Dans ce numéro des fous de pilotes, nous avons pu visionner les séries The Morning Show d’Apple TV avec Jennifer Aniston, Reese Witherspoon et Steve Carell, qui nous embarque dans les coulisses d’une grande chaîne fictive, His Dark Materials : À la croisée des mondes, diffusée sur la BBC puis sur HBO. Dans cet univers de fantasy, on suit les aventures de Lyra, une jeune orpheline, accompagnée de son dæmon, Pantalaimon et Merry Happy Whatever, une sitcom dans laquelle il n’y a pas grand chose à sauver…
The Morning Show : coup d’essai réussi pour Apple
Le Morning Show de la chaîne UBA, c’est ce mélange d’information et de divertissement qui cartonne aux USA, avec un duo de présentateurs vedettes. En l’occurrence, Alex Levy (Jennifer Anniston) et Mitch Kessler (Steve Carell) travaillent ensemble depuis 15 ans, et sur cette durée le présentateur a reçu une douzaine d’Emmy Awards. L’audience est au beau fixe. Aucune raison de changer quoi que ce soit.
Jusqu’à ce matin où l’équipe de l’émission se réveille avec une terrible nouvelle.
Dans la nuit, la direction de la chaîne a décidé de virer Mitch Kessler. Le New York Times a révélé que le présentateur faisait l’objet de plaintes pour harcèlement sexuel. Après Weinstein et les MeToo, impossible de laisser passer cela sans une réaction immédiate.
Et Alex se retrouve donc seule, ce matin-là, pour la première fois en quinze ans, à présenter l’émission, confrontée à la nécessité de lâcher publiquement celui qui fut plus qu’un simple collègue. Elle se retrouve à jouer un rôle où elle doit tout à la fois être la femme blessée (pour attirer la sympathie du public) et la femme forte, capable de rebondir (pour éviter que ce public ne parte voir ailleurs).
The Morning show nous plonge dans un monde où chaque mot est calculé, pesé, soupesé et analysé. Aucune faille n’est envisageable. Tout doit être maîtrisé.
Voilà pourquoi la sincérité de la jeune Bradley Jackson (Reese Witherspoon) va tant séduire. Journaliste d’une petite chaîne locale, elle va littéralement péter les plombs lors d’un reportage sur des manifestations. La vidéo où on la voit brutalement remettre à sa place un manifestant qui l’accusait de diffuser des fake news, connaît un succès impressionnant et la jeune femme devient en quelques heures l’une des stars du web.
Le pilote de la série The Morning Show va donc se dérouler sur plusieurs niveaux. D’un côté, Alex lutte pour rebondir après la terrible nouvelle ; il s’agit, pour elle, de masquer le drame intérieur qu’elle vit, et qui ne demande qu’à s’exprimer, mais une telle expression est interdite à une présentatrice vedette dont chaque parole est scrutée.
Le second niveau, c’est celui de Bradley Jackson.
Enfin, il y a le niveau des décideurs, les dirigeants de la chaîne, qui voudraient profiter du séisme provoqué par les accusations contre Mitch pour refondre complètement le créneau horaire et virer une Alex jugée inapte à agir seule.
C’est bel et bien un portrait féroce du monde de la télévision qui se joue ici. Le rythme est très bon, la réalisation de Mimi Leder est assez précise sans être d’une innovation échevelée. C’est surtout l’interprétation qui emporte l’adhésion. Suffisamment pour donner envie de voir la suite.
Hervé Aubert
À la croisée des mondes : le fantastique déjà de retour chez HBO
Dans un monde où la théologie et la magie tiennent une place primordiale, Lyra Belacqua, une jeune orpheline, va se trouver embarquée dans une grande aventure, à la recherche de son meilleur ami Roger qui a étrangement disparu.
À travers cette nouvelle adaptation des livres de Philip Pullman (un film avec Daniel Craig et Nicole Kidman était sorti en 2007), HBO, qui travaille cette fois-ci en collaboration avec BBC, cherche ambitieusement à combler le vide qu’ont laissé David Benioff et D.B. Weiss après la saison finale de Game of Thrones. Pourtant, cette nouvelle série fantastique n’a rien à voir avec les récits sombres et violents de George R.R. Martin. C’est dans un esprit beaucoup plus familial que l’on se plonge dans un univers riche et original, en témoignent les daemons, manifestations physiques de l’âme humaine qui prennent une forme animale.
Mais on peut justement reprocher à ces premiers épisodes leur aspect trop enfantin, malgré leur important budget, qui omet d’exploiter le potentiel plus inquiétant que proposaient les livres à l’origine. Une responsabilité que l’on peut notamment attribuer aux différents acteurs qui peinent à être crédibles. Révélée avec brio il y a deux ans, dans Logan de James Mangold, Dafne Keen, 14 ans, est ici beaucoup plus académique et insipide dans le rôle principal de Lyra.
Bien que l’univers soit passionnant, ces premiers épisodes sont lents et peu marquants. Mais au vu du récit qui va suivre (car l’adaptation, jusqu’ici, semble fidèle), la série devrait petit à petit gagner en envergure, à mesure que l’épopée de Lyra Belacqua deviendra elle aussi de plus en plus grandiose.
Thomas Gallon
Merry Happy Whatever : « We’re delightful ! »
Emmy Quinn revient à sa Philadelphie natale avec son chéri Matt, musicien californien fan de Star Wars. Ils viennent passer les fêtes de fin d’année avec sa famille : son père Don, policier local, et ses frères et sœurs, tous mariés. Matt se retrouve au milieu d’une famille bien déjantée…
Merry Happy Whatever se base sur le thème habituel des réunions de famille qui virent au cauchemar. Un sujet porteur de nombreuses possibilités, à condition d’avoir un peu d’imagination. Or ici, l’imagination, c’est précisément ce qui manque.
La série est une sitcom typique : des épisodes d’une demi-heure, des rires pré-enregistrés, des situations qui s’enchaînent, des personnages caricaturaux, etc. Mais c’est une sitcom telle qu’on en voyait il y a 30 ou 40 ans, une sitcom d’avant les révolutions du genre que furent Seinfeld, Friends ou Dream On (entre autres). Ici, tout est empesé, lourd. Les personnages sont tous tellement monolithiques qu’il devient impossible d’éprouver de l’empathie pour eux. Les situations sont toutes totalement prévisibles, ce qui ruine systématiquement toute tentative d’humour. Les acteurs surjouent. Tout ce qui était à fuir dans les sitcoms est réuni ici.
Hervé Aubert