Typhoon-Blu-ray-critique

« Typhoon » : l’ouragan des sentiments

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Carlotta propose en DVD et blu-ray le Typhoon de Pan Lei. Adaptant l’un de ses propres romans, le cinéaste né au Vietnam signe l’un des classiques du cinéma taïwanais des années 1960.

La spécialiste du cinéma taïwanais Wafa Ghermani résume très bien ce qui fait l’étoffe de Typhoon dans les suppléments de cette très belle édition blu-ray. Inclassable, souvent rangé dans le cinéma de mauvais genre, le long métrage de Pan Lei, qui adapte l’un de ses propres romans, constitue à la fois une célébration de la nature, la radiographie d’un triangle amoureux, l’énonciation d’une impuissance masculine et d’une lassitude féminine. La liberté de ton détonne, le noir et blanc accentue la mise en exergue des décors (notamment extérieurs, urbains comme naturels) et le typhon du titre renvoie en seconde intention aux vents violents qui ne cessent de balayer les affects des personnages.

Produit afin de prendre place dans un festival, échappant aux étiquettes classiques (propagande officielle chinoise, cinéma taïwanais), Typhoon prend pour cadre la station météorologique d’Alishan, où vit un couple prisonnier d’un mariage sans amour. « Il ne peut pas quitter ses appareils une minute », songe Chun-li, délaissée par son mari Zhi-ping, davantage préoccupé par ses rats de laboratoire que par l’épanouissement de sa femme. Cette dernière renchérit d’ailleurs : « Je ne veux pas de ce genre d’amour. » On tient là, déjà, deux dimensions prépondérantes du long métrage : un espace naturel résolument cinégénique et l’incommunicabilité conjugale qui s’y engonce.

Le point de bascule s’opère à l’arrivée des prétendus M. Zhang et sa fille Zhen-zhu. Le quotidien de Chun-li est soudainement bouleversé. Zhang, truand sans grande envergure, lui témoigne un intérêt qu’elle n’espérait plus. La solitude qu’elle cherchait à rompre en abusant de l’alcool ou de la sollicitude du facteur s’estompe peu à peu. Pan Lei met alors en scène une constellation de personnages abîmés, de la femme égarée, « éduquée, solitaire, déprimée », à la petite frappe se déconsidérant (« Je ne suis pas un type bien »), en passant par le mari effacé, dont l’impuissance apparaît par analogie à l’occasion d’un exercice de pompages gênant, ou l’orpheline, cherchant à s’émanciper des déterminismes en se choisissant un père de substitution.

Il faut reconnaître à Pan Lei une vraie capacité à saisir le caractère itératif de la vie, un peu à la manière d’un Ozu. Ses quelques scènes dans le Taipei des années 1960, ou ces regards à double sens lancés à l’occasion de la séquence de danse, contribuent eux aussi à l’allant d’un film bien plus dense qu’il n’y paraît. Ce dernier se caractérise par les repères brouillés qui affectent chaque protagoniste : attaches filiales, amoureuses, psychologiques sont tour à tour convoquées dans une grande ronde des sentiments humains.

BONUS & RESTAURATION

La restauration a été financée et réalisée par Warehouse Terrada (Japon) et elle s’est basée sur le négatif 35 mm, dont certaines séquences s’avéraient très instables. Un comparatif de plusieurs scènes apparaît dans les bonus de cette édition blu-ray et permet de prendre la pleine mesure du travail réalisé. Cette nouvelle restauration 2K manque certes d’homogénéité, avec notamment des flous et déformations à certains moments, mais cela résulte directement de la médiocre qualité du matériau d’origine. L’avant et après n’en demeure pas moins saisissant.

On mentionnera parmi les bonus les deux interventions (qui se recoupent largement) de Wafa Ghermani. La spécialiste du cinéma taïwanais évoque la carrière de Pan Lei, le statut particulier du film, son contexte de production, la rapidité de son tournage, sa spontanéité, la fonction démonstrative des paysages, la persona des comédiens, l’esthétisme du noir et blanc ou encore la liberté de ton déployée. Y figurent également quelques analyses de séquences. Ces deux documents sont instructifs et passionnants.

Bande-annonce : Typhoon 

Fiche technique

BD 50 • MASTER HAUTE DÉFINITION • 1080/23.98p • ENCODAGE AVC
Version Originale DTS-HD Master Audio 1.0 • Sous-Titres Français
Format 2.35 respecté • Noir & Blanc • Durée du Film : 113 mn
DVD 9 • MASTER HAUTE DÉFINITION • PAL • ENCODAGE MPEG-2
Version Originale Dolby Digital 1.0 • Sous-Titres Français
Format 2.35 respecté • 16/9 compatible 4/3 • Couleurs • Durée du Film : 108 mn
Sortie le 15 mars 2022

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