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Tamasa

Park, de Sofia Exarchou : une jeunesse perdue dans une Grèce en ruines

En suivant un groupe d’enfants et d’adolescents dans les ruines du village olympique d’Athènes, la cinéaste grecque Sofia Exarchou signe Park, un premier film fort et sensible, à découvrir chez Tamasa.

Les bâtiments sont abandonnés, délabrés, au milieu de nulle part, comme des vaisseaux échoués. Et au milieu, une bande de gosses, ados ou pré-ados, naufragés d’une société qui en a fait des laissés-pour-compte.
Les bâtiments sont ceux de l’ancien village olympique des JO d’Athènes, en 2004. Construits à l’encontre du bon sens, sans le moindre aménagement urbain, ce lieu semble hors du temps et hors de l’espace. Impossible de reconnaître Athènes là-dedans. D’ailleurs, la Grèce montrée dans ce film est bien éloignée de celle des cartes postales. La pluie et la grisaille dominent, et les seules ruines visibles sont celles de la société grecque contemporaine ; des gosses fouillent dans des poubelles, et les rares touristes rencontrés offrent quelques scènes glauques et sombres, et ne représentent aucune une chance pour les protagonistes de Park.

Le premier long métrage de la cinéaste grecque Sofia Exarchou est bien sombre, et en même temps plein d’énergie. L’énergie de ces enfants perdus, dont on ne verra presque jamais les parents (nous ne rencontrons que la mère de Dimitris, mais elle ne tente en aucun cas de sauver son fils), une énergie qui s’exprime en danses, courses, cris, sauts, parfois des bastons, mais qui se heurte surtout à ces bâtiments inertes, morts.

L’une des plus grandes réussites de Park est de nous proposer à la fois un film social, de nous faire suivre de véritables personnages, profonds et complexes, et en même temps d’offrir un symbole fort de la société grecque actuelle. le symbole, c’est celui d’un pays qui voyait en ces Jeux Olympiques un espoir de développement rare et qui, dix ans plus tard, retrouve cet espoir en ruines. Le parallèle est facile entre une jeunesse abandonnée par les adultes, et un peuple abandonné par ses dirigeants; ce parc olympique est le symbole de cette perte d’espoir, de ce naufrage social dans lequel le pays s’enfonce toujours plus.

Park va donc suivre certains des personnages qui hantent ces lieux, en particulier Dimitris et Anna, une ancienne athlète qui, suite à diverses fractures, a dû abandonner la pratique sportive. Le film fait alterner des scènes de groupes, chaotiques, bruyantes, et des scènes plus intimistes, contemplatives, instants suspendus et muets. La présence d’un groupe ne parvient pas à masquer la solitude qu’affrontent ces jeunes : la cinéaste nous en montre un qui passe sa vie au bord d’une piscine, un autre qui fouille dans des poubelles. Comme si la vie était suspendue.

Park est aussi un film très corporel. Sofia Exarchou insiste sur les corps de ses personnages, des corps qui dansent ou se battent, des corps qui font l’amour, etc. Des corps aussi meurtris, blessés, comme en témoignent les cicatrices d’Anna ou les mains écorchées de Dimitris.
La caméra insiste sur ces détails, mais sans jamais se faire impudique. Sofia Exarchou est au plus proche des protagonistes de son film, et sa mise en scène cherche l’empathie : sa volonté est évidemment de nous faire partager les émotions de ces gamins.

Ce sont donc bel et bien les personnages qui sont au centre du film. Il n’y a pas, à proprement parler, d’histoire racontée dans Park : le scénario est elliptique, enchaînant des scènes immersives à la rencontre des émotions. Cela donne des séquences souvent sombres, parfois violentes, mais aussi des moments plus lumineux.
Park est un premier film réussi qui nous montre un autre visage de la Grèce.

Côté compléments de programme, outre la bande annonce, nous avons un making of d’une vingtaine de minutes qui donne avant tout la parole aux interprètes. Loin des propos habituels de ce genre de documentaire, nous n’avons pas ici un récit du tournage à proprement parler. Les acteurs ici s’expriment sur leur personnage, souvent en voix off, sur fond d’images extraites du film ou du tournage.

Ce making of complète remarquablement le film, puisqu’il reste dans la même ambiance et permet d’approfondir la psychologie des protagonistes.
Le tout est complété par un livret d’une quinzaine de pages constitué d’un entretien avec la réalisatrice. Elle explique la genèse du film, le choix des acteurs essentiellement amateurs (le seul professionnel connu est l’acteur danois Thomas Bo Larsen, habitué des films de Thomas Vinterberg) et les différentes thématiques psychologiques, sociales et politiques.

Caractéristiques du DVD :
Format 16/9 – 1,85
Couleur
Son Dolby
Version originale grecque
Sous-titres français
Durée : 97 minutes
Compléments de programme :
Our life in the Park, making of (20 minutes)
Film annonce
Livret de 20 pages

Park : bande annonce