The Happy Prince de et avec Rupert Everett raconte avec brio les derniers moments du grand Oscar Wilde dans une toile révélant le visage d’un génie en proie à ses démons intérieurs et extérieurs. L’un des dix meilleurs films de l’année en quelques points.
Si Wilde a conté l’histoire d’un homme faisant un pacte pour que son portrait seul subisse les outrages du temps à cause des vices auxquels il s’adonnait (Le portrait de Dorian Gray), Everett, lui, tisse une toile où Wilde renaît dans toute sa complexité.
Broyé par des années de prison et d’humiliations, persécuté par la plupart des gens qui le reconnaissent, Wilde demeure prisonnier de son amour de la vie, de l’art et des plaisirs libertaires. Comme le dit discrètement Reggie (campé par Colin Firth) à Robert Ross (journaliste et amant de Wilde qui dédiera sa vie après la mort de Wilde à faire revivre le génie de l’artiste) : « Fais attention il te dévorerait. Il ne peut pas s’en empêcher“.
Si Everett, métamorphosé, campe avec brio Oscar Wilde en donnant l’une de ses plus grandes performances, il livre également une première œuvre mêlant intelligemment la vision d’un homme complexe, génie littéraire parmi les plus doués, toutes époques confondues, mais surtout d’un être ne pouvant échapper à ses vices. Qu’il soit sur scène, après la représentation d’une de ses œuvres, ou dans la rue, Wilde avait un besoin presque maladif d’être aimé et adulé. Everett rend ses scènes tour à tour drôles puis dramatiques et s’ingénie à y mêler toute une palette de sentiments : Wilde repentant, voulant à tout prix retrouver sa femme et ses fils, puis cédant aux sirènes incarnées surtout par Bosie, l’amant décadent, qui a été le déclencheur de son opprobre publique.
Première œuvre d’Everett, en tant que réalisateur et scénariste, The happy Prince est surtout la naissance d’un très bon metteur en scène.
Rupert Everett, comme Clint Eastwood ou Mel Gibson avant lui, a su prendre son temps et apprendre de ses expériences européenne et américaine, mêlant les projets grands publics et les films d‘auteurs pour livrer une œuvre personnelle et unique. L’acteur sorti du placard dans les années 90 confiera qu’Hollywood ne lui a plus proposé de rôles intéressant après ses révélations.
Wilde / Everett : une liaison de longue durée
Everett s’est déjà frotté à l’univers d’Oscar Wilde dans le film Un mari idéal d’Oliver Parker en 1999 et surtout lors de la reprise de la pièce de 1998 The Judas kiss en 2012 où il incarna Wilde, succédant à Liam Neeson dans le rôle de l’écrivain maudit.
Après sa performance impressionnante, on se dit que personne d’autre que lui n’aurait pu donner une meilleure représentation de l’auteur. Comme Wilde, Everett a souffert de son homosexualité, malgré une évolution des mœurs et comme lui, l’acteur a brûlé la chandelle par les deux bouts. Son interprétation rend parfaitement toutes les nuances d’un homme tiraillé entre ce qu’il aimerait pouvoir faire, retrouver sa femme et ses fils, et ce qu’il ne peut s’empêcher de faire, se vautrer dans des orgies sans fin, boire…
La musique du film
La musique de Gabriel Yared est à l’image du film, tour à tour simple et discrète pour se faire plus sombre ou mélancolique, magnifiant les scènes à la photographie léchée.
Comme le dit le compositeur (récompensé par un Oscar pour sa partition pour le film Le patient Anglais, et d’un césar pour L’amant) sur le CD de la bande originale, il a voulu que la musique soit la plus simple possible, jouée par peu de musiciens pour ne pas faire d’ombre à l’histoire et aux personnages. Le pari de Mr Yared est une fois de plus réussi, car son œuvre est à l’image du film et du script, d’une beauté cachant sa complexité dans son apparente simplicité.
The Happy Prince est un premier coup de maître et l’un des dix meilleurs films de l’année. Pour ceux qui aiment Oscar Wilde, ou simplement le bon cinéma, courrez dans les salles obscures le 19 décembre prochain.
Synopsis :
À la fin du XIXe siècle, le dandy et écrivain de génie Oscar Wilde, intelligent et scandaleux brille au sein de la société londonienne. Son homosexualité est toutefois trop affichée pour son époque et il est envoyé en prison. Ruiné et malade lorsqu’il en sort, il part s’exiler à Paris. Dans sa chambre d’hôtel miteuse, au soir de sa vie, les souvenirs l’envahissent…
De Dieppe à Naples, en passant par Paris, Oscar n’est plus qu’un vagabond désargenté, passant son temps à fuir. Il est néanmoins vénéré par une bande étrange de marginaux et de gamins des rues qu’il fascine avec ses récits poétiques. Car son esprit est toujours aussi vif et acéré. Il conservera d’ailleurs son charme et son humour jusqu’à la fin : « Soit c’est le papier peint qui disparaît, soit c’est moi… »
Fiche Technique : The Happy Prince
Réalisation et scénario : Rupert Everett
Interprétation : Rupert Everett, Colin Firth, Emilie Watson…
Photographie : John Conroy
Musique : Gabriel Yared
Production : Sébastien Delloye, Philipp Kreuzer et Jörg Schulze
Sociétés de production : Maze Pictures et Entre chiens et loups; Palomar, BBC Films, DPP et MMC
Genre : drame biographique
Durée : 105 minutes
Date de sortie Française : 19 décembre 2018