« Mon nom est Maximus Decimus Meridius. Général en chef des armées du Nord. Commandant les légions Félix. Fidèle serviteur du vrai empereur, Marc Aurèle. Père d’un fils assassiné. Époux d’une femme assassinée. Et j’aurai ma vengeance, dans cette vie ou dans l’autre. » C’est très certainement l’un des plus grands monologues de l’histoire du cinéma. Eh bien sachez qu’à peu de choses près, Gladiator II, c’est approximativement la même chose, vingt-quatre ans plus tard.
Gagne la foule !
On ne présente plus Ridley Scott. À 86 ans aujourd’hui, le réalisateur continue d’épater. Seul sur Mars, Alien, Blade Runner, Le Dernier Duel, les excellents films à sa filmographie ne manquent pas. Certes, le monsieur a connu quelques ratés, comme l’atteste le catastrophique Napoléon, sorti récemment. Mais, impossible de nier l’immense impact de ce monstre dans la culture cinématographique. À l’instar de Clint Eastwood, dont le dernier film est actuellement en salles, Scott ne semble pas décidé à lâcher la caméra. Entre un nouveau projet Alien, un western et un film sur les Bee Gees, le papa du Xénomorphe en a encore sous le coude. Aujourd’hui, il revient pour une suite aussi attendue que crainte, celle de l’un de ses deux chefs-d’œuvre (le second étant Alien), j’ai nommé Gladiatorius Deussus. Pardon, Gladiator II.
Oui, cet opus est une suite au film sorti en 2000. Maximus est mort et son héritage plane dans l’arène, mais son nom a vite disparu de la République. Pire, les choses n’ont pas changé, voire peu changé. Rome est désormais sous le joug non pas d’un, mais de deux empereurs. Le Sénat ne dirige rien et les conquêtes au nom de l’empire romain s’enchaînent, ne laissant derrière elles que l’esclavage ou la mort. Le Rome de Marc Aurèle est resté un rêve et peu de gens continuent d’œuvrer pour le voir naître. Un homme libre devenu esclave dans l’arène va tenter de se soulever pour renverser l’ordre établi. Qui a dit Maximus ?
Gladiator 1.5 ?
Autant le dire d’emblée, le film de Ridley Scott pêche surtout par son histoire. Sans être dénué d’intérêt, le script de David Scarpa ne parvient jamais à égaler l’intelligence de son aîné. Bon, on s’en doutait quand on sait que Scarpa a signé l’écriture de Napoléon, mais tout le monde fait des erreurs. Pire, cette suite pioche beaucoup trop dans le premier film, à tel point qu’on pourrait le qualifier de semi-remake. Les choses n’ayant pas évolué, le sacrifice de Maximus n’a mené à rien, ou trop peu, et tout est à refaire. Si l’histoire est différente, le schéma narratif est le même. Pas de quoi fouetter un esclave, le tout se suivant avec plaisir. On regrette malgré tout la quasi absence d’émotions, à deux-trois scènes près, de risques et surtout, d’enjeux dramatiques.
Vous le remarquerez, j’évoque peu le protagoniste principal du film, dans l’éventualité où vous, qui lirez ces lignes, ignorez son identité. Les bandes-annonces ayant dévoilé un événement majeur de l’intrigue, je préfère me taire pour ceux qui ne les ont pas vues. Sachez seulement que, sans égaler Maximus, le personnage incarné par Paul Mescal reste d’un charisme fou. Plus sauvage, plus dur mais tout aussi déterminé, notre héros fait un excellent remplaçant. Et quand on passe après l’une des meilleures figures tragiques de l’histoire du cinéma, c’est déjà un exploit. Dommage qu’à l’image du film, sa quête de vengeance ne soit qu’une copie en moins bien que celle du premier opus, malgré les excellents moments qu’elle propose.
Ce que l’on regrette aussi et surtout, c’est l’absence quasi totale de personnages forts dans cette intrigue. Exit Promimo, Cicéron, Juba, Quintus, Marc Aurèle ou les frères d’arène de Maximus. Notre héros n’est que très peu entouré durant l’intégralité de l’histoire. On citera la relation qu’il établit avec un médecin ou quelques scènes avec Lucillia, de retour dans cette suite. Mais, avouons-le, la plupart de ses interactions se font avec Macrinus, incarné par Denzel Washington. Intelligent, machiavélique et calculateur, le laniste apporte une vraie fraîcheur à l’intrigue, tout en se distinguant de Commode ou encore de Proximo. On terminera avec Acacius, incarné par notre Pedro Pascal national et de loin le protagoniste le plus intéressant du film en général, lassé des conquêtes imposées par deux empereurs aussi stupides que cruels.
Sa place est dans un Colisée
Dernier défaut majeur et pas des moindres : la bande-son. Impossible d’ignorer à quel point la bande originale composée par Hans Zimmer a contribué à l’excellence de Gladiator, au point d’en devenir l’une des plus cultes du 7ème art. Sûrement trop occupé, le compositeur a laissé sa place à Harry Gregson-Williams. Si quelques thèmes fonctionnent bien, on est à des années-lumière des frissons procurés par ceux du premier film. Fort heureusement, certains thèmes reviennent, ancrés dans la mythologie de l’œuvre. Quel dommage que l’on ne retienne que les morceaux d’un compositeur qui n’est pas celui engagé pour le projet. Enfin, maintenant disons les choses clairement. Si Gladiator II n’est pas exempt de défauts, il n’en reste pas moins le meilleur péplum depuis le premier film. Oui, à deux semaines de sa 87e bougie, Ridley Scott continue de proposer un blockbuster plus chiadé que 80% des blockbusters qui sortent depuis des années.
Aidé d’un budget conséquent, Scotty a pu laisser libre cours à tout son talent pour reproduire Rome telle qu’il l’imaginait à l’époque. Le réalisateur, connu pour storyboarder lui-même ses films avec une précision chirurgicale, épate par sa maîtrise de la caméra et son utilisation des décors. Rien n’est laissé au hasard et chaque lieu transpire un vécu et une identité réelle, rendant cette ville plus belle que jamais. Les plans en extérieur sont plus nombreux que par le passé, moins resserrés. Le Colisée est plus grand et splendide que jamais, prêt à accueillir les fantastiques scènes d’action qui traversent le film. Gladiator 2 est plus gore, plus brutal, plus fou. Certes, il est moins crédible, comme l’atteste cette fantastique bataille navale dans l’arène, accompagnée de quelques requins, mais tout est assumé. Scott étant connu pour sa légère misanthropie, on le suspecte même d’avoir placé volontairement quelques anachronismes (un café, un journal), juste pour agacer les historiens.
Malgré les défauts scénaristiques, les 2h30 qui composent le projet passent à une vitesse folle. Cela fait un bien fou quand on sort d’un interminable Venom : The Last Dance qui ne dure pourtant qu’1h50. Les scènes d’action sont courtes mais toutes spectaculaires, notamment une bataille d’ouverture qui n’a rien à envier à la scène d’introduction du premier film. Pour le reste, on se rapproche parfois doucement de la série B, particulièrement dès que l’intrigue touche à la politique, mais tout est suffisamment bien mis en scène et interprété pour que l’on y croit. On s’attendait au pire avec cette suite. On pourra certes se poser des questions sur sa raison d’exister, d’autant qu’un troisième épisode est à l’étude, mais on ne peut renier sa redoutable efficacité. Force et honneur !
Gladiator II – Bande-annonce
Gladiator II – Fiche technique
Réalisation : Ridley Scott
Scénario : David Scarpa
Musique : Harry Gregson-Williams / reprises de certains thèmes de Hans Zimmer
Casting : Paul Mescal / Pedro Pascal / Denzel Washington / Connie Nielson / Joseph Quinn
Production : Paramount Pictures / Warner Bros / DreamWorks Pictures / Scott Free Productions / Red Wagon Films
Distribution : Warner Bros France
Budget : 250 millions de dollars
Durée : 148 minutes
Sortie : 13 Novembre 2024 en salles