbide mais classique affaire de meurtre d’enfant qui rappelle un tant soit peu True Detective. Mais au crépuscule de cette enquête menée par Ralph Anderson (Ben Mendelsohn), un policier local au caractère bourru, des mystères inexplicables vont faire place au surnaturel. Les preuves irréfutables et témoignages désignent comme unique coupable, Terry Gaitland (Jason Bateman), enseignant et coach sportif local, adoré de tous. Son arrestation controversée va mettre le feu aux poudres d’un scandale entre la femme de Terry contre les forces de l’ordre.
Un pilote réussi, réalisé par Jason Bateman lui-même, ou l’ambiance tendue et mystérieuse du roman originel s’implante tout naturellement. Une adaptation qui promet de ne pas souffrir d’un copié/collé mais au contraire insuffle un rythme clairement détaché de la chronologie inattendue (avec l’arrestation en grande pompe avant la connaissance des preuves et témoignages). Les personnages principaux sont vites présentés pour mieux rentrer dans l’univers d’horreur fantastique.
Après Watchmen, The Outsider s’annonce comme la nouvelle série de qualité digne d’HBO qui promet donc de faire parler d’elle cette année, mais surtout de ravir les amateurs d’histoires sanglantes et inexplicables.
Céline Lacroix
Avenue 5 : Veep 2.0 dans l’espace
Après une fin en beauté pour Veep, on se demandait bien comment Armando Iannucci (le créateur) nous ferai retrouver le même humour à la fois corrosif et fêlé. La comédie Avenue 5 semble remplir nos attentes avec Hugh Laurie à la tête de cette nouvelle série HBO. Dans un futur proche où les vacances des plus fortunés se déroulent dans l’espace, le célèbre capitaine Ryan Clarke (Hugh Laurie) se retrouve à la tête du vaisseau luxueux Avenue 5. Malheureusement, la croisière de luxe va vite prends des airs de huis clos cauchemardesque lorsque des problèmes techniques obligent les voyageurs et l’équipage à dévier leur trajectoire et prolonger le séjour de deux semaines en trois ans.
Avec ce premier épisode, on retrouve donc une dynamique et des dialogues très ressemblants à ceux de Veep. Cette fois, ce n’est plus Julia Louis-Dreyfus qui joue à la vice-présidente hypocrite, mais Hugh Laurie en capitaine de pacotille, à la tête d’une équipe de bras cassés, face à des passagers aussi exigeants qu’harassants. S’entremêlent avec humour les gaffes du personnel, les disputes des passagers et les mensonges du capitaine pour former un imbroglio infernal mais jouissif. On retrouve également de Veep des personnages féminins secondaires mais forts de personnalité, qui sont réellement en charge et réparent les pots cassés.
Pour la suite, on espère un décollage un peu plus rapide de l’histoire, peut-être grâce aux personnages secondaires. Mais surtout, on s’attend à un peu plus d’originalité pour que Avenue 5 ne souffre pas toujours d’une comparaison encore trop évidente à l’ambiance de Veep.
Céline Lacroix