Si Le Vent de la plaine n’est pas le film le plus connu de John Huston, ni le western le plus célèbre de son temps, sorti dans l’ombre des Sept Mercenaires, d’Alamo et du Sergent noir de John Ford, il est important de réévaluer ce film mal-aimé, rejeté par son cinéaste, et dont la sortie en DVD vient compléter la très belle collection western de Sidonis Callysta.
Du western, Le vent de la plaine contient les éléments traditionnels : les grands espaces désertiques, les cow-boys qui vont à la grande ville vendre leur bétail, les rodéos et les assauts des Indiens. On pourrait presque se dire que nous sommes ici en terrain connu. Et pourtant, Le Vent de la plaine ne cesse de surprendre l’amateur du genre, tout en le satisfaisant.
En effet, très vite, il se dégage du film une ambiance spéciale. Nous avons deux femmes, une mère et sa fille, Rachel, qui habitent dans une étrange maison à demi-enterrée, où les vaches montent régulièrement brouter le toit. Le grand frère est sur le chemin de retour de Wichita et les deux autres frangins, Cash et Andy, sont occupés avec le reste du troupeau. Le tableau est quasiment idyllique : une famille unie et respectée, des affaires florissantes. Et pourtant, subtilement, Huston instaure dès les premières minutes, une atmosphère plus inquiétante.
D’abord, il y a cette croix sur laquelle la caméra s’arrête régulièrement. C’est la tombe du patriarche, William Zachary, dont l’ombre va s’étendre sur une bonne partie du film.
Puis, il y a l’arrivée, l’apparition même, de ce cavalier mystérieux et couvert de poussière. Un prophète sortant du désert, surgissant au milieu des cactus : avant même qu’il ne parle, la caméra de Huston nous fait comprendre qu’il s’agit d’un fauteur de troubles. Un être étrange, quasiment surnaturel, qui va ravager la belle situation de la famille et entraîner le film dans le drame et la violence.
Le Vent de la plaine prend alors des allures de tragédie antique, avec ce vieux cavalier borgne (dont on ne connaîtra le nom que tard dans le film : Abe Kelsey) dans le rôle du voyant qui vient apporter le malheur. Comme souvent dans les tragédies, c’est la faute du père qui retombe sur les enfants, d’où l’importance de cette croix, rappel permanent de la responsabilité du patriarche. Le sens du tragique se diffuse dans l’ensemble du film : on a l’impression que le moindre mot, le moindre geste enferme un peu plus la famille Zachary dans l’isolement.
Le Vent de la plaine réserve des scènes vraiment mémorables : un chasse à l’homme en pleine tempête de sable, les terribles aveux d’Abe Kelsey ou l’attaque finale. Mais Huston se plaît aussi à nous surprendre avec ce que l’on ne voit pas toujours dans les westerns, comme par exemple ce duel musical entre les Indiens et le piano des Zachary, scène étrange, crépusculaire et unique dans le genre.
Le film se plaît aussi à ravager l’image du cow-boy. Si Ben peut éventuellement représenter la virilité habituelle du stéréotype américain, ses frères, de même que le prétendant de Rachel, sont bien loin du compte : ils sont gauches, maladroits, ils perdent vite leurs moyens (surtout face aux femmes), etc.
Là où Le Vent de la plaine surprend également, c’est dans son anti-racisme. Visiblement, c’était même l’objectif premier de Huston en faisant ce film. Mais un anti-racisme qui ne se fait jamais lourdement, mais d’une façon fluide, comme le récit dans son ensemble.
Compléments de programme
Les habitués des westerns édités par Sidonis Calysta ne seront pas dépaysés par les compléments de programme du vent de la plaine, tant on y retrouve les valeurs sures du genre.
D’abord Jean-François Giré nous présente ce film, en cherchant à le réhabiliter. En effet, Huston avait tiré à boulets rouges sur Le Vent de la plaine, un des films qu’il aimait le moins dans sa filmographie. Huston reproche aux producteurs d’avoir voulu faire un simple et bête film d’action, là où lui voulait réaliser un plaidoyer contre le racisme.
Jean-François Giré en profite pour évoquer également la carrière, le comportement et le destin d’Audie Murphy, héros de la Seconde Guerre mondiale devenu acteur, qui joue ici le rôle d’un des frères de Rachel. Il se livre surtout à une analyse du film pour mettre en évidence ses nombreuses qualités.
Ensuite, nous avons le plaisir d’entendre l’incontournable et toujours passionnant Patrick Brion, qui qualifie Le Vent de la plaine de « film douloureux ».
Enfin, François Guérif prend la défense des auteurs de romans westerns, trop souvent oubliés, voire inconnus en France (ou alors publiés dans des versions courtes qui ne rendent pas hommage à la qualité des romans). Des propos très intéressants.
Caractéristiques du DVD :
Durée : 120 minutes
Format de l’image : 16/9 – 2.35
Version française et Version originale
Sous-titres français
Compléments de programme :
_ présentation du film par Jean-François Giré (17 minutes)
_ présentation du film par Patrick Brion (13 minutes)
_ Autour du roman, par François Guérif (7 minutes)
_ Bande annonce