Il y a bientôt deux mois sortait en Blu-ray chez les éditions Rimini Iwo Jima (en vo : Sands of Iwo Jima), film réalisé par Allan Dwan en 1949 avec John Wayne et John Agar. Retour sur ce pré-Maître de Guerre au récit choral mis à mal par une démarche de propagande trop importante sur sa fin.
Synopsis : 1945, durant la guerre du Pacifique. Des soldats américains se préparent à participer à deux combats meurtriers, dont la célèbre bataille de l’île d’Iwo Jima.
John Wayne est le maître de guerre
Le film, réalisé par Allan Dwan, un solide artisan du cinéma hollywoodien (La Femme aux révolvers, entre autres), fonctionne jusqu’à sa dernière partie, soit le segment consacré à la bataille d’Iwo Jima. En effet, ce pré-Maître de Guerre réussit à mettre en place la dynamique du groupe dirigé par l’officier John Stryker. Ce dernier n’est pas sans rappeler celui incarné par Clint Eastwood dans son film suscité. Les nouvelles recrues le trouvent vachard, salaud… En bref, il est perçu comme un enfoiré de première implacable.
Comme dans le film du réalisateur du Retour de l’Inspecteur Harry et d’Impitoyable, l’officier est en fait habité par une mélancolie. Les deux ont perdu leur famille à cause de leur carrière et souhaitent, plus que tout autre, la survie de leurs hommes, d’où un entrainement redoutablement intensif. Ce récit d’initiation, croisé avec une histoire amoureuse loin du pays, est efficace et maîtrisé. Cela, à tel point que le soldat haineux interprété par le pudique John Agar devient un élément conséquent de l’intrigue. On retiendra notamment cette scène importante : Agar fête la nouvelle d’un premier enfant avec la bande. Wayne et un autre officier débarquent dans le bar. Alors que Stryker, de bonne humeur, ouvre le dialogue avec le soldat, celui-ci se renferme et révèle sa haine pour le sergent. Mieux que ça, il réclame le droit de ne pas l’apprécier en dehors de l’emploi du temps militaire. La scène est forte : une entente entre Wayne et ce soldat semble impossible. Là où les autres soldats ont compris le bien fondé de la méthode Stryker, le private interprété par Agar – persuadé d’être la honte de son père colonel récemment décédé – se renferme sur lui-même et dans sa relation à distance avec sa famille fraichement fondée.
La haine de ce soldat contre un officier de plus en plus compris, respecté puis admiré par ses pairs apporte une singularité à ce force group movie. Un caractère unique qui se voit hélas mis à mal par le dernier acte du film et le traitement de l’attendue conclusion heureuse entre les personnages d’Agar et Wayne. En effet, l’entente entre les deux hommes arrive comme un cheveu sur la soupe ou presque. Tous deux deviennent fraternels juste après deux événements, le premier maladroitement amené, le deuxième justifié par le contexte, et l’un et l’autre se font écho.
Iwo Jima official
Justement, ce contexte porte le dernier acte du film et renvoie à son titre. Il est bien entendu question de la bataille d’Iwo Jima. Les premiers combats vécus par le groupe ne manquaient pas de densité temporelle. A l’inverse de ces premiers coups de feu, la bataille d’Iwo Jima subit le même rapide traitement que la relation Agar-Wayne. Malgré un découpage narratif en trois séquences temporelles distinctes, l’événement semble filer à toute vitesse. L’ensemble court vers le cheminement du film introduit au début de sa dernière scène, le dressage du drapeau américain sur le mont Suribachi le 23 février 1945, événement célèbre grâce à la photographie de Joe Rosenthal.
Le récit rushe jusqu’à cette vision connue du monde entier en finalisant ses arcs narratifs: la relation Wayne-Agar d’abord ; l’apothéose fraternelle de cette section militaire qui a, dans sa majorité, réussi à survivre. Cette dernière est mise en place de façon brute et kitsch. Le long métrage s’enfonce alors pleinement dans la gloriole militaire. Lors de son final, l’hommage aux marines tout en nuances humaines porté par une forme d’humanisme qu’est Iwo Jima vire dans la propagande pure et simple. Le making of du film, dont le contenu est court mais intéressant, présent sur la galette Blu-ray, vient confirmer l’amertume laissée en bouche par cette fin de film.
En effet, il y est expliqué que le métrage a été conçu afin sauver le corps des marines des Etats-Unis, institution qui risquait d’être mise en placard peu après la fin de la seconde guerre mondiale. Film de commande projeté par la suite à toutes les nouvelles recrues des camps d’entraînement des marines, Iwo Jima a été soutenu par la base de marines de la côte californienne, que ce soit en termes de conseils et de soutien technique (véhicules et images d’archive) ou humain (figurants). Son final propagandiste forcené est aussi soutenu par les trois survivants ayant officiellement érigé la bannière étoilée sur le Mont Suribachi : René Gagnon, Ira Hayes, et John Bradley. Les trois soldats qui, en réalité – comme le mit en lumière le formidable Mémoires de nos Pères (2006) de Clint Eastwood – ont érigé le deuxième drapeau, puis ont été utilisé pour le soulèvement de dons pour l’armée.
La célèbre photographie de l’événement citée ci-dessus a capté cette deuxième mise en place du drapeau américain. Ainsi Iwo Jima, conte d’une fraternité – et d’une romance – nées dans l’effort, l’usure et le sang d’une bande de troopers à l’entente prégnante, se fourvoie pleinement lors de son dernier acte dans les attentes propagandistes précommandées, si bien que la narration est complètement négligée au profit de l’éloge d’un glorieux mensonge américain. Enfin, une certaine ironie ressort aussi de l’expérience. En effet, la gloriole militaire met à mal une belle invitation implicite à rejoindre le corps des marines, portée par l’émouvant récit de frères d’armes. On assiste ainsi, lors de son final, à l’échec de l’unité du projet propagandiste justement censé nous vendre l’unité du United States Marine Corps.
Sur l’édition Blu-ray
Le master Blu-ray présenté par les éditions Rimini est une belle surprise. Les reconstructions de bataille sont visuellement impressionnantes. Certes, les images d’archives se démarquent des prises de vues de la production. Mais les premières ne jurent pas avec les dernières. Malgré la présence de poussière et égratignures sur l’ensemble, ce master HD surprend par son rendu au piqué et au contraste formidables, soutenu par une piste originale plus que solide, malgré un thème d’introduction et de fin un poil saturé par moments. Les fans de VF seront déçus.
Celle-ci est saturée. Manquant considérablement de détails sonores, la version française est dominée par des dialogues français au rendu médiocre avec un faible arrière plan musical.
On regrettera enfin la présence d’un seul complément – accompagné par l’éternelle présence de la bande-annonce originale – même si ce court bonus s’avère être intéressant. Ce court métrage promotionnel n’hésite pas à exposer le contexte politique dans lequel est né Iwo Jima, n’hésitant pas à mettre en avant le projet patriotique portant le film, mais aussi le formidable travail de production, ainsi que la merveilleuse dynamique d’équipe mise en place par Allan Dwan et ses acteurs. Cela, en évitant bien sûr d’utiliser un certain comme il devrait l’être : propagande.
Bande-annonce – Iwo Jima/ Sands of Iwo Jima (1949)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
USA – 1949 – N&B – 105 mn – 1920 x 1080p – Langues : Français / Anglais – Son : Dual Mono DTS HD – Sous-titres : Français – Format image : 1.37 – 16/9 compatible 4/3 – 109 mn – Rimini Editions
SUPPLÉMENTS
– Making of (17 mn – VOSTFR)
Date de sortie : 22 janvier 2019 – Prix de lancement : 19,99 €