The two faces of January : Critique du film de Hossein Amini

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 The two faces of January : Un thriller âpre et sombre, bridé par ses références classiques

Auteur de scénarios prestigieux (Drive ou Les ailes de la colombe, nominé à l’oscar du meilleur scénario), Hossein Amini décide de franchir le cap et de passer à la réalisation avec ce thriller aux références et aux ambitions hitchcockiennes. Parcourant les thèmes récurrents du grand « maître du suspense », tels que l’interdépendance entre les personnages, les faux semblants, les trahisons, Amini n’oublie pas d’où il vient et prend également ici la casquette de scénariste.

Tout d’abord, il est intéressant de comprendre, ce qui a poussé Hossein Amini à réaliser ce film. Alors au fond du gouffre dans sa carrière de scénariste, il est contacté par Nicolas Winding Refn, qui lui propose un scénario d’adaptation ayant pour base le roman Drive de James Sallis. Touché par cette proposition, Amini accepte et écrit alors le scénario du film de Nicolas Winding Refn. Sur le tournage, et à sa grande surprise, Refn réclame constamment sa présence pour des conseils scénaristiques. Amini, inspiré par Refn, entreprend alors l’adaptation d’un polar Les deux visages de Janvier écrit par Patricia Highsmith.

Pour ce premier film, le réalisateur met en scène le personnage de Rydal, un américain ayant fuit en Grèce sa trop stricte famille, au début des années 60,  pour plus de liberté. Il est merveilleusement interprété par Oscar Isaac, jouant également dans Drive et star montante d’Hollywood, désormais connu pour son rôle d’artiste raté dans Inside Llewyn Davis des frères Coen (il a d’ailleurs été nominé aux Golden globes pour ce rôle). Rydal devient sur place guide touristique pour touristes anglophones et accessoirement petit escroc des bas quartiers, escroquant la plupart de ses clients.

Cependant, au moment où il fait visiter à de jeunes américaines naïves le monument du Parthénon, il est fasciné par un couple de touristes américains, joués avec brio par Viggo Mortensen et Kirsten Dunst, Chester et Colette MacFarland. D’abord un peu méfiant, les deux finissent par sympathiser avec lui. Chester n’a pas l’air cependant d’avoir un passé tout blanc et le couple semble cacher un lourd secret. En effet, le mari a vendu à de louches investisseurs, des parties monétaires d’un gisement pétrolier fantôme. Profitant désormais de leur vie aisée, ils visitent les plus belles villes d’Europe. Jusqu’au jour où un représentant de ces investisseurs sonne à la porte et réclame violemment l’argent. Dans un réflexe de légitime défense, Chester le tue. Par un concours de circonstance, Rydal devient complice de la cachotterie et le trio va alors entrer dans un engrenage infernal.

Concernant la distribution des rôles et la prestation des acteurs, Amini jouant sur l’interdépendance des personnages de son récit, met en valeur le trio Mortensen-Isaac-Dunst, fonctionnant à merveille et dont les jeux sont parfaits de retenue. Nous ne pouvons que souligner la véritable performance de Mortensen qui passe du mari aimant au mari jaloux et prêt à tuer. Il passe d’un registre à l’autre de manière tout à fait remarquable et sait jouer avec nos nerfs. Nous ne savons plus s’il est un protagoniste ou un antagoniste, s’il est bon ou mauvais… Il est regrettable néanmoins que Kirsten Dunst apparaisse si peu à l’écran : elle est en quelque sorte le maillon faible de ce trio, malheureusement sous exploitée, et peine à rivaliser avec le duo d’hommes. Dommage, car elle aurait pu apporter à ce triangle amoureux bien particulier une profondeur toute autre.

Ce qui frappe tout de suite dans ce polar, c’est la mise en scène très proche des polars d’Hitchcock. Le style est retranscrit de bien belle manière non pas par des travellings, mais des plans fixes quasi subjectifs à la Wes Anderson, beaucoup de plans larges, pas ou peu de caméra à l’épaule. Nous sommes dans du classique. Cependant, trop de classique tue le classique. Ainsi, nous nous retrouvons comme prisonnier de l’époque du film, et nous nous perdons dans le classicisme des références bien trop nombreuses.

Amini exploite de nombreux thèmes récurrents hitchcockiens de manière tout à fait correcte, mais il aurait pu s’imprégner un peu plus de la mise en scène de Refn avec des travellings lents et très stylisés. Mêlé à ce style classique et efficace, l’ensemble aurait sûrement donné un mélange formidable d’influences, et ce double hommage serait parvenu peut-être, à créer un nouveau genre. Le réalisateur reste dans un style bridant son talent et ne mettant pas en valeur sa mise en scène, sans doute prometteuse.

L’ambiance générale est vraiment particulière, très proche des polars des années 50 et des thrillers d’Hitchcock. On pourrait la qualifier d’âpre, rude, parfois violente, voire oppressante. C’est comme si le film était entouré d’une brume pâteuse : nous étouffons, c’est une sensation bien étrange, parfois agréable, parfois rude et sèche. Elle peut être due à ce triangle amoureux où l’ambiance est glaçante. Sommes-nous dans la réalité ou dans le rêve? Est ce que tout cela est réel ou irréel? A ce moment là, les personnages sont perdus eux-mêmes dans une vision troublante de leur vie oscillant entre le soleil et la pluie, le bonheur et le malheur, la vie et la mort. Tout ceci retranscrit dans un rythme haletant qui peut soit laisser de marbre, soit subjuguer. Ces personnages perdus dans leurs propres rêves, évoquent l’onirisme de David Lynch, qui dans beaucoup de ses films comme Mulholland drive, installe une ambiance assez étouffante voire malsaine pour le spectateur.

Le scénario quant à lui est bien écrit et rondement mené. Même si Amini réalise le film, il n’en reste pas moins un vrai scénariste et un très bon adaptateur. Nous regretterons cependant, un manque important d’enjeux sur certaines scènes : nous ne ressentons aucune détresse pour les personnages ; le scénario est trop prévisible, car l’hommage prend le pas sur la personnalité singulière de l’intrigue. Cependant, certaines scènes sont dignes d’un grand polar.

Au final, le spectateur sort de la salle ni repu, ni frustré. Avec un scénario bien mené mais prévisible, intriguant parfois, mais inégal, ce thriller sombre aurait mérité une meilleure inspiration, surtout au niveau de sa mise en scène et de son scénario. Toutefois, la prestation des acteurs et certaines scènes dignes de grands polars permettent aux spectateurs de passer un moment agréable.

Synopsis : 1962. Un couple de touristes américains très élégants, le charismatique Chester MacFarland et sa jeune épouse Colette, arrive à Athènes. À l’Acropole, ils rencontrent Rydal, jeune guide américain parlant grec, arnaqueur de touristes à l’occasion. Séduit par la beauté de Colette et impressionné par la fortune de Chester, Rydal accepte sans hésiter leur invitation à dîner. Les McFarland se révèlent moins lisses qu’il n’y paraît : le luxe et leur raffinement cachent bien mal leur part d’ombre.

Fiche Technique: The two faces of January

USA, Royaume-Uni, France – 2014
Réalisation: Hossein Amini
Scénario: Hossein Amini d’après: The Two Faces of January de: Patricia Highsmith
Interprétation: Viggo Mortensen (Chester MacFarland), Kirsten Dunst (Colette MacFarland), Oscar Isaac (Rydal), Daisy Bevan (Lauren), Yiğit Özşener (Yahya), David Warshofsky (Paul Vittorio), Ozan Taş (réceptionniste du Grand Hotel)…
Genre: Thriller
Date de sortie: 18 juin 2014
Durée: 1h37
Image: Marcel Zyskind
Décor: Dominic Capon
Costume: Steven Noble
Montage: Nicolas Chaudeurge, Jon Harris
Musique: Alberto Iglesias
Producteur: Tim Bevan, Eric Fellner, Robyn Slovo,Tom Sternberg
Production: Working Title Films, StudioCanal, Timnick Films
Distributeur: StudioCanal

Auteur de la critique: Louis Verdoux