Retour sur Mort ou Vif (The Quick and the Dead, 1995), le western fast and furiously mythologique de Sam Raimi à (re)découvrir en Blu-ray et Blu-ray UHD 4K chez L’Atelier d’Images.
Synopsis : John Herod règne tel un tyran sur la petite ville de Redemption où se tient chaque année un tournoi de duels à mort. Ce tournoi, dont il est le vainqueur historique et incontesté va être bouleversé par l’arrivée d’une mystérieuse participante…
Sin City : le diable, la prisonnière du désert et le pénitent
Le style visuel mobilographique et mobilogénique (cf. Richard Begin) de Sam Raimi n’est plus à présenter. Comme le rappellent d’ailleurs Stéphane Moïssakis et Julien Dupuy dans leur complément consacré au film, la patte Raimi, « entre les Looney Toons et Alfred Hitchcock » (dixit le cinéaste), fut remise en question par le réalisateur suite à l’échec relatif de Mort ou Vif. Les critiques américains étaient alors idéologiquement ancrés dans une forme d’obligation de la transparence cinématographique (soit dans une forme d’invisibilité du style de l’auteur, alors pleinement engagé au service de son récit). Cependant, le style du cinéaste des sagas Evil Dead et Spider-Man participe pleinement à la construction d’un furieux récit mythologique à côté duquel les critiques de l’époque allaient plus ou moins passer.
Lumière captée à travers le trou d’un chapeau ou celui d’un corps meurtri, plans en dutch angle aux zooms et aux panoramiques ultra-rapides (du jamais vu grâce à des expérimentations techniques gérées par ordinateur), ou encore des balles fusant en point de vue à la première personne vers la victime visée par le gunslinger, on remarque aussi les formidables décors gothiques inspirés et conçus avec la chef décoratrice Patrizia von Brandenstein (Amadeus, Les Incorruptibles) en collaboration avec le directeur de la photographie Dante Spinotti (Manhunter, Heat). En effet, Sam Raimi emploie ses effets de style et son gout de l’épouvante afin de créer un cosmos infernal dans un Ouest américain baroque où les corps et les âmes tordus s’affrontent lors d’un concours de duels mortels au crescendo à même de tordre de suspense les cœurs et les esprits des spectateurs. Les figures, qui bataillent ici, cherchent à acquérir une somme importante offerte par le diable en personne, John Herod (au nom bien sûr inspiré par le terrible roi Hérode le Grand), qui organise chaque année ce tournoi de duels afin d’éliminer ses ennemis et de réaffirmer sa main mise sur le village de Rédemption.
Gene Hackman portrait ainsi un être quasi-divin en quête d’émotions fortes. « Je n’ai plus peur » déclare John Herod. Le tout-puissant n’est pourtant pas sans fragilité, puisqu’il a un fils non reconnu, le Kid (interprété par un Di Caprio déjà formidable), qui ne cherche qu’à remporter, non pas la domination de la ville ni l’argent, mais le respect de son père. Deux arrivées vont toutefois perturber le programme du tyran de l’Ouest : celle d’Ellen (Sharon Stone habitée), jeune femme en quête d’une vengeance qu’elle accomplira en dépassant ses traumas enlisés dans le sang de l’Ouest ; et le retour de Cort (Russell Crowe impérial), ex-tueur de la bande d’Herod, devenu prêcheur, dont la quête de rédemption est mise à mal par le désir de son ancien maître de voir son ancien champion participer au tournoi.
Face au titan, Ellen doit s’accomplir en tant qu’héroïne et Cort devra trouver la paix autrement : tous deux devront en effet réembrasser la violence tout en gardant la raison. Comme des samouraïs ou des Jedi, ils devront user du révolver pour se défendre ou défendre leur prochain, et non pour tuer gratuitement. Leur rapprochement sentimental et physique les confortera d’ailleurs dans la concomitance de leurs objectifs. Sans Héra, mais comme Apollon et Athéna, nos deux personnages aux vies violemment forgées par Herod vont ainsi travailler à mettre à mal le règne de Zeus : face à l’égo, la communauté ; contre l’ordre tyrannique, la loi ; à l’opposé de la brutalité primale, la morale et l’éthique ; contre la force brute, la parade intelligente ; et au final, contre la violence meurtrière et terminale de John Herod, la revanche. Ainsi, la ville de Redemption sera digne de porter son nom.
Si l’intrigue du scénariste britannique Simon Moore est fortement marquée par la mythologie de l’Ouest, en particulier par les figures forgées par le Western européen (l’arrivée d’un pistolero qui va bouleverser un statu quo sordide, entre autres), Mort ou Vif prolonge l’œuvre néo-mythologique de Sam Raimi qui aura réussi à prouver, quoiqu’aient pu dire les critiques à sa sortie, qu’il fut capable de s’attaquer à tous les genres pour mieux les transfigurer.
Extrait – le 1er duel du film – Mort ou Vif (The Quick and the Dead, Sam Raimi, 1995)
Mort ou Vif en Blu-ray à partir d’un nouveau master 4K
La revue qui va suivre est basée sur l’édition Blu-ray de l’Atelier d’Images basée sur le nouveau master 4K du film et non sur l’édition Blu-ray UHD 4K qui ne nous a pas été fournie.
Mort ou Vif nous revient dans une solide édition Blu-ray. Le bond qualitatif par rapport à l’ancienne édition Blu-ray est bel et bien notable : on note une gestion colorimétrique plus juste et équilibrée (à contrario de l’ancienne, très terne), un piqué plus important (à l’exception de plans d’extérieurs sur lesquels on note aussi plusieurs éléments clairs brulés), ainsi qu’une image plus complète. On doute toutefois de l’optimisation de l’encodage tant on a pu en effet noter des macroblocs de compression sur des plans assez granulés (dès le début du long métrage). De même, il semble que les zones de clartés ici cramées ne le soient pas sur l’UHD 4K. Comme le suggère testsbluray.com, il est possible que l’éditeur ait raté la conversion HDR/SDR. Par ailleurs, la gestion du grain nous semble manquer de précision mais peut-être cela vient-il de la source. Il semble toutefois que ces questionnements n’aient presque pas lieu d’être sur l’édition UHD 4K, ce qui confirmerait donc un manque de finition quant à l’encodage du Blu-ray.
Du côté du son, on privilégiera la VO dynamique à la VF déséquilibrée par une survalorisation des dialogues. Ceux qui veulent entendre la poudre parler et la voix poétiquement primale de Russell Crowe se concentreront certainement sur la version originale qui sait mettre en valeur la sublime partition d’Alan Silvestri.
Enfin, l’Atelier d’Images a formidablement soutenu son édition à coup de compléments soignés. Rappelons que l’ancienne édition ne contenait aucun bonus. Le plus conséquent est un retour sur le film par Julien Dupuy et Stéphane Moïssakis, deux des trublions de l’équipe Capture Mag et grands défenseurs du cinéaste. Le temps d’une petite heure, les deux bonhommes reviennent sur la mauvaise réception du film en son temps, sur la genèse du film qui était d’abord un projet du scénariste/réalisateur/acteur Simon Moore, la reprise en main de celui-ci par Sharon Stone qui a choisi Sam Raimi, les difficultés à travailler avec Gene Hackman, l’épanouissement du travail stylistique du cinéaste qui a pu pour la première fois avoir accès à un budget conséquent, ou encore l’aspect mythologique du long métrage et de sa place dans le genre du western. Les deux critiques reviennent ensuite – le temps d’un autre bonus – analyser une séquence, celle du duel entre Herod et son fils, par ailleurs déjà bien évoquée dans leur précédente et importante intervention.
On trouve ensuite un entretien avec le scénariste Simon Moore dont plusieurs déclarations pourront sembler répétitives. Le complément est un montage de la voix de Simon Moore sur des extraits du film ainsi que sur d’autres éléments telles que des affiches de la trilogie du dollar qu’il affectionne particulièrement et qui l’a marqué, notamment dans sa volonté de concevoir une œuvre fonctionnant davantage par les silences que par les dialogues. Une œuvre de cinéma en somme, peut-on ajouter.
Trois autres modules plus anecdotiques viennent compléter l’ensemble des bonus : un making-of d’environ sept minutes qui tient plus de la featurette commerciale que d’une réelle plongée dans la production de Mort ou Vif ; six scènes coupées qu’on ne regrettera pas ; et des bandes-annonces des sorties relativement récentes de l’Atelier d’Images (dont deux associées au cinéma de Raimi avec Evil Dead et Darkman).
Bande-annonce – Mort ou Vif (The Quick and the Dead, Sam Raimi, 1995)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
BD-50 – 1080p HD – Mpeg-4 AVC – 1.85 – 16/9e – Langues : Anglais & Français DTS-HD Master Audio 5.1 – Sous-titres français optionnels – 1995 – Western – Durée : 107 mn
COMPLÉMENTS
L’Ange de la vengeance, par Julien Dupuy et Stéphane Moïssakis (50 mn)
Analyse de séquence (9 mn)
Simon Moore : l’écriture de Mort ou Vif (10 min)
Making of (6 mn)
Scènes coupées (5 mn)
Bande-annonce du film
Sortie le 15 Mars 2022 – Prix de vente conseillé : 14,99€