Fabrice du Welz réalise là peut-être son film le plus ambitieux à tous niveaux. Il revient sur l’affaire qui a défrayé la chronique en Belgique durant le milieu des années 90 et qui résonne encore tristement chez tous ceux étant assez adultes pour s’en souvenir. Et si Le Dossier Maldoror ne porte pas l’étiquette « basé sur des faits réels » car il prétend juste s’en inspirer librement, les ressemblances sont frappantes. Documenté, dense et captivant, il joue autant sur l’enquête en elle-même que sur la cacophonie policière qui a entouré cette affaire et ses rebondissements dans les plus hautes sphères. Doté d’une reconstitution impeccable, poisseux à souhait comme l’affaire qu’il illustre, il ne souffre que d’un seul gros hic : l’erreur de casting du rôle principal confié à Anthony Bajon.
Synopsis : Belgique, 1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste, rejoint l’opération secrète « Maldoror » dédiée à la surveillance d’un suspect récidiviste. Confronté aux dysfonctionnements du système policier, il se lance seul dans une chasse à l’homme qui le fait sombrer dans l’obsession.
L’affaire Marc Dutroux… Rien que ce nom frappe les consciences des personnes assez âgées pour le connaitre. Une affaire retentissante aux ramifications tentaculaires aussi bien du côté des différents services de police (et qui a conduit à leur refonte totale) que des hautes sphères judiciaire et étatiques (le Roi belge s’en est notoirement ému). Et, bien sûr, au sein même d’une enquête complexe qui a mis à jour lesdits dysfonctionnements policiers, et un véritable réseau pédophile remontant jusqu’aux arcanes du pouvoir et des nantis de tous bords. Sans être un film qui retrace trait pour trait cette énorme affaire ayant défrayé la chronique et traumatisé un pays tout entier, Le Dossier Maldoror s’en inspire librement (et fortement). On se remémore même nombre de ses rebondissements, plus le film avance, nous rappelant de biens sombres souvenirs.
Le Dossier Maldoror est une œuvre fleuve et dense. Peut-être un peu trop parfois sur les plus de deux heures et trente minutes nécessaires au traitement complet d’une telle enquête. On la sent documentée et aussi touffue que possible pour montrer la complexité de la véritable histoire Dutroux. La reconstitution de la Belgique des années 90 est purement et simplement fascinante. On s’y croirait. Une époque où les smartphones, Internet et les chaînes d’infos n’existaient pas, ce qui a participé à la débâcle de la police sur cette affaire.
Le long-métrage se positionne clairement comme le projet le plus ambitieux du cinéaste belge, habitué qu’il est aux films étranges et hors normes en général, mais de plus petite facture. Ici, il met à profit son appétit pour le film de genre et l’emploie dans une enquête poisseuse et glauque où certaines séquences sont vraiment difficiles à supporter, sans pour autant être complaisantes. Comme un Zodiac (David Fincher, 2007) dégénéré sauce belge et plus intime. Le Dossier Maldoror prend son temps, et à raison, même si certaines séquences auraient pu être raccourcies (le mariage) et des seconds rôles coupés au montage (Béatrice Dalle, Lubna Azabal et Félix Marithaud), tandis que d’autres auraient gagné à être plus développés, comme celui de Jackie Berroyer.
Malheureusement, le film souffre d’un gros problème. Et il est du fait de son casting. Qu’est-ce qui pousse plusieurs cinéastes à proposer des rôles de militaires ou de flics à Anthony Bajon ? Après le nauséabond Athena et le passé inaperçu La Troisième Guerre, le voilà dans le rôle principal et inventé de ce gendarme têtu et déterminé jusqu’à l’obsession. Ce choix pose non seulement un problème de crédibilité, mais aussi d’identification pour le spectateur. Ce n’est pas qu’Anthony Bajon joue mal, au contraire, et on le sait grâce à d’autres films, mais il n’a absolument pas le physique de l’emploi avec son visage poupon. Pas dans ce type de rôle en tout cas, surtout lorsqu’il tente de jouer la folie humaine qui le gangrène.
Si ce n’est ce défaut – dont il est difficile de faire abstraction –, Le dossier Maldoror est maîtrisé et demeure captivant malgré son rythme lent. Certaines séquences sont même proprement incroyables et le souvenir de cette terrible affaire revient nous hanter par la grâce d’une mise en scène naturaliste et réaliste. Très belge-wallonne en somme. Fabrice du Welz a peut-être réalisé là son meilleur film.
Fiche technique – Le dossier Maldoror
Réalisateur : Fabrice du Welz.
Scénaristes : Fabrice du Welz & Domenico La Porta.
Production et distribution: The Joker Films.
Interprétation : Anthony Bajon, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Béatrice Dalle
Genres : policier, drame social.
Date de sortie : 15 janvier 2025
Durée : 2h35.
Pays : Belgique.