John Lee Hancock, réalisateur qui s’est spécialisé dans l’adaptation des histoires vraies, s’intéresse à la traque de Bonnie & Clyde en prenant le point de vue des forces de l’ordre. En résulte un film bien plus sage et classique que le long métrage culte d’Arthur Penn sorti en 1967 et qui s’intéressait déjà aux deux hors-la-loi. The Highwaymen entre donc dans le rang, et même s’il est plus fidèle au réel, il finit par manquer d’un vrai souffle de cinéma.
Synopsis : La traque de Bonnie Parker et Clyde Barrow par les deux enquêteurs légendaires Frank Hamer et Maney Gault. Devant l’impuissance des techniques d’enquête de l’époque et du FBI, les deux Texas Rangers sortent de leur retraite et s’en remettent à leur instinct et leurs méthodes traditionnelles pour arrêter les criminels les plus recherchés d’Amérique. Si les hors-la-loi ont fait les gros titres, les hommes de loi sont entrés dans l’Histoire.
Ayant débuté sa carrière en tant que scénariste, notamment pour Clint Eastwood, John Lee Hancock a développé un sens très classique et solennel du cinéma. Il n’est donc pas étonnant que lorsque ce dernier passe derrière la caméra, il suive le chemin de ce cinéma très américain et grandiloquent. Ses films sont souvent un peu lourds et toujours à la traîne par rapport à des cinéastes qui savent bien mieux bousculer les codes que lui, comme lorsqu’avec son dernier film, The Founder, il avait voulu surfer sur le biopic subversif initié par Scorsese avec Le Loup de Wall Street. Ici, avec The Highwaymen il retourne à ses premiers amours en signant un western moderne très emprunt du cinéma d’Eastwood. Mais s’attaquer à Bonnie & Clyde, c’est aussi se confronter à la comparaison du célèbre film d’Arthur Penn, oeuvre qui avait créé la controverse et poussé le cinéma vers des horizons plus libres. Un cri irrévérencieux, un geste de révolte qui marqua le cinéma et le fit trébucher de ses fondations où le hors-la-loi n’était plus vil, mais une icône de glamour.
Un aspect que The Highwaymen vient confronter, montrant l’engouement que ce couple de hors-la-loi a créé auprès du public, mais aussi en prenant la démarche inverse du film de Penn. Dans le film de 1967, le Ranger Frank Hamer était présenté comme un incompétent humilié par Bonnie & Clyde, alors que ces derniers étaient humanisés et icônisés en héros tragiques. Lee Hancock prend lui le parti de traiter les deux personnages comme des silhouettes, totalement déshumanisées et mutiques, dont les visages et les voix ne seront vus ou entendus que lors de deux courtes séquences. Un moyen de mettre en avant la violence de leurs crimes, mais cela a aussi pour cause de plonger le film dans un manichéisme redondant. Plus encore, rien dans son écriture ne le fera dévier des chemins attendus que ce soit dans la caractérisation des personnages, leurs relations ou leurs parcours. The Highwaymen est balisé du début à la fin, et la représentation des vieux flics sur le retour, considérés par la jeune relève comme des has been, mais qui finissent par réussir là où les autres ont échoué, devient un peu agaçant. Surtout que cela passe toujours par la représentation de la vieillesse comme symbole de sagesse, là où les jeunes sont tous des imbéciles imbus d’eux-mêmes, ou des incompétents qui ne connaissent rien.
Un portrait antipathique qui n’aide jamais le propos du film, qui passe un peu trop souvent pour une œuvre réactionnaire. En témoigne le personnage principal caricatural, incarnation sans nuance du flic bourru et mutique. Heureusement que son collègue s’avérera plus nuancé et dessine un portrait touchant d’un homme brisé par la vie et qui cherche une dernière opportunité de donner un sens à son existence. Porté par un Woody Harrelson à l’humanité et au naturel débordant, il éclipse un Kevin Costner qui campe trop sur son image et signe une performance insipide. Néanmoins le contraste du duo fonctionne bien, leurs dialogues sont souvent incarnés et les acteurs ont une bonne alchimie. Le récit possède donc des longueurs et des maladresses mais sait aussi servir de jolis moments, notamment dans sa conclusion plutôt habile qui brise un peu le voile manichéen qui avait été mis en place jusque là. Faisant directement écho au film de 67, la scène de fin revient humaniser avec intelligence ses hors-la-loi dans un éclat d’effroi et de violence qui tourne presque au ridicule. Dans un écrin plutôt amer, John Lee Hancock offre une conclusion trouble où les questionnements s’imposent. Il évite toute gloire et met tout le monde à la même place, celle d’individus embourbés dans une violence qu’ils ne maîtrisent plus. Il arrive d’ailleurs à enrober son film d’une mise en scène classique mais élégante, à la réalisation impeccable où les quelques sursauts d’action du récit sont maîtrisés de manière convaincante.
The Highwaymen ne chamboule jamais son genre ni le cinéma, il reste constamment un film bien trop classique et balisé pour vraiment passionner. On peut se dire qu’une telle histoire aurait mérité mieux, mais avec son mélange efficace d’humour léger, de drame tendu et d’action contrôlé, il s’impose comme un divertissement plaisant qui saura satisfaire un large public. Son casting charismatique, sa réalisation impeccable et sa jolie conclusion aidant souvent à faire passer la pilule de son ventre mou et de son récit un peu trop statique. The Highwaymen est l’incarnation de l’image que l’on se fait du petit film du dimanche soir, celui qui passe le temps et dont on ne demande pas plus car il n’aura au final rien d’autre à offrir.
The Highwaymen : Bande-annonce
The Highwaymen : Fiche technique
Réalisation : John Lee Hancock
Scénario : John Fusco
Interprétation : Kevin Costner, Woody Harrelson, Kim Dickens, Kathy Bathes, John Carroll Lynch & Thomas Mann
Photographie : John Schwartzman
Montage : Robert Frazen
Musique : Thomas Newman
Décors : Michael Corenblith
Costumes : Amy Krebsbach
Producteur(s): Casey Silver
Société de production: Casey Silver Productions
Distributeur : Netflix
Durée : 2h12
Genre : Policier
Date de sortie : 29 mars 2019
ÉTATS-UNIS – 2019