Avant même sa sortie du film en salles, Un français faisait parler de lui comme un film polémique.
Synopsis : Dans les années 80, à Nantes, le jeune Marco Lopez s’amuse avec sa bande de skinhead à fustiger violemment les minorités. Tandis qu’il s’éloigne doucement des idéaux haineux de ses amis, Marco tente de se reconstruire mais ne réussit qu’à s’isoler.
Un buzz et un scandale mérités ?
C’est le refus de certains distributeurs d’organiser des avant-premières, par peur de réactions violentes de groupuscules d’extrême-droite qui se sentiraient visés par le film, qui a posé la question du caractère tabou de la violence raciste en France et sa représentation. Un débat d’autant plus important d’être posé que l’on a constaté, ces dernières années, que le racisme est devenu le ressort comique le plus attractif du cinéma français (les meilleurs exemples en sont Case Départ et évidemment Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu) alors que la dénonciation de la haine de l’Autre suscite toujours des remous médiatiques. La bien-pensance et l’hypocrisie du 7ème art hexagonal vis-à-vis de la question de la xénophobie risquaient donc d’être égratignées par le second film de Diastème (sept ans après Le bruit des gens autour). De quoi attirer la curiosité des cinéphiles. Et pourtant, la sortie du film s’est déroulée sans accroc, et il a été distribué dans un nombre de salles respectable pour une petite production.
Ce que nous propose le film est le parcours d’un homme que l’on découvre dans son adolescence comme un individu ultra-violent et détestable. Grâce à des plans-séquences maîtrisés, ces premières minutes réussissent à nous plonger dans les virées brutales de ce groupe de néo-nazis avec un réalisme certain et un pouvoir immersif sidérant. La poursuite de cette narration se construit en découpant la vie de Marco à grands coups d’ellipses. Le résultat d’une telle construction, qui plus d’une fois nous perd dans la temporalité des scènes, nous obligeant parfois à rechercher des repères divers et variés (allant des campagnes politiques aux émissions de télé en passant par les événements sportifs), est que le scénario ne fait que se concentrer sur les grandes étapes et événements marquants de la vie de Marco sans jamais pouvoir prendre le temps de développer en profondeur son évolution psychologique. Celle-ci nous est de fait présentée de manière factuelle, donnant au long-métrage un aspect didactique regrettable.
C’est finalement moins la volonté de rédemption de Marco, argument rendu candide par son manque d’approfondissement moral, que le parcours de ses amis qui alimente le discours politique du long-métrage. Entre la séropositivité de son ami devenu héroïnomane, le meurtre d’un autre par un punk ou encore l’incarcération du plus violent de la bande après un assassinat insoutenable, la façon dont l’entourage de Marco parait condamné à disparaître donne au propos un air de nihilisme. Mais c’est surtout en voyant le leader de ces skinheads opter pour un militantisme plus policé mais non moins virulent, que Diastème s’attaque frontalement au Front National en démontrant que, derrière sa politique de dédiabolisation, le parti de Marine Le Pen reste un repère d’anciens criminels uniquement animés par la haine la plus primaire. Une démonstration un peu explicative certes mais assez efficace.
La réussite du film doit beaucoup à la prestation d’Alban Lenoir, tout aussi crédible dans ses passages rageurs que dans la retenue de la maturité. Tandis que la bande-annonce pouvait laisser craindre une réalisation aux allures de téléfilm, la qualité de l’image est une bonne surprise. La mise en scène s’accorde parfaitement à la brutalité qu’elle dénonce. Le réel problème formel est donc bien cette construction narrative ultra-découpée qui s’emploie à nous exposer des morceaux de vie plutôt que d’approfondir les choix de son personnage.
Un Français est donc une œuvre inaboutie dans le sens où elle ne réussit qu’à aborder de façon superficielle la problématique de la haine raciste alors que celle-ci aurait mérité d’être étudiée de façon plus subtile en disséquant les origines psychologique d’une telle bêtise et l’organisation de ces mouvements fachos comme avaient pu le faire, dans leur pays respectif, Made in Britain ou American History X. Pourtant, sa façon de suivre les parcours –sur plus d’un quart de siècle– d’individus méprisables parvient à nous faire comprendre le cheminement de certains membres du FN ou de la Manif pour tous.
Un français : Bande-Annonce
Un Français : Fiche Technique
Réalisation: Diastème
Scénario: Diastème
Interprétation: Alban Lenoir (Marco Lopez), Samuel Jouy (Braguette), Paul Hamy (Grand-Guy), Jeanne Rosa (Kiki), Lucie Debay (Corinne)…
Image: Philippe Guilbert
Décor: Riton Dupire-Clément
Costume: Frédéric Cambier
Son: Jean-Marie Blondel
Montage: Chantal Hymans
Producteur: Philippe Lioret, Marielle Duigou
Production: Fin Août Productions, Mars Films, France 3 Cinéma
Distributeur: Mars Films
Genre : Drame social
Durée: 1H38
Date de sortie: 10 juin 2015
France – 2015