Confortablement installé entre les chefs-d’œuvre Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia et Croix de fer, Tueur d’élite apparaît comme un film d’exploitation et de paradoxes. L’éditeur BQHL le présente dans une édition soignée, riche en suppléments.
Une lecture hâtive pourrait laisser croire que Sam Peckinpah, marqué par le désamour qu’ont exprimé Hollywood et les spectateurs à l’endroit d’Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, a vu Tueur d’élite comme une opportunité de se racheter aux yeux des studios. Qu’il a mis de l’eau dans son vin au point d’édulcorer son art, de répondre aux injonctions de ces compagnies cinématographiques qui, par le passé, ont si souvent défiguré ses films. Cette parenthèse dans la radicalité lui aurait d’ailleurs permis de se refaire la cerise, après plusieurs échecs commerciaux retentissants. Mais c’est aller vite en besogne, et un peu tout mélanger. D’abord parce qu’Alfredo Garcia n’a pas coûté suffisamment d’argent pour constituer un gouffre financier, tandis que le succès de Tueur d’élite demeure somme toute relatif. Ensuite car Peckinpah a bel et bien fait du Peckinpah : des dialogues réécrits à la dernière minute pour accentuer leur caractère corrosif, un plan vertical dans une salle d’intervention pour témoigner des douleurs endurées par son antihéros, des séquences d’action rejouées au ralenti selon différents points de vue, le brassage de thématiques pessimistes telles que la trahison ou la duplicité…
L’incursion de Sam Peckinpah dans « une centrale d’information privée » en cheville avec la CIA, juste après le scandale du Watergate, cette amitié virile en souffrance, ces tirades fusantes, ces faux nez en cascade alimentent un long métrage qui, sous ses dehors de cinéma d’exploitation classique, épargne finalement peu ses personnages et les institutions qu’il met en scène. Passé entre les mains de plusieurs scénaristes, adapté notamment par Stirling Silliphant d’après le roman Monkey in the Middle de Robert Syd Hopkins, Tueur d’élite a été le théâtre d’une lutte farouche entre Sam Peckinpah et son scénariste crédité, qui regrettait non seulement ses interventions incessantes sur le script mais aussi sa propension à y insuffler du grotesque (certains gags en témoignent amplement) et des stéréotypes raciaux pour le moins maladroits (à l’égard des Asiatiques). Finalement, ce Peckinpah mineur vaut surtout pour l’opposition entre James Caan et Robert Duvall, ses séquences d’arts martiaux et le style caractéristique de son auteur, qui en redessine les contours un peu trop lisses.
BONUS ET TECHNIQUE
Réussie sur le plan technique, l’édition se distingue surtout par ses nombreux suppléments. Dans un livret instructif, Marc Toullec retrace la genèse du film, du script apporté par le producteur Martin Baum au changement de lieu de tournage (San Francisco supplantant Londres) en passant par la valse des scénaristes, les bisbilles de plateau ou le comportement erratique de Sam Peckinpah. On comprend que le cinéaste a cherché à apporter sa griffe à un scénario trop timide, et parfois à la dernière minute. Rafik Djoumi évoque quant à lui un film de rachat aux yeux de l’industrie, à travers lequel le réalisateur s’astreint à une forme d’autocensure, caractérisée notamment par un montage moins déstabilisant qu’à l’accoutumée. Il évoque la mise en scène de la violence et des arts martiaux.
Les autres documents donnent la parole à Mike Siegel (il explique sa fascination pour Peckinpah et rapporte quelques anecdotes croustillantes), Bo Hopkins ou encore Isela Vega. La personnalité complexe et outrancière de Peckinpah, la place de Tiana Alexandra dans le film ainsi que ses relations conflictuelles avec l’équipe de tournage, la liberté laissée aux comédiens figurent tous en bonne place dans ces (riches et nombreux) suppléments.
Bande-annonce
Caractéristiques du DVD
DVD Z2
Edité par BQHL
Durée : 2H03m. 17s.
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais, Français
Sous-titres : Français