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Ghostbusters l’héritage : fantômes vs fantômes

Il est sorti le 1er Décembre, précédé d’une attente folle et de beaucoup d’avant-premières : si on a la sensation de l’avoir vu avant de payer sa place en salles, c’est parce que Ghostbusters : l’héritage est bien plus qu’un blockbuster lambda et nostalgique où on combat des ectoplasmes et Olivia Wilde après 5 heures de maquillage. Il est un des baromètres de l’année cinéma.

Synopsis : Une mère célibataire et ses deux enfants s’installent dans une petite ville et découvrent peu à peu leur relation avec les chasseurs de fantômes et l’héritage légué par leur grand-père, Egon Spengler

C’est quoi la différence entre un bon et un mauvais chasseur ?

Il crève l’écran, roule à toute vitesse, paraît paniqué et ne respecte pas les consignes de sécurité. Traversant la campagne, un homme en blouse blanche descend de sa cadillac garée à la hâte, rejoint sa ferme isolée, défie des grognements dans l’ombre et part s’asseoir sur son fauteuil. Un fantôme apparaît, pour un enterrement de première classe : l’homme et la proie semblent vaincues tous les deux. La scène d’ouverture de Ghostbusters : l’héritage rentre dans le vif du sujet, très rapidement et rappelle de la même façon l’ouverture du premier film de 1984, adoptant les codes du cinéma fantastique et gothique que n’aurait pas renié les grands pontes de la Hammer. Une bibliothèque paisible, une ambiance s’installant progressivement et de grands cris. Le parallèle est très fort, il rappelle que le projet de Dan Akroyd et Harold Ramis en 1984 est l’histoire d’une comédie cristallisée dans les codes du cinéma d’horreur. Vue en indépendante, la scène clé de l’attaque du maître des clés (Rick Moranis) reste terrifiante et ne fait sourire que par le recul extrême que le script nous aide à prendre. Une posture essentielle, propre au chasseur : garder un sang froid essentiel en employant les stratégies que l’on souhaite. Ici, par l’humour du risque.

Un mariage de raison

1984 défie une décennie soixante-dix très dépressive aux Etats-Unis, sur laquelle une autre saga avait surfé à contre-courant, Star Wars. Il restait de la place pour des histoires tout aussi dépaysantes, en moins cérémonieux. Pourtant, Ghostbusters : l’héritage raconte l’histoire d’une mère fauchée, expulsée de son logement avec deux ados sur les bras. Elle doit rejoindre la campagne, quitter New York. Une sorte de grosse tuile. En 1984, les héros sont tout aussi fauchés : virés de la fac, obligés de vider les comptes familiaux pour se jeter dans le vide. Il est vraiment temps de faire des vannes. Les chasseurs de fantômes d’hier et de maintenant sont des marginaux parfaits dans leurs Amériques respectives : universitaires ratés pendant les années Reagan ou l’entreprenariat est Roi, campagnards pendant les années Trump, chacun de ces groupes est descendu du train. Si chacun entreprend de reprendre du poil de la bête, c’est par une remise à nu totale et très déstabilisante, également pour les spectateurs : franchement, qui vendrait la maison de maman pour s’acheter une poubelle, une masure et trois tenues ringardes de laveurs de carreaux ?

Un discours lisse sur le constat

Si le constat est fort, le film ne manquera pas de se connecter en 2021 à son époque par des éléments plutôt innocents que clivants. Ce n’est pas seulement une question d’écriture, mais un constat d’échec : on ne peut pas rire et être aérien sur les fantômes les plus sombres de l’Amérique d’aujourd’hui comme on se moquait de 3 loosers fainéants au moment où les États-Unis redécouvraient le plein emploi. Podcast, le jeune acolyte de Phoebe, la petite fille d’Egon Spengler, chasse les infos, n’a qu’un abonné mais ne désespère pas. Il a le phrasé d’un journaliste des années 70, dramatique à souhait. La vanne fonctionne très bien dans le corps d’un ado de 15 ans,et recentre Ghostbusters autour d’une idée forte du premier opus : les fantômes qu’on incarne aiment aussi déconner. Mieux, il y a au-delà des rires un intérêt certain à voir les ados du casting, l’épatante Mc Kenna Grace et Finn Wolfhard, un des visages de stranger things, évoquer des périodes où ils avaient -20 ans, questionner ces images en regardant Youtube. Cette mise en abîme est essentielle au sens même du film qui ressort des vieilles fringues du placard et là est la profondeur de ces personnages qui ne sont pas des râleurs ni des sales gosses, renâclant à venir à la campagne plus qu’il n’en faut. Un blockbuster pour les ados se met enfin à leur juste hauteur, et il était temps : ils valaient bien mieux que ça.

C’était mieux avant et maintenant

New York dans les années 80 n’était pas une ville aussi touristique qu’aujourd’hui, la campagne américaine pas aussi fun que dans Ghostbusters : l’héritage, où ses quelques jeunes semblent rejouer paisiblement American Graffiti. Bloqués dans des années pour lesquelles on ressent une nostalgie, ces personnages secondaires expriment un malentendu énorme autour de cette notion qu’on ressort pour chaque décennie ressortie du placard. Les années 80 en tête de gondole en ce moment, tirées à bout de bras par Stranger Things, la synthwave et les Daft Punk, posent la question de la mémoire et de ce qu’on en fait. La stylisation a fonctionné pour toutes les décennies, Edgar Wright l’a brillament démontré cette année avec Last night in Soho et les sixties, et autour de ce procédé si humain naît l’idée même de ces fantômes venant parasiter ce processus. Le fantôme est culturellement un défunt à qui on doit régler une dette. Ceux de Ghostbusters : l’héritage sont des âmes perdues, mais tout comme les historiques, ceux d’un autre Monde amené à prendre le pouvoir. On ne peut pas leur promettre une sépulture ou une prière, seulement les chasser. De ce rapport de force naissent les situations les plus comiques et spectaculaires qui ont fait la légende d’une saga courant après son « vrai » 3 perdu après le terrible et décevant film de Paul Feig, mais aussi l’idée du plus beau CGI de l’année ciné qui s’achève.

Le divan

Jason Reitman en tête l’a affirmé, il n’est pas venu pour réaliser une psychothérapie en marchant dans les pas de son père, Ivan, réalisateur des deux premiers films. Pourtant c’est son nom, en gardien du temple, qui a rassuré énormément de fans et d’observateurs quand on lui a confié la réalisation de ce blockbuster sous pression, après qu’il se soit constitué une très jolie filmographie dans le cinéma indépendant. Si durant les deux heures d’une telle densité au programme, retrouver la flamme et rendre hommage à Harold Ramis, disparu en 2014, quelques défauts d’écriture persistent, c’est incontournable, l’idée d’écrire un personnage de fantôme positif, dans les mémoires de tous ceux qui le racontent, puis par les CGI dans une magnifique scène de fin reconstruit tout ce que l’entertainment hors sol de ces dernières années à parfois fracassé à grands coups de pieds : l’émotion naît avant les motion… Capture. Carrie Coon en mère vanneuse et fille abandonnée est absolument bouleversante dans une scène clé, très bien écrite et pleine d’émotion. Harold Ramis a un hommage a sa hauteur, moins polémique que la renaissance de Peter Cushing en grand ponte de l’Empire dans Rogue One, parfait techniquement mais sans âme.

Il y aura bien évidemment une suite, nous ramenant à New York, des goodies et d’autres effets moins intelligents, mais derrière ce doux constat d’échec de l’inventivité des années 2000 en berne, ce retour aux sources presque miraculeux après tant d’échecs, de déceptions, est une vraie source d’espoir. On touche du bois. Sinon, on saura qui appeler.

Ghostbusters : l’héritage, bande-annonce

Fiche technique

Titre original : Ghostbusters: Afterlife
Titre français : SOS Fantômes : L’Héritage
Réalisation : Jason Reitman
Scénario : Gil Kenan et Jason Reitman, d’après les personnages créés par Dan Aykroyd et Harold Ramis
Direction artistique : Tom Reta
Costumes : Danny Glicker
Décors : Paul Healy
Musique : Rob Simonsen
Producteur : Ivan Reitman
Producteurs délégués : Dan Aykroyd, Michael Beugg, Jason Blumenfeld, Jason Cloth, Aaron L. Gilbert et Gil Kenan
Sociétés de production : Columbia Pictures, Bron Creative et Ghost Corps, The Montecito Picture Company
Sociétés de distribution : Columbia Pictures (États-Unis) ; Sony Pictures Releasing France (France)
Pays de production : États-Unis
Langue originale : anglais américain
Format : couleur
Genre : comédie, fantastique
Dates de sortie :
États-Unis : 23 août 2021 (avant-première au CinemaCon) ; 8 octobre 2021 (avant-première au New York Comic Con) ; 19 novembre 2021 (sortie nationale)
France : 1er décembre 2021