Ce n’est un secret pour personne: Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu est une suite qui poursuit la logique humoristique et faussement populaire du premier volet. Mais cette fois-ci, en allant encore plus loin dans sa démarche d’écriture, et dans la grossièreté de ses vannes qui fusent comme le brouhaha d’un marteau piqueur dans nos oreilles, le film de Philippe de Chauveron atteint le paroxysme d’une fainéantise mais aussi, et surtout, la limite d’un système fermé sur lui-même.
Jamais un film, aura été autant synonyme de fermeture d’esprit et de marivaudage, de confusion identitaire. Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu détient tous les ingrédients de la comédie populaire comme on en voit beaucoup sur les écrans des salles de cinéma françaises: des grandes figures du cinéma ou de l’humour français qui ressemblent à des dinosaures en voie d’extinction, des jeunes humoristes avec le label Jamel Comedy Club ou TPMP inscrit en gros sur leur front, une écriture qui s’inspire du Stand Up et non du cinéma, une mise en scène qui se noie dans les produits made in TF1, des personnages servant de bouclier communautaire et un happy end faussement fédérateur et bienfaiteur.
Mais ça, vous me direz, on le sait déjà depuis longtemps, vous comme moi. Mais le problème ne situe pas dans ce versant-là de la pauvreté cinématographique du film ; car des comédies qui s’attellent plus à être des publicités télévisuelles et non de réelles démarches cinématographiques, il en existe et existera de tout temps. De ce fait, il est presque tout aussi hypocrite voire cynique de dénoncer un système connu d’avance et établi sur des bases qui auront du mal à changer. Pourtant populaire ne signifie pas forcément grotesque ou forcé dans ses intentions : il n’y a qu’à voir les comédies d’Éric Toledano et Olivier Nakache pour s’apercevoir que large public et comédie à grosse audience peuvent faire aussi bon ménage.
Non, qu’on se le dise bien, le gros soucis de Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu provient du fond et non spécifiquement de la forme. Le fond, qui se veut moderne, en disséquant les habitudes de notre société, qui voudrait étayer les stigmates de notre environnement français, qui se veut l’étendard d’une forme de comédie qui parle de tous les sujets sans tabou avec comme slogan: « on a le droit de rire de tous, et surtout, contre tous ». Le genre d’œuvre qui te martèle qu’en France, on ne peut plus rien dire et que ça fait aussi bien du balancer quelques clichés sur chacun, histoire que chacun reste à sa place et que l’intégration sociale de nos minorités passe aussi par le biais de quelques écarts de conduite de nos chers français, comme si cela faisait partie du jeu de l’acceptation. Ça c’était le revers de la médaille du premier.
La suite, celle qui nous intéresse dans cet article, décline son étude de cas, en une version encore plus grinçante avec cette idée que les 4 filles Verneuil et leur époux veulent quitter la belle France pour des contrées étrangères. A partir de cette « traîtrise » , le film va lâcher les chevaux et le couple Verneuil va utiliser tous les stratagèmes pour montrer à ses gendres et nous spectateurs, que la France est un magnifique pays. Dans l’intention, la volonté est louable, ce n’est pas un problème que de présenter les avantages d’un pays, même si l’argumentaire avancé est quelque peu fallacieux et paraît déjà poussiéreux et loin du contexte actuel du mouvement des gilets jaunes face à la France de Macron. Le problème provient de la méthode, celle qui consiste à écraser l’autre, à se moquer d’autrui, à propager des âneries, et à fonder sa pensée en nous faisant comprendre que les pays qui nous entourent n’ont aucune beauté et sont loin d’être des havres de paix.
Les voyages des Verneuil dans les familles de leurs gendres se finissent obligatoirement par des problèmes de gastros ou de chiasses carabinées, des crachats sur les chaussures ou le manque d’hospitalité de quelques « barbus ». C’est autant paradoxal de voir un film qui base son écriture et sa « mythologie » sur le bon vivre-ensemble malgré les différences et qui se donne tous les moyens pour défourailler tout ce qui bouge, de mettre sous le tapis tous les problèmes liés au racisme et tout ce qui est hors de nos frontières, comme si le français n’avait aucune possibilité de s’épanouir ailleurs, comme si l’ouverture vers l’autre, n’était pas une main tendue mais plus une gifle dans la tronche. Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu tente de parler avec drôlerie de notre peur de l’autre avec l’épouvantail du réfugié, qu’on avait déjà remarqué dans A bras ouverts, mais se vautre dans toutes les largeurs, tout comme son imagerie de l’homosexualité, qui n’est autre qu’un simple gimmick malgré l’hommage assez comique à Taubira, un arc narratif servant de clivage entre une fille et son père, et de malaise dans une famille.
Mais tout se finit pour le mieux selon Philippe de Chauveron: le père ira au mariage de sa famille lesbienne, non pas parce qu’il est fier d’elle et de ce qu’elle représente, mais parce qu’il y a de la tarte tatin au buffet (sic). Et c’est là, qu’on se rend compte que le film n’utilise que le clivage et la bataille de préjugés entre les uns et les autres pour exister et continuer sa route ; se sert d’une certaine forme de la libéralisation de la parole clivante pour s’affranchir de sujets qu’il ne maîtrise pas, voire qu’il méprise. Des comédies qui ne rigolent pas avec l’autre mais contre l’autre, qui dans un sens veulent bien faire, en rassemblant derrière une France multicolore, mais qui en oublient les fondamentaux de la tolérance. Cependant, le film pose un autre cas de conscience.
On le répète, des films de cet acabit-là, idiots et médiocres, il en existera toujours et ce serait trop simple de tirer bassement sur l’ambulance. Mais il ne faut surtout pas associer cinéma français à ce genre de films. Comment se fait-il que dans une époque comme la nôtre, celle des réseaux sociaux, où tout se sait en l’espace de quelques minutes, que certaines personnes pensent encore que le cinéma ne contient aucune richesse. Comment se fait-il que des personnes utilisent ce genre de comédie pour ne pas voir qu’il existe des Bertrand Bonello, Bertrand Mandico, des Gaspar Noé, Claire Denis, Leos Carax, Jacques Audiard, Romain Gravas, ou autres Xavier Legrand et bien d’autres dans la sphère cinématographique française.
Car le cinéma français a de nombreuses ressources comiques comme l’a prouvé l’année 2018 : Le Grand Bain de Gilles Lelouche avec son autodérision des corps et ses chutes humoristiques bienveillantes, avec En Liberté qui fait autant rire que pleurer avec son ambition de parler des gens aux destins brisés, ou Le Monde est toi de Romain Gavras qui s’amuse des codes visuels de la banlieue pour les démystifier et les sacraliser de manière outrancière. Oui le cinéma français n’est pas dans le coma artificiel et déploie de manière plus récurrente toutes ses qualités grâce à des films cités ci-dessus. Ce qui n’est pas le cas de Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu.
Bande annonce – Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu
Synopsis : Le retour des familles Verneuil et Koffi au grand complet !
Claude et Marie Verneuil font face à une nouvelle crise.
Leurs quatre gendres, Rachid, David, Chao et Charles sont décidés à quitter la France avec femmes et enfants pour tenter leur chance à l’étranger.
Incapables d’imaginer leur famille loin d’eux, Claude et Marie sont prêts à tout pour les retenir.
De leur côté, les Koffi débarquent en France pour le mariage de leur fille. Eux non plus ne sont pas au bout de leurs surprises…
Fiche technique – Qu’est ce qu’on a encore fait au bon Dieu
Réalisation : Philippe de Chauveron
Scénario : Philippe de Chauveron
Musique : Marc Chouarain
Photographie : Stéphane Le Parc
Décors : Olivier Seiler
Montage : Alice Plantin
Sociétés de distribution : UGC distribution
Durée : 1h39 minutes
Genre : Comédie
Dates de sortie : 30 janvier 2019 (FR)