Le retour inespéré de James Gunn aère enfin une saga qui n’offrait plus rien de super-héroïque depuis la séparation des Avengers. Les Gardiens de la galaxie Vol. 3 sonne ainsi comme un chant du cygne pour le cinéaste et pour toute une bande déjantée qui a rarement connu le couperet exigeant de son audience. Comme quoi, il est toujours possible de s’éclater tout en se taquinant.
Une phase 4 catastrophique et un début de phase 5 soporifique avec Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, le Marvel Cinematic Universe est sur les rotules depuis Avengers : Endgame. Faute de savoir quelle direction prendre ou de savoir comment les pièces vont s’imbriquer dans le peu de matière que le multivers marvelien a à nous offrir, il est toujours réconfortant de saluer une œuvre qui peut encore être identifiée par son auteur, James Gunn. Adulé de tous les fans, jusque dans l’écurie DC Comics, le geek du Missouri trouve encore la force gonfler les rangs des Gardiens, tout en maniant le burlesque afin que les figures secondaires ne disparaissent pas entièrement dans le décor. Si cette observation est plus que valable dans le volet précédent, on se montrera un peu plus hésitant par ici, mais cela est suffisant pour justifier le départ de Star-Lord et sa génération de bras cassés, soit vers d’autres horizons, soit pour qu’ils se reposent enfin de leur folle aventure l’espace.
Chaos Space
On prend les mêmes et on recommence ? La formulation nous pend à la langue lorsqu’une suite est annoncée. Pourtant, le Vol. 2 des Gardiens nous a fait passer par tout un tas d’émotions, quitte à ce que son feu d’artifice final soit le plus tragique possible. Du moment que ça fonctionne, on ne demande rien de plus à ce genre de blockbusters qui doit avant tout nous en mettre plein la vue. Et on en a vu plein des choses du côté de Black Panther : Wakanda Forever, Thor : Love and Thunder ou encore Doctor Strange : The Multivers of Madness. Mais tous ceux-là ont échoué là où James Gunn parvient encore à rester cohérent avec la stylisation de son univers et le ton des films familiaux.
Mention honorable à cette lutte solidaire dans un petit couloir, où la chair de vilaines créatures rebondit sur les parois avant de les peindre de leur sang. Tout l’art du spectacle de Gunn est là, sans complexe et qu’il n’hésite pas à jumeler avec le burlesque de ses premières réalisations horrifiques. C’est fun et ludique, des qualités rares de paysages hollywoodien pour qu’on le salue à la première occasion.
Ce qui peut toutefois dérober à cette analyse, c’est dans le traitement expéditif d’une icône des comics books, Adam Warlock (Will Poulter), sorti trop tôt de son cocon pour qu’on s’y intéresse vraiment. Le plan de renouvellement des Gardiens est en marche et il n’est pas surprenant de voir que son arrivée est incompatible avec la conclusion de deux arcs très attendus du côté des deux « cerveaux » de l’équipe.
Là où on se sent bien également, c’est dans l’équilibre entre l’humour et d’intenses séquences dramatiques, déjà dans l’ADN du groupe. Gunn gère son tempo comme nul autre dans le MCU, avec des gags toujours aussi immatures, mais qui ne sont pas seulement là pour remplir des transitions douteuses ou pour recapter l’attention du spectateur, déjà perdu à des années-lumière de ce qui se passe à l’écran. Pas de piège, nous avons bien affaire à un face-à-face direct entre les personnages et un public qui a tout à découvrir sur le raton laveur qui cache bien ses cicatrices.
Secouer la cage
C’est à se demander si James Gunn n’attendait pas que ça, de nous faire découvrir les origines de Rocket Raccoon, chantonnant Creep avec beaucoup de retenue. Ce dernier n’a plus rien d’une mascotte dans cet épisode que l’on vivra à sa hauteur. En effet, Peter Quill en a quasiment fini avec son passé, du moins, le plus gros morceau reste pour ce petit rongeur de l’espace et le Maître de l’Évolution (Chukwudi Iwuji), nouvel antagoniste mégalomane, tel le docteur Frankenstein. Celui-ci cherche à dompter la perfection à travers la science et un repeuplement pacifique d’êtres, dont on a forcé l’évolution. Certains ne seront pas du même avis, mais sa présence rafraîchit dans le paysage du MCU, qui n’a de cesse de limiter la cruauté de ses vilains, soit en leur donnant une bonne raison d’en vouloir au monde ou en nuançant leur conquête du monde. Ce scientifique-là, on le hait de toutes nos forces et c’est aussi ça un bon traitement du manichéisme, qui n’a au fond rien de méprisant.
Le véritable braquage du film se joue dans les petits détails que l’on accepte volontiers et c’est pourquoi la narration en flashback nous émeut plus que tout. Gunn aborde ses marginaux de l’espace avec un profond respect qui les rend plus humains que n’importe quel super-héros générique en costume moulant en lycra.
Si le retour de Gamora aurait également pu servir de noyau à ce voyage, on préfère jouer la carte de la seconde avec humilité. Ce qui permet de bouleverser la hiérarchie des personnages que l’on sent épuiser. Un ultime retour aux sources les émancipera forcément de leur passé, offrant ainsi une conclusion précipitée qui jure un peu avec le reste de l’univers du MCU, mais comment en vouloir à James Gunn de s’être attaché aux Gardiens et à leur charme incomparable.
Cette dernière aventure déconnectée des Avengers donne donc un certain cachet aux Gardiens de la Galaxie Vol.3, qui déborde de tendresse là où on ne l’attend pas toujours. La séparation aura toutefois un goût amer quant aux succès de cette dynamique de groupe, qui semble quitter une bonne fois pour toute la régularité du MCU. Nous espérons cependant nous tromper à ce sujet, et ce, pour le bien d’une franchise qui doit retrouver ses couleurs d’antan. Ce film est ici pour nous rappeler qu’il existe une sensibilité au-delà du cerveau, qu’on ne peut dupliquer d’un claquement de doigt.
Bande-annonce : Les Gardiens de la galaxie Vol. 3
Fiche technique : Les Gardiens de la galaxie Vol. 3
Titre original : Guardians of the Galaxy Vol. 3
Réalisation & Scénario : James Gunn
Photographie : Henry Braham
Musique : John Murphy
Montage : Greg D’Auria, Fred Raskin
Décors : Beth Mickle
Costumes : Judianna Makovsky
Production : Marvel Studios
Pays de production : États-Unis
Distribution France : The Walt Disney Company France
Durée : 2h30
Genre : Action, Aventure, Fantastique, Science-Fiction
Date de sortie : 3 mai 2023
Synopsis : Notre bande de marginaux favorite a quelque peu changé. Peter Quill, qui pleure toujours la perte de Gamora, doit rassembler son équipe pour défendre l’univers et protéger l’un des siens. En cas d’échec, cette mission pourrait bien marquer la fin des Gardiens tels que nous les connaissons.