Après le final à couper le souffle de la saison 1 de Gomorra, le clan Savastano va devoir renaître de ses cendres tel le Phénix. Les hommes de Salvatore Conte ont bien l’intention de s’emparer de Naples après une nouvelle vague de règlements de comptes et des jeux d’alliances tactiques et perfides. Le plus Napolitain des Catalans a bien l’intention de faire avancer ses pions sur l’échiquier géant que sont devenues les places fortes du trafic de drogue à Scampia et Secondigliano. Stefano Sollima, Claudio Cupellini, Francesca Comencini et Claudio Giovannesi relatent l’Enfer qu’est devenu Naples suite à la guerre ouverte entre les clans Conte et Savastano dans Gomorra, saison 2.
Synopsis : La deuxième saison reprend là où s’est terminée la première. Ciro Di Marzio, après avoir fait une alliance avec Salvatore Conte, met en sécurité sa compagne, Debora, et sa fille, Maria Rita, en vue de la revanche à venir des Savastano. Pendant ce temps, Genny lutte pour sa survie à l’hôpital. Les médecins tentent par tous les moyens de le ranimer. Don Pietro, après avoir été libéré par ceux qui lui sont restés fidèles, apprend la nouvelle de la fusillade qui a opposé Ciro Di Marzio à son fils, Genny. Il découvre alors l’état de santé critique de Genny et l’état de délabrement du clan Savastano. Ciro devra payer pour ses fautes et pour la destruction de l’intérieur de l’organisation. La défaite momentanée de la famille de Don Pietro laisse un énorme vide du pouvoir, que Ciro a bien l’intention d’occuper avec l’aide de Salvatore Conte. Ciro promet fidélité à Conte, mais étant donné son passé, il lui est difficile de lui faire totalement confiance. Ciro est aussi un manipulateur habile et est en mesure d’obtenir la confiance des hommes de Conte. Les problèmes de Ciro ne se terminent pas là. Sa femme Debora ne parvient plus à supporter d’être sous la coupe des actions criminelles de son mari et envisage de tout avouer à la police, mais à quelques pas du commissariat, elle hésite à franchir le Rubicon et elle revient sur ses intentions.
Cette critique contient des révélations sur la saison 2. ATTENTION AUX SPOILERS.
La fin de la toute première saison annonçait une victoire à la Pyrrhus du clan Conte. Le mafieux barcelonais à la queue de cheval et qui ne se sépare jamais de sa cigarette électronique s’apprêtait à redevenir le « roi du pétrole » et des places de deals à Naples après avoir manipulé Ciro Di Marzio. De rares anciens du clan Savastano (Malamore notamment) qui ont survécu à la purge des chiens fous de l’entourage de Genny, sont parvenus à réaliser un véritable miracle avec la libération de Don Pietro. La vengeance de Genny, perdu dans les limbes de son coma à l’hôpital, promet également d’être terrible. Certains mafieux expérimentés ont malheureusement trahi Don Pietro pour rejoindre Conte.
Don Pietro part se mettre au vert et se faire oublier en Allemagne après sa libération. Genny, remis de ses blessures, va découvrir que son père travaille dorénavant pour une faction du Système à l’étranger dans le cadre d’un trafic de diamants. Après Conte en Espagne, ces séquences en Allemagne dévoilent à nouveau les ramifications de la Camorra dans toute l’Europe.
Les désillusions d’un fils
Genny Savastano sera face à de nombreux choix cornéliens dans cette saison 2. Il sera littéralement tiraillé entre plusieurs personnages. Ses décisions vont lui permettre de mûrir définitivement et de devenir un leader important au sein de l’organisation mafieuse. Entre la haine naissante envers son père qui se détache de lui, sa volonté de se venger de la terrible fusillade avec Ciro Di Marzio, qui a failli l’envoyer six pieds sous terre, et sa passion amoureuse naissante avec la fille d’un entrepreneur véreux dans le bâtiment offrent au comédien Salvatore Esposito de très beaux moments dans cette saison 2. Son incompréhension et son mal être face au rejet et à la dureté de son père, qui tente de s’accrocher au pouvoir, offrent de très belles séquences dans ces douze nouveaux épisodes. Genny Savastano va même s’épanouir et profiter de nouvelles opportunités positives en quittant la situation étouffante et oppressante de Naples. Par l’intermédiaire du père de sa petite amie, Genny va en effet démarrer des affaires dans le BTP et le trafic de drogue à Rome.
Toute l’explication du terrible voyage de Genny Savastano en Amérique Centrale sera également dévoilée au début de cette saison 2 dans une séquence magistrale et effroyable. La transformation radicale sur le plan humain, physique et psychique de Genny prend alors tout son sens. Cette scène permet d’étendre l’analyse sur le trafic de drogue à grande échelle entre les camorristes de la région de la Campanie et les cartels sud-américains. Après Gomorra, Roberto Saviano s’est d’ailleurs attaqué au business de la drogue dans son dernier ouvrage Extra pure : Voyage dans l’économie de la cocaïne.
La guerre des clans aura bien lieu
A Naples, la violence est le moyen le plus compliqué mais aussi le plus pratique de devenir un entrepreneur qui gagne ; et l’atmosphère de ville en guerre qu’on respire chaque jour à l’odeur rance de la sueur ; comme si les rues étaient des salles de sport à ciel ouvert où chacun exerce sa capacité à voler, à braquer, à saccager et à tester les mécanismes du pouvoir, l’ivresse de la croissance économique. (Gomorra, Roberto Saviano, Editions Folio, p.79)
Cette saison 2 se présente donc comme un habile jeu de pouvoir et d’affrontements tactiques voire politiques. Les ravages de la fin de la première saison ont eu pour conséquences indirectes de renouveler le casting. De nouveaux personnages charismatiques font donc leur apparition tout au long de ces douze épisodes. La plupart sont des camorristes à la tête des places de deals ou dans des postes clés de l’organisation comme le chimiste responsable des « coupes » parfaites de la drogue. L’affaiblissement du clan Savastano et les pratiques de Salvatore Conte vont soulever une vague d’indignation et de révolte chez les principaux responsables des places fortes du trafic de drogue à Naples. Ciro Di Marzio va une nouvelle fois tenter de tirer les marrons du feu.
Les choix scénaristiques radicaux de la saison 2 pour les personnages de Ciro di Marzio et de Salvatore Conte risquent de choquer et de ne pas laisser les téléspectateurs indifférents. Bon nombre de fans de la série Gomorra pourraient même crier au scandale face aux évolutions de l’intrigue. Les rebondissements scénaristiques entre Genny et Ciro Di Marzio pourraient aussi en surprendre plus d’un. La tension qui règne entre les différents personnages est passionnante. Les intrigues politiques et stratégiques transforment les rues et les quartiers de Naples en un véritable échiquier géant dans cette nouvelle saison.
Des mafieux romantiques ?
En situation de guerre, il n’est plus possible d’avoir des relations amoureuses ni de liens d’aucune sorte, tout peut devenir un point faible. (Gomorra, Roberto Saviano, Editions Folio, p.140)
La saison 2 permet d’aborder des thèmes plus intimes et s’intéresse notamment à la sphère de la vie privée des camorristes. Cet angle intéressant est abordé notamment à travers la fougue amoureuse de Genny Savastano avec Azzurra Avitabile. La série propose même une relecture habile de La Belle et la Bête avec les personnages de Don Pietro, replié sur lui-même dans sa tour d’ivoire, et son informatrice, Patrizia. Ces thématiques amoureuses et intimes seront explorées sous un angle plus trouble avec les personnages de Ciro Di Marzio et de Salvatore Conte. Le déchirement personnel de Ciro et ses tourments concernant son amour pour sa femme et sa fille ainsi que sa nécessité de fuir Naples feront naître en lui de véritables sueurs froides et des idées nihilistes. Ciro Di Marzio après la fin de la saison 1 est l’homme le plus recherché de toute la Campanie. Ses actes ont fait basculer à tout jamais le quotidien de sa fille et de sa compagne. Ils seront désormais traqués sans relâche par les Sicaires du clan Savastano. Cette trame narrative va permettre au personnage de Ciro de laisser une empreinte indélébile dans l’imaginaire des téléspectateurs. La performance du comédien Marco D’Amore est exceptionnelle et fascinante avec cette partition qui n’est vraiment pas facile à assumer et qui est proprement injouable une nouvelle fois pour cette saison 2. La face cachée du personnage de Salvatore Conte, assez insoupçonnée durant la saison 1, va être également dévoilée dans ces nouveaux épisodes. Ce pan de l’intrigue permet d’ailleurs de faire également un tabou dans les milieux criminels et dans les intrigues policières. Ce personnage fascinant, très porté sur la religion, mène la vie dure depuis une saison au clan Savastano.
Les femmes dans les griffes de la Mafia
Le rôle des femmes est plus que jamais central dans la saison 2 de Gomorra. Les scénaristes ont proposé différents portraits saisissants de personnages féminins pour ces douze nouveaux épisodes. Ces rôles démontrent encore une fois, par le prisme de la fiction, l’importance que les camorristes accordent aux femmes. Debora, la compagne de Ciro Di Marzio et Nina, la bien-aimée de Salvatore Conte, apportent des rebondissements saisissants et poignants au début de la saison 2. D’autres personnages féminins illuminent les nouveaux épisodes de Gomorra : de la jeune femme amoureuse du chauffeur de clan adverse, à la perfide camorriste qui contrôle une place de deal, sans oublier Azmera (la jeune femme noire à la tête d’un commerce et qui partage sa vie avec le brillant chimiste qui fait des merveilles), jusqu’à l’inoubliable Patrizia, qui sera au service de Don Pietro pendant sa cavale ubuesque. L’ensemble des comédiennes livrent une partition exceptionnelle, sublimée par une écriture ciselée et les détails diaboliques du scénario. Ces nouveaux personnages apportent une touche bénéfique à la série et interrogent sur le rôle des femmes dans la mafia et sur le féminisme. Ce rôle majeur des femmes dans la saison 2 est d’ailleurs lié aux conséquences des nombreuses arrestations et suite à la vague impitoyable d’assassinats. Les femmes se retrouvent alors en première ligne pour gérer les affaires du clan suite à la perte d’un proche ou lorsqu’un mari ou un frère est décédé ou emprisonné.
Sortez les mouchoirs !
Cette vague d’épisodes s’apparente à une saison lacrymale. De nombreux personnages trépassent. La violence franchit encre un nouveau cap dans cette saison expéditive sur la guerre des clans à Naples. Le rythme est beaucoup plus soutenu. Le sacrifice est une notion importante dans cette saison. De nombreux personnages traverseront de terribles rites de passage. Le désir et la peur ou bien encore Eros et Thanatos animent les camorristes cette saison. Ces nouveaux épisodes présentent des personnages aux multiples facettes qui se battent et luttent contre des démons intérieurs.
La saison 2 n’est donc pas un calque des douze premiers épisodes. De nombreux événements inattendus changeront totalement les protagonistes de la série, leur personnalité, leurs relations et leurs univers. Le foisonnement de personnages inédits et la violence expéditive de cette saison 2 pourraient déboussoler un grand nombre de fans de la toute première salve d’épisodes en 2014. Cette fièvre criminelle et sanguinaire qui touche les clans à Naples dans la saison 2 fait écho malheureusement à des faits réels évoqués dans l’ouvrage de Roberto Saviano (des vagues d’assassinats pour des contrôles de place de deals dans les années 1990 et 2000) et même à des faits divers (le règlement de compte à Duisbourg en Allemagne 2007).
La saison 2 est en effet assez impitoyable pour les nerfs des téléspectateurs. Certains choix au niveau du scénario sont très clivants. La violence froide et implacable de la saison 2 laisse bouche bée à de nombreuses reprises. La mise en scène de certaines séquences contribue à des moments cultes de la série (notamment la cérémonie religieuse avec Conte et la fusillade dans le restaurant en Allemagne).
« Je suis ton père ! »
Le final à couper le souffle fait partie des cliffhangers les plus intenses de l’année 2016 pour une série télévisée. L’ultime épisode s’apparente à une relecture camorriste survitaminée des scènes cultes entre Luke Skywalker et Dark Vador dans la trilogie Star Wars d’origine, signée George Lucas.
Le bémol concernant l’absence d’un véritable générique, qui forge généralement l’identité d’une série et marque à jamais les téléspectateurs, n’a malheureusement pas été corrigé pour cette saison 2. La bande-son de la série et les titres de musique urbaine, distillés tout au long des douze nouveaux épisodes, sont en revanche toujours de bonne qualité.
Stefano Sollima (la série Romanzo Criminale, ACAB, Suburra) a réalisé les épisodes 1, 2 et 3. Francesca Comencini (Une journée à Rome, La lumière du lac, Pianoforte, A Casa Nostra) a repris le flambeau pour les épisodes 4, 9 et 10. Claudio Giovannesi (Fiore, Ali à les yeux bleus) s’est attaqué aux épisodes 7 et 8. Claudio Cupellini (Une vie tranquille, Alaska) s’est consacré aux épisodes 5 et 6. Il s’est également chargé du final époustouflant de la saison 2 avec les épisodes 11 et 12.
Cette seconde saison a pu bénéficier d’un rythme un peu plus soutenu. Cette nouvelle plongée dans l’univers de la Camorra et dans l’enfer des quartiers sensibles de Naples laissera une empreinte assez indélébile aux spectateurs. Le niveau de violence a été également revu à la hausse. La série parvient malgré tout à se renouveler et tient toutes ses promesses. Le pari était difficile à relever après la qualité des douze premiers épisodes.
Tournée au printemps 2017, la saison 3 de Gomorra sera programmée dès le 17 novembre 2017 en Italie. Les rues de Naples vont être malheureusement encore une fois maculées par des rivières de sang. La guerre des clans s’annonce impitoyable. Un énorme twist, né sur Internet, pourrait bien concerner l’un des personnages principaux et réserver bien des surprises aux fans de la série et du FC Barcelone. Canal + devrait diffuser la saison 3 de Gomorra en France dans la foulée de sa programmation en Italie.
Les saisons 3 et 4 s’annoncent particulièrement passionnantes pour les amateurs de polars et de fictions policières. Cette série européenne, même si elle ne boxe pas dans la même catégorique que Game of Thrones ou The Walking Dead, parvient malgré tout à damer le pion aux grosses productions américaines par son réalisme, ses thématiques et ses qualités indéniables. La série Gomorra signe définitivement le grand retour de l’Italie avec des œuvres de fiction de qualité pour le septième art et le petit écran comme lors de l’âge d’or de CineCittà et des Poliziotteschi, le néo-polar italien, avec notamment les acteurs emblématiques comme Tomás Milián, Fabio Testi, Luc Merenda, Henry Silva ou bien encore Maurizio Merli.
Gomorra, en deux saisons, est devenue une nouvelle série de référence du genre policier et dans les fictions à tonalité dramatique. La qualité principale de ce programme tient essentiellement grâce à la force des personnages, à son côté authentique et à la toile de fond fascinante de la vie des quartiers sensibles à Naples. Gomorra met en scène de nouveaux modèles de gangsters beaucoup plus proches de l’action et du terrain. Ces mafieux de la série possèdent tous les codes de la rue sur le plan de leur mode de vie, de leur attitude, de leurs consommations licites et illicites ainsi que du vocabulaire.
Le succès de Gomorra en Italie est tel qu’un film parodique a vu le jour. Gomorroide est sorti en mars 2017 en Italie. Le film est une idée du trio Ditelo Voi, les humoristes napolitains Francesco De Fraia, Raffaele Ferrante et Domenico Manfredi.
Après son implication sur les adaptations de Gomorra au cinéma et pour la télévision, Roberto Saviano travaillerait actuellement à l’écriture d’une série télévisée sur la vie du colonel Mouammar Kadhafi.