Synopsis : Lors d’un voyage en Allemagne, un jeune professeur, Nathan Fabre, découvre au camp de concentration de Buchenwald la photographie d’un détenu dont la ressemblance avec son propre père, Adrien, le stupéfie. De retour en France, le souvenir de cette photographie ne cesse de l’obséder. Face au silence de son père, il décide alors de se pencher sur l’histoire de sa propre famille. Les secrets qu’il y découvre bouleversent son existence. À l’issue de sa quête, Nathan comprendra que le passé, même enfoui au plus profond des mémoires, finit toujours par ressurgir…
Un drame familial et historique sans réelle tension
La déportation et les camps de concentration ne sont pas des sujets anodins dans le monde du cinéma. De nombreux réalisateurs s’y sont frottés, transposant pour la plupart du temps des films bouleversant de justesse, d’un réalisme minimaliste notable, mais surtout d’un point de vue particulier. Que ce soit La Liste de Schindler de Spielberg et sa portée universaliste, Amen de Costa Gavras et la Shoah vu du côté allemand, ou encore La Vie est belle de Roberto Benigni et sa drôlerie douce-amère, tous ont su par leur point de vue particulier se démarquer les uns des autres pour décrire cette sombre période de l’Histoire. Même Le Fils de Saul de Laslo Nemez, Grand Prix du Festival de Cannes 2015 et Oscar 2016 du Meilleur Film Etranger, et de surcroît véritable coup de poing à l’estomac, a réussi son pari, par son audace à ne quasiment rien montrer au premier plan et pourtant à capter toute la monstruosité se proliférant au cœur même des camps.
Face à ces nombreux exemples et ce sujet fort, on ne peut reprocher à Elie Chouraqui sa volonté de proposer sa vision des camps. L’adaptation du livre L’Origine de la violence de Fabrice Humbert, qui a collaboré à l’écriture du scénario, était donc l’occasion pour lui de s’y attarder. Et d’entrée de jeu, il souhaite appliquer à son drame une atmosphère oppressante : voix off inquiétante, générique en caractères rouge sang, notes de musiques ponctuelles et stressantes, désaturation des couleurs… Malheureusement, cela ne durera que les cinq premières minutes du film. En effet, ce dernier est principalement plombé par une extrême banalité et une absence totale de point de vue dans la conduite de son récit. Cela se reflète principalement à deux niveaux :
Dans son scénario tout d’abord. Chouraqui transpose directement le livre caractérisé par la fameuse thématique de la petite histoire dans la grande, à travers la recherche menée par le héros des origines de sa famille, ayant pour point de départ la déportation. En effet, sa quête de vérité et sa soif de réponse constituent l’enjeu principal du long métrage. La résolution de ce drame familial est sensée maintenir l’intérêt du spectateur tout au long du film. Sauf que le récit est malmené par le piège de la prévisibilité. Les raisons mêmes de ce drame sont facilement identifiables dès la moitié du long métrage, entraînant ainsi toute annihilation de l’impact dramatique qu’auraient dû produire ces révélations. Cette banalité du dénouement et du récit en général n’est en rien aidé par ses personnages. Parfois inutiles (la petite amie du personnage principal, jouée par Miriam Stein, ravissante au demeurant mais totalement anecdotique), parfois en sur-jeu constant (César Chouraqui), ils sont globalement monolithiques et inintéressants à suivre. Mention spéciale à Stanley Weber, qui est pourtant le héros : ne donnant jamais suffisamment de corps à son personnage, ne lui procurant aucune réelle tension ou de moment où son mal-être explose, le spectateur est donc en constante distance avec ce dernier, n’éprouve aucune empathie, et n’a cure par le fait de découvrir le mal être du héros, et l’origine de sa violence, enfouie, intérieure. Seuls Richard Berry et Michel Bouquet, brillants par leur sobriété, s’en tirent avec les honneurs.
Dans sa réalisation ensuite. D’un académisme ronflant, aucune idée de mise en scène ne vient alimenter les 110 minutes proposées par le long métrage, que ce soit pour les deux parties décrites. Celle contemporaine ressemble à n’importe quel autre film lambda et ne dispose pas d’une réelle identité, tandis que celle historique jouant avant tout sur des images et ambiance froides. Si la reconstitution des décors et des costumes se révèle intéressante, il n’en est pas de même concernant la musique. Totalement inadaptée par moments (l’utilisation surabondante de la Cinquième Symphonie de Beethoven par exemple dénature tout impact dramatique), aucun thème ou partition ne ressort.
L’Origine de la violence ne sert ainsi pas son sujet, aussi fort soit-il, avec un véritable point de vue ou de vraies ambitions scénaristiques et de réalisation. Il se révèle même être extrêmement banal, ne faisant que recycler un drame familial déjà vu mille fois et en mieux (Un secret de Claude Miller), là où un véritable point de vue affirmé aurait bonifié à la fois la grande et la petite histoire.
L’Origine de la violence : Bande-annonce
L’Origine de la violence : Fiche technique
Réalisation : Elie Chouraqui
Scénario : Elie Chouraqui, Fabrice Humbert, d’après son ouvrage L’origine de la violence
Interprétation : Stanley Weber (Nathan Fabre), Cesar Chouraqui (David Wagner -1937) – Adrien Fabre (1962)), Richard Berry (Adrien Fabre- 2014), Michel Bouqet (Marcel Fabre), Miriam Stein (Gabi), Catherine Sami (Clémentine Fabre), Romaine Cochet (Virginie), Christine Citti (Marguerite Fabre)…
Photographie : Dominique Gentil
Montage : Lorenzo Fanfani
Musique : Cyril Etienne des Rosaies, Romain Poncet
Producteurs : Elie Chouraqui, Alfred Hürmer, Charlie Farnel, Christian Reitz, Alexandre Chouraqui
Sociétés de production : L’Origine Production, Integral Film
Distribution (France) : Paradis Films
Durée : 110 minutes
Genre : Drame
Date de sortie : 25 mai 2016
France – 2016