La nature au cinéma n’est pas toujours que « luxe, calme et volupté » et ce ne sont pas les héros d’Into the wild, La vie pure ou encore The lost city of Z qui diront le contraire. La nature devient alors pour eux un territoire de solitude. Pourtant, ils partaient en quête de gloire ou de bonheur et se retrouvent face à eux mêmes et au besoin de partage. De quoi nourrir notre cycle sur la nature au cinéma.
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Elles sont seules dans leur maison, entourées d’une menace. Des femmes se battent pour leur vie, recluses dans un espace restreint, dangereux, qu’elles souhaitaient pourtant « à l’état sauvage ». L’Etat sauvage est le titre du film de David Perreault. Ici, c’est moins la quête de nature qui est recherchée que la fuite. Pourtant, la recherche absolue d’une quiétude auprès de Victor, ancien mercenaire chargé de les protéger, tourne court. Le danger est partout, tout le temps. Ce n’est pourtant pas la nature ici qui est hostile mais l’homme. C’est d’ailleurs le monde des hommes que Christopher (Into the wild) veut quitter en entamant une véritable communion avec la nature. Cependant, il est désormais établi que le héros comprend trop tard que le bonheur ne vaut que s’il est partagé. S’il parvient à vivre pleinement sa quête, il ne prévoit pas de retour et s’en mord les doigts. Pourtant, dans ces deux cas, que la nature est belle !
Aimer
C’est certainement ce que pense Mud (Mud, sur les rives du Mississipi) lorsqu’il se réfugie sur une île du Mississipi sur laquelle il rencontre deux jeunes garçons. Cependant, ce bateau qui doit aider Mud à quitter l’île dont il rêve de s’extirper, lui permettra-t-il d’échapper à son destin ou plutôt son passé ? Sa vie sauvage à lui se transforme en une formidable quête d’amour qui affaiblit encore une fois la force de la nature qui, en isolant Mud, l’écarte de son désir d’autrui. Il y a une certaine forme de méfiance et de survie qui deviennent le leitmotiv de Mud. Tout cela cristallisé dans le film par un fossé rempli de serpents très venimeux. Cette nature qui isole est encore plus symbolisée dans Le mur invisible. Le film met en scène une femme autrichienne qui du jour au lendemain se trouve isolée du reste du monde, séparée par un mur invisible. Elle peut donc continuer à voir le monde, un peu comme Christopher au gré de ses rencontres, mais s’en éloigne de plus en plus dans un même mouvement.
Disparaître
C’est pourtant par la nature et seulement par elle qu’arrivera la survie, paradoxalement. Encore faut-il échapper à la folie. Ce n’est malheureusement pas le cas de deux personnages ayant consciemment choisi de se consacrer à une quête extrême de nature. Un rêve inatteignable que ces deux êtres s’acharnent à vouloir cueillir à tout prix. Or, ce ne sont pas les roses de la vie qu’ils trouvent mais eux-mêmes, sans cesse. Ils retournent à eux-mêmes et à leurs limites. Le héros de La vie pure s’efface ainsi peu à peu, il est avalé littéralement par la nature. C’est la perte de son corps qui devient famélique qui lui fait perdre la raison. Par un procédé assez magique, la caméra tournant littéralement autour de Raymond Maufrais, le réalisateur retranscrit cette disparition soudaine. L’homme a laissé derrière lui des carnets qui retracent son expédition. Il a disparu tout simplement, enfin on ne sait pas vraiment ce qu’il est advenu de lui. Le corps n’est pas grand chose lorsque la nature s’impose. C’est exactement ce que démontre Guillaume Nicloux avec Valley of love. En insérant Gérard Depardieu dans le décor de la vallée de la mort, il met ce corps massif, imposant, infatigable, face à des limites indépassables. Et même la mort n’y résiste pas, l’amour non plus d’ailleurs.
Le second personnage à sombrer dans la folie en pleine nature est celui de Percy Fawcett dans The lost city of Z. Là encore il s’agit d’une quête, d’une histoire vraie, un explorateur à la recherche effrénée non plus d’une vie pure mais d’une civilisation mystérieuse, qui va laisser de côté l’amour des siens, pour se perdre. A l’aise dans la nature, Fawcett perd cependant la raison car moqué mais sûr de sa découverte. Peu à peu, son corps à nouveau s’éteint dans la nature, il se laisse disparaître en son sein. Le territoire de solitude de nos personnages ne cesse de s’agrandir au fil de l’avancée de l’histoire filmée. On retrouve donc un Gérard Depardieu perdu dans un dédale de désert, et aucun d’eux n’est un petit poucet et ne pense à semer des petits cailloux. Tous se fondent dans le décor et n’en ressortent plus jamais tout à fait humains, de quoi donner libre cours à une caméra qui devient nature elle-même et à une humanité qui n’a d’autre choix que de s’incliner. Les barrières sont toutes tombées, le cinéma a brisé le mur, même invisible, qui séparait l’homme de son état sauvage. Il l’y a fondu totalement pour conter des quêtes dont on ne sort pas indemne.