Les éditions Pathé nous proposent trois films de Patrice Leconte. Parmi ceux-ci figure une des plus grandes réussites du cinéaste, Tandem, tenu par le formidable duo d’acteurs Jean Rochefort et Gérard Jugnot.
C’est en 1985 qu’après avoir connu le succès grâce à des comédies, en particulier Les Bronzés et Les Bronzés font du ski, le réalisateur Patrice Leconte entame un virage dans sa filmographie. Sous l’impulsion du producteur Christian Fechner (si important dans le cinéma populaire français des années 70, 80 et même 90), Leconte tourne alors Les Spécialistes, très bon film d’action dont le duo d’acteurs principaux, Bernard Giraudeau et Gérard Lanvin, deviendra iconique. Après le grand succès de ce film, Leconte se dit qu’il est temps de transporter à l’écran un scénario qu’il avait écrit quelques années auparavant.
Dans l’un des compléments de programme du DVD, le cinéaste explique l’importance qu’avait la radio dans sa famille, et en particulier le moment sacro-saint du Jeu des mille francs de France Inter. Pour ceux qui connaissent cette émission culte, le rapprochement avec Tandem est évident. Le film raconte l’histoire d’un animateur radiophonique, Michel Mortez (Jean Rochefort), qui parcourt les routes de France pour présenter son jeu La Langue au chat. Il s’agit, pour lui, de s’installer chaque jour dans un village différent et de poser des questions de culture générale à deux invités. Dans son périple, Mortez est accompagné de Rivetot (Gérard Jugnot), qui fait office de chauffeur, ingénieur du son, mais aussi garde-malade lorsque la situation se présente.
Tout de suite, on sent que, malgré les différences de caractères, ces deux personnes sont indispensables l’une à l’autre. Mortez, malgré toute sa morgue apparente et son cynisme de façade, est un personnage affaibli, physiquement mais aussi psychologiquement. De temps en temps, il est pris d’une crise de puérilité qui le fait dépenser des sommes folles au casino. Comme le nom de Mortez est un pseudonyme derrière lequel se cache Morteau, de même le personnage de l’animateur sûr de lui, excentrique et enjôleur est un paravent derrière lequel se dissimule un personnage qui a peur de la solitude et qui ne veut pas avouer ses faiblesses.
A ses côtés, Rivetot est l’homme à tout faire qui sert aussi bien de souffre-douleur que de soutien dans les difficultés. Les deux hommes sont inséparables, non pas comme des amis de toujours mais, comme l’affirme Leconte lui-même, parce que s’ils se retrouvaient seuls, ils s’écrouleraient. De fait, chacun essaie bien, pendant le film, d’avoir une aventure de son côté, mais ça semble tout de suite très vain, comme secondaire et, de toute façon, voué à être une impasse.
Au sujet de ce duo aussi improbable qu’émouvant, le cinéaste mentionne Dom Juan et Sganarelle, mais on pourrait aussi songer à Don Quichotte et Sancho Panza. Cette impression est encore renforcée lorsque Rivetot apprend que l’émission de Mortez va disparaître de l’antenne, et qu’il n’ose pas l’avouer à l’animateur. Comme Don Quichotte qui préférait vivre dans un monde de romans de chevalerie, Mortez s’accroche à son émission qui constitue une unique raison de vivre, et Rivetot a le rôle d’équilibriste qui lui demande à la fois de raccrocher Mortez à la réalité et, en même temps, de lui laisser son rêve.
Tandem est un des meilleurs films de Patrice Leconte (qui a de belles réussites à son actif, faut-il le rappeler). Le cinéaste parvient à donner à son film une atmosphère tour à tour comique, voire farcesque, et émouvante, avec des touches subtiles de mélancolie soulignées par la magnifique chanson de Richard Cocciante.
Le tout est rendu parfaitement cohérent par l’admirable interprétation des deux acteurs principaux. Jugnot est extraordinaire en personnage du quotidien, plus terre-à-terre, avec lequel on sympathise immédiatement alors que Rochefort joue à merveille ce grand duc fragile, constamment au bord de s’écrouler.
Les seconds rôles ne sont pas en reste, et le film est peuplé de personnages marquants, même si on ne les voit que lors d’une scène. A ce titre, il faut évidemment mentionner Ged Marlon, inoubliable en pique-niqueur au bord de l’autoroute qui se fait invectiver par un Mortez hors de lui, dans une des scènes les plus marquantes du cinéma de Leconte.
Outre les acteurs et la chanson, outre aussi la mise en scène fine et précise, qui sait parfaitement s’attarder le temps nécessaire sur ses personnages pour en dévoiler les émotions profondes, l’un des autres critères de réussite de Tandem provient de ses dialogues ciselés (la qualité des dialogues est une des caractéristiques de la filmographie de Patrice Leconte, il suffit de revoir Le Mari de la coiffeuse, La Fille sur le pont ou, bien entendu, Ridicule, pour s’en assurer).
L’ensemble donne un très bon film que l’on a plaisir à voir et revoir, qui possède toutes les qualités des meilleurs films français
L’édition DVD de Tandem chez Pathé nous propose deux compléments de programme fort intéressants.
Le premier est un entretien avec le réalisateur, d’une cinquantaine de minutes environ. Leconte y revient sur l’origine du film, l’écriture du scénario, le choix de Rochefort (qui n’était pas le premier choix de Leconte pour ce rôle), etc.
Le second est un entretien avec Jean Rochefort, qui définit Tandem comme étant “un film poignant à force d’être drôle”. Il y explique sa surprise lorsque Leconte est venu lui proposer le rôle de Mortez et il vante l’originalité du film, unique dans le paysage cinématographique français selon lui.
Caractéristiques du DVD :
Durée : 87 minutes
Version française 2.0
Sous-titres Sourds et malentendants
Sous-titres anglais
Compléments de programme :
Entretien avec Patrice Leconte (48 minutes)
Interview de tournage de Jean Rochefort (13 minutes)