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Les scènes les plus enflammées au cinéma

Pour la sortie de Portrait de la jeune fille en feu, la rédaction a décidé de revenir sur les films avec les scènes de feu les plus marquantes. Véritables coups de maître visuels, les flammes fascinent souvent l’œil du spectateur dans une démarche esthétique incroyable. Quelles sont celles qui ont le plus marqué nos rédacteurs au cinéma ?

Lost River, de Ryan Gosling

Les flammes parcourent délicatement le premier long réalisé par Ryan Gosling, Lost River. Nous utilisons le mot « délicatement » car, dès le premier visionnage, leur utilisation sert un ensemble de scènes dissoutes qui, au sein d’un récit incroyablement noir, apparaissent comme des parenthèses contemplatives tout bonnement hypnotiques. Car, au fond, c’est aussi ça le feu, une force attractive certaine. Que ce soit un petit foyer de flammes éphémères délibéré, ou un incendie ravageur, il capte le regard. Les yeux peinent à se détacher de sa lumière ondulante et de son éclat rougeoyant. Le corps capte sa chaleur, les oreilles quêtent son doux crépitement, apaisant… Oui, Gosling semble filmer ces maisons qu’on embrase pour en tirer un étrange sentiment d’apaisement diffus. Mais ce qui est fascinant ici, c’est que, dans ces scènes, apparaît un intriguant paradoxe qui finit par bouleverser. En effet, on le disait, elles appellent dans un premier temps à la douce contemplation et pourtant… ces maisons que l’on détruit par le feu, c’est l’allégorie sublime de cette ville que l’on assassine et fait disparaître de la carte. Détroit est effectivement, au moment du film, à l’agonie la plus violente, tandis que Billy lutte et se sacrifie malgré tout tant elle voudrait que cet endroit reste son lieu de vie ainsi que celui de ses deux enfants qui y grandissent. Mais, comme l’indique le choix du feu, la disparition est inéluctable. S’ils vivaient alors au milieu des ruines d’antan, on comprend dans ces scènes qu’ils ne pourront vivre entre les cendres… Ces flammes sont le symbole d’un lieu de vie, et donc de centaines d’histoires, que l’on égorge…

Chris Valette

La balade sauvage, de Terrence Malick

La Balade sauvage, premier film de Terrence Malick, est un film sur la fuite. Fuite des corps, fuite du langage, fuite des sentiments. La nature y joue un rôle prépondérant, étant le témoin immobile de ces personnages qui ne font que passer sans laisser de trace. Alors que Kit souhaite fuir la société, justement, avec sa nouvelle conquête, Holly, le père de cette dernière s’oppose à cette décision et compte bien l’en empêcher. Les deux amants, un soir, mettent le feu à la maison familiale de Holly, comme pour anéantir les dernières racines matérielles qui pouvaient encore la retenir. Sur plus d’une minute trente de plans fixes se succédant frénétiquement, le spectateur contemple, fasciné, les parois s’effondrer, les poupées fondre, les lits s’embraser, la caméra immergée à l’intérieur du bâtiment en flammes où rien d’autre n’est en mouvement, où tout semble déjà mort. Et la musique classique d’accentuer cet aspect apocalyptique. Lorsque la caméra sort enfin de la bâtisse en décomposition, seul un arbre demeure, en contre-jour, témoin éternel des va-et-vient de la vie et de la mort. La voiture s’en est allée, avec Kit et Holly à son bord. Les flammes de leur amour peuvent enfin naître, avec pour terreau ce péché originel de la destruction du foyer, de la purification du passé pour mieux s’enfuir vers un inconnu exaltant.

Jules Chambry

Christine, de John Carpenter

Christine est caractérisée de telle sorte qu’elle semble tout droit sortie des enfers. John Carpenter pousse la logique à son paroxysme lors d’une mise à mort restée célèbre : après une explosion dans une station-service, la Plymouth rouge sang se mue en un bolide de feu et se met à pourchasser sa prochaine victime en pleine nuit. Son inscription dans le plan est d’une beauté sépulcrale : ce sont les flammes qui enveloppent sa carrosserie qui éclairent la route d’une lumière de morgue. Jeu de contraste, la séquence a ceci de particulier qu’elle conforte les partis pris de Carpenter. Christine est bel et bien une créature du diable. Elle résiste au feu et donne même la mort par lui. Par son architecture, par son symbolisme, par son montage astucieux, ce morceau de cinéma prend place parmi les meilleurs de son auteur.

Jonathan Fanara

There will be blood, de Paul Thomas Anderson

Lorsqu’on pense à une scène où les braises s’enflamment de mille feux, There Will be Blood retient directement l’esprit. Par son esthétisme baroque et presque gothique, c’est une scène d’horreur qui se joue devant nos yeux. Les flammes s’éparpillent dans les cieux et les humains deviennent impuissants devant une mère nature qui reprend son droit et montre à l’Homme qu’il n’est en rien le maitre de cette Terre. Avec sa musique claustrophobe et ce tableau apocalyptique de fin du monde, c’est une scène magistrale qui s’anime : le capitalisme se dérobe et voit son ambition forcenée et démesurée s’effondrer sous la justice de la nature voire même de la justice divine. Un incendie, qui sous ses airs spectaculaires, devient la métaphore d’une lutte intestine entre la morale libertaire et la morale religieuse : deux entités qui s’opposent et se transfigurent dans une violence étincelante.

Sebastien Guilhermet

Les moissons du ciel, de Terrence Malick

Lorsque l’on pense au cinéma de Terrence Malick, si ce n’est pas la philosophie certaine de ses œuvres qui nous vient à l’esprit, alors ce sont ses images spectaculaires, et Les moissons du ciel n’y déroge pas. Film pourtant assez mineur dans cette filmographie incroyable, Les moissons du ciel n’en demeure pas moins un chef d’œuvre visuel et un exemple d’amour au cinéma. Très pictural comme à son habitude, le film trouve son point ultime dans la scène d’incendie des champs de blés. La caméra tourne d’abord autour du foyer dans lequel on jette des paniers entiers d’insectes puis le feu se lance entre la folie d’une passion amoureuse et la misère des travailleurs. « Let it burn » crie alors Sam Shepard avec toute la rage qui l’inonde et enflamme l’écran pour offrir l’une des plus grandes scènes malickiennes. Reste alors les ombres des amoureux dans la nuit devant cette lumière incandescente et la libération des travailleurs qui se mêle à l’angoisse de ceux qui s’aiment.

Gwennaëlle Masle