A Girl at My Door, un film de July Jung : Critique

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A Girl at My Door, un coup de poing pour le cinéma Coréen

Synopsis : Young-Nam, jeune commissaire de Séoul, est mutée d’office dans un village de Corée. Elle se retrouve confrontée au monde rural avec ses habitudes, ses préjugés et ses secrets. Elle croise une jeune fille, Do-hee dont le comportement singulier et solitaire l’intrigue. Une nuit, celle-ci se réfugie chez elle…  

Un drame coréen réalisé par la jeune réalisatrice, July Jung, abordant des thèmes comme l’alcoolisme et la maltraitance sur les enfants. A Girl at My Door, a été présenté au festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard.

Le Cinéma Coréen n’en finira pas de nous surprendre. Fièrement, ce premier film de la jeune et talentueuse July Jung, parvient à s’introduire dans les salles sombres françaises. Une rareté scénaristique et de mise en scène pour un scénario simple. Avec la touche grinçante propre aux films coréens, A Girl at My Door s’attaque au rejet et la violence chez l’enfant différent, mais en filigrane, traite aussi de l’impossible acceptation de l’homosexualité dans cette société encore très traditionaliste représenté par ce village de pécheurs.

Des personnages féminins forts, en présence et en émotions

Do-hee, interprétée par Sae-ron Kim, est cette jeune fille, marginale et rejetée de son village. En plus d’être maltraitée par son père alcoolique (Yong-Ha) et sa grand-mère, elle est martyrisée par des jeunes de son collège. Muette et si chétive que sa silhouette spectrale fait penser au fantôme de films d’horreur tel que Sadako dans The Ring. Son seul refuge se situe dans l’art et l’imaginaire. L’image s’adoucit, et entre en accord avec sa danse aliénante et onirique au bord de l’eau.

Young-Nam (Doona Bae de Cloud Atlas et The Host), fraîchement arrivée, se retrouve nouvelle chef de la police du village et se prend de pitié pour elle et les difficulté qu’elle traverse. La prenant sous son aile, elle devient sa protectrice et une sorte de mère adoptive. Mais cette relation devient de plus en plus ambiguë, faisant référence à Mother et cette identification amoureuse dépassant la relation maternelle saine. Les limites et faiblesses de ces deux personnages deviennent de plus en plus visible, et leur vision ne devient plus aussi fiable pour le spectateur.

L’histoire se concentre sur Do-Hee, les difficultés de son quotidien et l’ambiguïté de son caractère si mystérieux. En tant que figure de femme forte et indépendante, Young-Nam est l’héroïne du film en tentant de protéger Do-Hee des griffes de son père. Mais elle souffre également d’une certaine fragilité et doit faire face à ses propres démons. Grace aux plans répétitifs de ces bouteilles transparentes, l’alcoolisme devient pourtant un mal visible. Difficile à liquider, il devient source de tous les problèmes relationnels pour les personnages alcooliques. Le problème d’alcoolisme chez Young-Nam rend notre héroïne à la fois humaine pour sa fragilité, mais autodestructrice. Elle s’enferme dans une addiction qu’elle alimente de sa propre volonté, tout comme elle cache son homosexualité par peur du jugement des autres.

Un huis clos perfide

La tension du film se resserre autour de la mort accidentelle de la grand-mère et ainsi l’enquête de Young-Nam fait ressurgir les secrets et démons de ce village aux apparences si tranquilles. En action, la policière revêtit son costume de justicière naïvement et aveuglement. Pourquoi aveuglement ? Car son personnage honorable ne voit pas au-delà des apparences. Les maux et secrets de ce village sont une abîme dans laquelle elle s’y plonge aussi profondément que dans son alcoolisme. Trompée et manipulée, elle finit par être elle-même la rejetée du village pour un crime dont elle est injustement puni. Les rôles s’inverses, se confondent : Young-Nam devient victime de Do-hee. Les deux héroïnes se reflètent et s’opposent, jusque dans une apparence similaire que les champs et contre champs amplifient.

Un vice caché par l’innocence enfantine

Le véritable mal du village se situe dans les recoins les plus cachés. Sous l’innocence apparente de Do-hee se cache un démon de violence et de perversité. Son arme devient son rôle de victime et son apparence angélique. Mais, sous ce masque, elle personnifie le mal refoulé. Décuplant tout ce qu’on lui a fait subir, son retour de force est surprenant. Le spectateur, tel que Young-Nam l’avait sous-estimé. Alors, chacun est perplexe entre accepter la morale tangente de ce film ou rejeter cet exemple cathartique.

Très naturellement, A Girl at My Door aborde frontalement les problèmes actuels de l’acceptation de la différence dans cette société occidentale qui rejette les vices et démons. Mais le cinéma coréen retransmet bien cette noirceur dans leurs anti-héros diaboliques qui fatalement font payer dix fois le prix de leur rejet. Si ce film n’est pas à proprement dit du genre « horrifique », il montre le monstre viscéral et caché sans artifice. Un démon refoulé qui sert ici de sauveur et justicier. Une fin intrigante mais qui laisse le spectateur avec une sorte de soulagement indéfinissable. Au final, des figures de femmes fortes et triomphantes face à une campagne troublante et oppressante.

Fiche Technique: A Girl at My Door (Dohee-ya) 

Corée du Sud – 2013
Réalisation: July Jung
Scénario: July Jung
Interprétation: Bae Doona (Young-nam), Kim Sae-ron (Dohee), Song Sae-byuk (Yong-ha), Jang Hee-jin (Eun-jung)
Genre: Drame
Date de sortie: 5 novembre 2014
Durée: 1h59
Image: Kim Hyun-seok
Son: Kim Hyun-sang
Montage: Lee Young-lim
Musique: Jang Young-gyu
Producteur: Lee Chang-dong, Lee Joon-dong
Distributeur: Epicentre Films