Pour ce numéro de fin d’année des Fous de Pilotes, au programme les séries Reprisal (« Représailles ») diffusé par Hulu, un spectacle pulp sanglant, avec Abigail Spencer (Timeless, Mad Men), sur Apple TV+ Truth Be Told n’arrive pas à tenir en haleine dans cette enquête malgré son casting haut de gamme (Aaron Paul, Octavia Spencer). Avec Soundtrack, Netflix nous embarque dans un drama musical réaliste et avec The Witcher, « Le Sorceleur alias Geralt de Riv », incarné par Henry Cavill, un mutant tueurs de créature maléfique à la force surnaturelle, le géant américain nous emmène dans un monde de fantasy médiévale. L’adaptation télévisuelle en chair et en os de la saga d’Andrzej Sapkowski, un monde fantastique habité par des monstres, des elfes, la magie clive les critiques.
Reprisal : la vengeance insipide d’une fausse blonde
La belle Abigail Spencer (Rectify, Timeless) interprète une véritable Kill Bill dans Reprisal, une série sur la vengeance d’une femme qui a failli se faire tuer par un gang. Si la vengeance est un plat qui se mange froid, cette série de Josh Corbin prends beaucoup de temps à décoller.
Malgré la performance impeccable de l’actrice principale, froide et faussement candide, la puissance de son personnage féminin n’est pas assez mise en avant. La violence misogyne exagérée des personnages masculins tombe dans le cliché des Red. Une mise en scène des combats dans les bars réussie qui donne le ton de cet univers très inspiré de Pulp Fiction. Mais pour un pilote, le rythme reste trop lent et perd le spectateur en flash-back explicatifs. La violence répétitive ne fait qu’accentuer l’attente d’une prise en puissance de notre personnage féminin dont on ne connait même pas la motivation principale…. Enfin, les spectateurs friands du genre et extrêmement patients pourraient finalement se laisser convaincre – après quelques épisodes – par Reprisal, grâce à cette ambiance tout de même attirante et prometteuse.
Celine Lacroix
Truth be told : rien que la vérité !
31 octobre 1999. Un écrivain à succès est assassiné. Un jeune homme, Warren Cave, est arrêté, puis condamné par deux preuves : ses empreintes dans la maison de la victime, et le témoignage de la fille de l’écrivain. La journaliste Poppy Parnell obtient la renommée et un Prix Pulitzer suite à ses reportages sur l’affaire ; ses articles concluent immanquablement sur la culpabilité de Warren Cave, et ont sans doute participé à la haine du pays contre le jeune homme.
Mais, 19 ans plus tard, elle semble douter de ce qui était alors une certitude. Qu’est-ce qui motive ce revirement ? A vrai dire, on n’en sait trop rien, et c’est là une des invraisemblances de ce pilote. Pourquoi, d’un seul coup, ce qui avait été une certitude pendant dix-neuf longues années s’effondre au point de vouloir reprendre l’enquête, rentrer en contact avec un Warren cave toujours emprisonné, au risque de remettre en cause toutes ses convictions ? On ne le saura pas (du moins pas dans cet épisode) : ce revirement soudain, que rien ne prépare, est très tiré par les cheveux.
Sinon, le pilote de Truth be told présente pas mal de lieux communs (la journaliste célèbre qui fait une conférence sur LA Vérité, le prisonnier blanc forcément affilié à un groupe néo-nazi, etc.).
L’un des seuls points intéressants dans cet épisode, c’est le personnage de la mère du condamné, personnage plus subtil et émouvant. Le reste n’est qu’un déroulement sans surprise, un récit formaté ni bon, ni vraiment mauvais, qui peut se laisser regarder selon notre tolérance à ce type de série.
Hervé Aubert
Soundtrack : on connaît la chanson ?
Eleanor, dite Nellie, est une jeune artiste qui aimerait bien vivre de son art ; elle travaille depuis des années sur un roman graphique parlant de sa famille et, puisqu’il faut bien vivre, elle a décroché un travail dans l’école où elle avait fait ses études. Lorsque commence le pilote, elle se rend avec excitation à un rendez-vous avec son chéri, qui l’a invitée au restaurant. Elle s’attend à une demande en mariage, et elle reçoit une annonce de rupture.
Sam, lui, est un jeune veuf qui vit seul avec son fils Barry. Il est obligé de déménager pour aller revivre dans le quartier d’où il revient, au milieu des gangs du Sud de Los Angeles. Il y retrouve son cousin Dante, qui vient justement de sortir de quatre années de prison à cause de son appartenance à un gang.
A priori, il n’y a aucun point de rencontre entre ces deux destins parallèles. Les deux protagonistes viennent de niveaux sociaux opposés (Sam des quartiers pauvres, alors que Nellie est la fille d’une star hollywoodienne) et leur parcours, ainsi que leurs perspectives d’avenir, sont très différents. Sam est dans les ennuis financiers et les services sociaux menacent de lui enlever la garde de son fils, alors que Nellie peut se permettre d’aider son père en lui payant son loyer et en faisant ses courses.
Et pourtant, entre les deux, un point commun apparaît très vite : leur attachement au milieu artistique. Nellie est graphiste, Sam est auteur-compositeur interprète. Tous les deux sont confrontés aux difficultés inhérentes au monde de l’art. Et tous les deux ont dû imposer ce choix à leur famille, et c’était loin d’être gagné.
Soundtrack est présentée comme une série musicale, et quelques scènes viennent justifier cela. Dans les moments de stress ou de colère, des chansons viennent expliciter les émotions des protagonistes. Aucune des chansons n’est faite spécialement pour le film : ce sont des chansons déjà existantes, certaines mêmes célèbres (dans le pilote on entend un peu de Believer, d’Imagine Dragons). Les chansons ne sont même pas réenregistrées par les comédiens, mais diffusées en playback.
Et finalement, qu’importe ! Ce n’est peut-être pas là que réside la qualité de ce pilote, mais dans ce portrait croisé tout en finesse, cette description sociale plutôt bien vue et surtout bien interprétée. Plus on avance et plus on accroche à ces personnages, plus on sympathise avec eux. Si l’épisode n’est pas un chef d’œuvre, il est suffisamment bien écrit pour qu’à la fin on ait envie d’aller plus loin.
Hervé Aubert
The Witcher : rien d’ensorcelant
Adaptation des best-sellers de Andrzej Sapkowski, The Witcher est l’un des derniers gros projets de Netflix, qui espère en ce début de décennie proposer une alternative pour les nombreux fans de Game of Thrones. Après huit ans de règne et un engouement phénoménal, la mascotte de HBO a manifestement laissé la porte grande ouverte aux futures séries de fantasy.
Comment alors introduire tout un monde, ses personnages, ses monstres et ses intrigues en un seul épisode ? Ici la série ne prend aucun risque. On a le droit à une introduction très classique du protagoniste solitaire, Geralt de Riv. Un chasseur de monstres que l’on découvre en pleine mission, puis dont les premières interactions avec d’autres personnages se font dans l’auberge d’un village (ça ne vous rappelle pas une certaine série Disney+ sortie un mois plus tôt ?).
Rien de subversif, donc. Ce pilote on ne peut plus académique en rappelle beaucoup d’autres et ne vend pas très bien sa série. Tous les codes de l’heroic-fantasy sont là, pourtant l’épisode est peu engageant : les dialogues d’exposition s’accumulent et ont vite fait de perdre notre attention.
Ce premier abord à l’univers souffre également d’un manque de clarté. Les différences d’époque entre les parcours de nos principaux protagonistes ne sont qu’implicitement évoquées au cours d’une discussion. Et cette envie de complexifier la chronologie (comme a pu le faire Westworld en 2016) ne semble ici pas forcément utile. Le risque de perdre ses spectateurs dès les prochains épisodes est très présent, surtout s’ils n’ont pas lu les livres.
L’important budget de cette nouvelle série ambitieuse se ressent, notamment en termes d’effets spéciaux (les monstres sont terrifiants). Mais paradoxalement, son premier épisode semble amateur au vu de certaines performances, et tout particulièrement de son étalonnage qui donne des impressions de fan-film réalisé pour YouTube. Un sentiment qui se renforce aux occasionnels défauts techniques de l’épisode : une mise au point qui vacille et des altérations d’exposition. Il y a encore du boulot.
Thomas Gallon