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Doctor Who Saison 9: Critique Série

Difficile d’écrire une critique sur les nouvelles aventures du Docteur. Depuis son retour en 2005, la série phare de la BBC s’est démarquée par une originalité folle : des personnages variés et haut en couleurs, des images insolites et grandioses et surtout une qualité d’écriture irréprochable qui arrivait à rester intelligente dans son propos sans perdre de vue le jeune public auquel s’adresse la série.

Synopsis: Suite des aventures du Docteur, toujours accompagné de Clara.

Alerte enfance perdue

Seulement voilà, Doctor who est une série protéiforme qui a le changement inscrit dans son ADN. Les interprètes changent régulièrement, le ton aussi, les thèmes abordés sont souvent renouvelés, mais jusque-là toutes ces modification étaient menées avec une habilité impressionnante, même lorsque le showrunner laisse sa place à un autre (ce qui marque souvent le déclin d’une série). Et puis est arrivé l’essoufflement. La dernière saison de Matt Smith (la septième) en présentait déjà les premiers signes. Quelques épisodes intéressants seulement sur les treize que comporte une saison arbitrairement coupée en deux temps. Malgré son interprétation toujours inspirée, l’ère de Eleven était révolue, et l’arrivée de Peter Capaldi comme douzième incarnation du seigneur du temps s’annonçait comme le vent de fraîcheur qu’il fallait pour relancer la machine.

Malheureusement ce fut encore pire, et si nombre de critiques maintiennent que la huitième saison était de haute tenue, il ne faut pas se voiler la face, elle était ennuyeuse et fort peu inspirée. Peter Capaldi s’en tire avec les honneurs mais le reste ne suit pas. Les scénarios semblent déjà vus, l’intrigue générale se conclue sur un final ridicule au possible, certains personnages sont sous-exploités, et même des scénaristes rompus à l’exercice, tel Mark Gatiss, rendent des copies mal finies (le stupide épisode sur Robin des Bois). « Une saison de haute tenue » qui aura quand même fait décrocher nombre de fans pourtant fidèles. Les parents ont du faire une tête de six pieds de long en découvrant avec leurs enfants un épisode de Noël qui tenait plus d’Alien que de la magie des fêtes (malgré un sympathique caméo de Nick Frost en Père Noël). C’est là le problème majeur de l’ère Steven Moffat : A force de vouloir réinventer la série, il perd de vue ses thématiques les plus importantes, et par translation le public qui autrefois le suivait dans tous ses délires. Et cette nouvelle saison n’est qu’une continuation de ce travail de sape involontaire.

Les bon points à retenir ? Le jeu de Capaldi s’affine et il compose un docteur tout à fait crédible, avec ses délires bien à lui et une personnalité propre. C’est tout. Pour le reste, les épisodes défilent et se ressemblent, tentant d’emmener la série dans un univers plus sombre avec des personnages meurtris par les drames de leur vie. Autant dire que dans le genre hors-sujet total Moffat se pose là. Le showrunner roi veut des scénarios complexes (pour ne pas dire sans queue ni tête) et des émotions adultes. Les thèmes abordés sont ceux du deuil, de la violence, de la dépression… Ambiance garantie pour le dîner. Nous pourrions reprendre un par un les épisodes pour déterminer ce qui va où ne vas pas dans chacun d’eux, mais la qualité de l’ensemble est assez constante et tout cela ne vole pas très haut. Une succession agaçante d’intrigues alambiquées et de tentatives avortées de « mindfuck » dont raffolent les geek. L’épisode Before the Flood est en soi représentatif de cette tendance, nous exposant avec prétention le paradoxe de l’écrivain. La série veut jouer au plus malin avec nous ? Soit, mais il ne faut pas gratter longtemps pour se rendre compte que toute ces élucubrations métaphysiques ne sont qu’un écran de fumée qui tente de cacher le vide du scénario. Pareil pour Sleep no more qui, en plus de repomper Blink, justifie de façon débile son utilisation du found footage. Si encore il restait un peu d’humour pour décoincer tout ça…

Doctor who souffre finalement du même problème que ses contemporains, les super-héros américains. Ceux qui ont grandis en découvrant leurs aventures refusent d’admettre que leurs héros furent d’abord créés pour le jeune public. Ils reprennent donc les rennes de leur personnages fétiche pour l’assujettir à leurs nouveaux délires. Ils aiment Doctor Who mais ont peur d’être trop grands pour en assumer le côté enfantin ? Pas de problème, il suffit de changer deux ou trois (ou milles) petites choses pour réadapter tout ça et rendre la série « adulte ». Les intrigues sont complexifiées jusqu’à l’overdose, les thèmes abordés sont plus graves. Et surtout, la série ne doit plus parler qu’à ses fans, et faire de constants retours sur elle-même. Nous avons donc droit à une introspection psychanalytique d’un méchant récurent et l’apparition usée jusqu’à la corde de Maisie William, actrice-phare de la série Game of Thrones. Pendant ce temps là, fini les découvertes de civilisations délirantes ou les voyages dans le temps amusants à la rencontre de personnages historiques connu. Les enfants doivent être ravis !

C’est le nouveau mal de la sacro-sainte culture geek, cette obsession égocentrique qui consiste à transformer tout et n’importe quoi en contenu « mature ». Le sexe et la violence sont placés sur un piédestal, tandis que le rêve et le regard enfantin sont regardés de travers, raillés, ridiculisés et ostracisés (que celui qui n’a jamais utilisé le mot « gamin » dans un sens péjoratif pour designer un film me jette la première pierre). Il en découle des œuvres bâtardes trop sombres pour plaire aux enfants, trop puériles pour intéresser les adultes. Oui Doctor Who était kitsch, enfantine, parfois un peu too much dans ses bon-sentiments, plus pop que rock…Mais c’est ce qui faisait son charme et qui lui permettait de rassembler aussi bien les enfants, les adultes, les gay, les geeks et tout les autres devant la télévision. Un public exceptionnellement varié pour une série pareil qui ne trouve son équivalent que dans la première époque de Star Trek. Aujourd’hui elle n’est plus que l’ombre d’elle même, plate et ennuyeuse. Une série de S-F geek comme les autres, qui s’obstine a gratter sa fanbase dans le sens du poil avec des easter egg faciles, mais ne fait plus rêver personne depuis deux ans.

Fiche Technique: Doctor Who

Titre original : Doctor Who
Genre : Aventure, Science fiction
Créateur(s):Steven Moffat (depuis 2008)
Pays d’origine : Royaume-Uni
Date : 2005
Chaîne d’origine : BBC
Épisodes : Beaucoup…
Durée : 50 minutes
Statut : en cours
Avec : Peter Capaldi, Jenna Louise Coleman…

Redacteur LeMagduCiné