Olivier Marchal a construit sa carrière ciné autour du personnage du flic. Un type avec des couilles qui ne s’en laisse pas conter, corrompu, fidèle à son boulot, prêt à mourir. En effet, souvent, un bon flic est un flic mort chez Marchal. Ce regard rempli de testostérone a atteint son paroxysme en octobre sur Netflix avec Bronx. On ne sait plus vraiment où se situe le regard d’un réalisateur qui a été dans les rangs de la police pendant quatorze ans. Une chose est sûre : l’autopsie est brutale.
Borderline
Dans Bronx, son dernier film en tant que réalisateur, Olivier Marchal a mis tout ce qui fait son cinéma : des flingues, des mecs corrompus et beaucoup de morts. Déjà dès son premier court métrage, Un bon flic (tout est dans le titre!), le pitch se terminait ainsi : « il est un homme que son métier a englué dans le cynisme, Ia perversion et le mal ». Voilà donc pour Marchal où mène une carrière dans la police : droit dans le mur. En apparence cependant, tout est merveilleux. En effet, dans Bronx, tout commence à Marseille avec un Jean Reno rayonnant que l’on découvre vite corrompu parmi les corrompus. On est loin du dernier Bac Nord de Cédric Jimenez (déjà auteur de La French) où c’est le système judiciaire qui se retourne contre des policiers qui veulent juste faire leur travail, même très maladroitement. Deux visons très tranchées où le flic n’a d’autre choix que de se battre seul contre tous. Chez Marchal cependant, cela flirte très souvent avec la caricature tant aucun personnage ne semble trouver le repos ou exercer son métier de manière un tant soit peu normale. Tout part toujours d’un constat étrange : comment un bon flic se retrouve-t-il de l’autre côté de la barrière (voir Borderline avec Bruno Wolkovitch) ? Peut-être parce que le regard de Marchal est trop tranché et que le « bon flic » ou « l’homme irréprochable » (comme celui qui assassine toute sa parfaite famille avant de se flinguer lui-même au début de Bronx) n’existe pas. Et si finalement Olivier Marchal courrait après une chimère depuis 23 ans ?
Tous les mêmes
Même les personnages féminins (mention spéciale à Barbara Opsomer alias Barbara Leonetti toujours dans Bronx) sont calqués sur ceux des hommes. Ils sont l’objet des blagues/regards machistes des hommes avant de se révéler plus couillus qu’eux. Comme si être flic c’était simplement un jeu de gros bras, un état d’esprit violent dès la naissance. L’étude des films d’Olivier Marchal révèle en tout cas que la question des violences policières n’est pas vaine puisque cette même violence semble suinter partout : dans les pores de la peau des voyous comme des flics (d’une scène à l’autre les rôles peuvent d’ailleurs être inversés) comme dans les décors qui entourent les personnages. Ainsi, Jimenez comme Marchal n’ont pas choisi Marseille pour rien. En 2009, on retrouvait ainsi dans Braquo (deux ans avant Polisse) Karole Rocher dans le rôle d’une policière très à cran (il serait intéressant de compter le nombre de coups de feu tirés dès le premier épisode) qui hurle tout le temps et ne se pose jamais. Un rôle très différent de celui qu’elle endossera dans Polisse de Maïwenn où son personnage est très féminisé pour « rassurer » les enfants de la brigade des mineurs. Au final, les personnages à la Marchal sont un peu tous les mêmes, interchangeables.
No country for old cop
Pour finir cette autopsie du flic à la Marchal, on pourrait presque dire que la violence y est racoleuse. Si elle est là tout le temps, partout, sans fin, c’est qu’elle devient comme un fantasme du réalisateur. Il n’y a donc pas de terre d’accueil viable pour un flic autre que le tombeau. C’est un peu triste de faire du cinéma pour en arriver sempiternellement à cette même conclusion, sans relâche. Cependant, l’effet est comme contre-productif puisque Marchal prétend défendre les policiers, pardon, les « mecs » dans son discours, mais semble faire l’inverse dans ses films qui ressemblent à des bains de sang. En effet, dans une interview en juin 2020, il déclarait : « J’aime les flics, et je suis là pour dire que j’aime les flics et que ce métier, je le respecte ». Mais de quel métier parle-t-on vraiment ? On a une pensée émue pour des séries comme Engrenages qui mettent en avant aussi bien les failles que le travail minutieux des policiers et ce en tenant sur huit saisons. Là aussi la question de la violence est posée, mais de manière légitime, argumentée et non juste spectaculaire.
Certes, Olivier Marchal juge le cinéma français trop « lisse » et tente ainsi avec ses films de restaurer de l’aspérité, des « gueules » comme il le dit lui-même. Le voilà donc enfermé dans une vision très binaire du monde où il faut tout casser pour faire aboutir son point de vue mais où il ne faut surtout pas donner d’opinion autre que cette violence au service de la dénonciation, au risque d’être un « donneur de leçons ». Et la police dans tout ça ? Marchal semble passer à côté, un peu à l’image de Police d’Anne Fontaine ou à force de tout décontextualiser, rien n’a plus d’autre sens que le vide abyssal. Le cinéma français n’a d’ailleurs pas attendu Marchal pour s’exprimer et parler des flics avec des films comme L. 627 de Bertrand Tavernier (quelques années avant le début de carrière de Marchal).