Dans la longue série des reboot/remake/sequel qui prennent Hollywood d’assaut, ce nouveau S.O.S fantômes prend aujourd’hui des allures de cas d’école. À l’inverse des Star Wars (Le réveil de la force et Rogue One prochainement), des univers partagés Marvel et DC ou encore, dans une certaine mesure Independance Day Resurgence, celui-ci s’est vu gratifié d’une anti-hype démesuré avant même le début du tournage.
Synopsis: Erin Gilbert et Abby Yates sont deux écrivains en devenir, auteures d’un livre expliquant que les fantômes existent. Quelques années plus tard, Erin décroche un prestigieux poste d’enseignante à l’université Columbia. Mais quand son livre refait surface, elle devient la risée de l’académie. Elle recontacte alors Abby et tente de prendre sa revanche lorsque des fantômes apparaissent vraiment à Manhattan.
Girls vs the world
Premier objet du délit ? La volonté des producteurs de reprendre un film porté par une équipe masculine pour en faire un film presque intégralement féminin. Scepticisme total dans le monde de la « culture geek », nouveau censeur et parangon du « bon goût ». Deuxième problème, les actrices choisies pour endosser les combinaisons ne correspondent pas véritablement au canon de beauté établi, n’étant pas particulièrement sexy ou érotisée à l’écran. Donc exit le fantasme puéril, dont le manque sera probablement corrigé par une flopée de « fan art » et de dessins amateurs (et pourquoi pas une version porno?). Et enfin, affront ultime, l’un des nouveaux personnages est une afro américaine avec un accent du Bronx. Ce qui apparemment serait suffisant pour taxer le film de « racisme ordinaire », tout en se dédouanant de sa propre bêtise (certains ont tendance à oublier que Ernie Hudson a vu ses apparitions réduites dans les deux premiers films pour laisser plus de place à ses copains blancs). Une bande annonce plus tard et le mal était fait. Voilà que la vidéo devient la plus détestée de youtube. Plus personne n’attend de voir le film et le juge dans son entièreté au simple regard de ces quelques images. Pas assez de gag, le film ne sera pas drôle. Leslie Jones a son accent, le film sera raciste etc. Posant alors un autre problème réciproque et opposé : pour certains, ne pas aimer le film serait faire preuve d’un machisme outrancier. Après une longue bataille d’ego et quelques concours de bites, le film sort en salle et on va peut être pouvoir en parler, vraiment.
La bataille semble déjà perdue, le fameux « bad buzz » entretenu avec soin par des hordes de geek déchaînés semble avoir déjà fait son office. S.O.S fantômes version « girl power » est déjà un semi-échec au box-office américain. L’argument hypocrite final étant « c’est un reboot pour faire du fric, n’allez pas le voir » (parce que tout le monde sait que Suicide Squad et Star Wars 7 c’était pour la beauté de l’art, c’est évident). C’est finalement triste car au regard du produit fini, cette reprise est probablement la moins honteuse sortie depuis un moment. En deux heures de film, on ne s’ennuie pas vraiment et la nouvelle Némésis des « vrais fans », le quatuor d’actrices, tient largement la route, sans qu’aucune ne tente véritablement de prendre l’ascendant sur les autres (là où Bill Murray se taillait quand même la part du lion). Melissa McCarthy est drôle, ce qui depuis Spy, du même Paul Feig, n’était plus à prouver, idem pour Kirsten Wiig. Et force est d’admettre que les deux sont plutôt crédibles en scientifiques délurées. Leslie Jones trouve tout à fait sa place dans l’équipe et prouve qu’elle est une actrice comique tout à fait honorable. Oui elle a un accent prononcé, mais personne ne semble s’être demandé si ce n’était pas tout simplement son phrasé naturel (bizarrement quand Daniel Day Lewis imite pauvrement tous les accents du monde personne ne crie au racisme). D’autant que l’argument « racial » n’est jamais mis au premier plan, le personnage étant rapidement admis dans l’équipe à l’égal des autres. Ajoutons à cela que la phrase « Je connais New York » entendue dans la bande annonce ne signifie pas du tout « Je vient de la street » mais « Je connais l’histoire de New York », ce qui n’est pas exactement pareil. Reste la quatrième, Kate McKinnon, encore peu vue sur les écrans, qui tire son épingle du jeu. Dans un rôle de Tank Girl version enfant, elle prouve qu’il ne suffit pas forcément de parler avec un débit de mitraillette en lançant des absurdités pour avoir une présence dans un film comique. Sa dégaine délirante fait le boulot, et lui permet de s’offrir la scène d’action du film. Si le but était de créer une héroïne cool faisant office de modèle pour faire rêver les petites filles, c’est plutôt réussi.
Maintenant qu’il y a un peu d’amour dans le débat, il reste la question que personne ne semble s’être posée avant la sortie : Le film est-il bon ou mauvais ? Disons que, au delà de son concept féministe, il ne réinvente pas vraiment l’eau tiède. Mais il a au moins le bon goût de tenir le cap, jouant habilement avec le fan service attendu, tout en prenant quelques chemins de traverse pour éviter un copié-collé avec son modèle (contrairement à un certain Star Wars…). Le canevas reste le même (constitution du groupe, découverte des fantômes, apparition de la menace), mais avec un tel sujet, il est difficile de sortir des sentiers battus. On regrettera juste un méchant anecdotique et un manque de fantaisie dans les formes que prennent les ectoplasmes. Et là ou un certain Suicide Squad nous gratifiait d’un montage ignoble, S.O.S fantômes prend au moins le temps d’avoir une mise en scène lisible, un scénario cohérent et un univers vraisemblable, en évitant judicieusement certains écueils propre à la production hollywoodienne du moment. Dans cette époque maudite où les « training montage » semblent faire la loi, l’introduction des personnages est ici un modèle de simplicité. Ce n’est peut être pas grand chose, mais cela suffit à hisser le film de Paul Feig au dessus de la majorité des productions mercantiles actuelles. L’ensemble est honnête, la bonne humeur communicative, et c’est le but premier d’un blockbuster estival. Ce que les autres studios, dans leur course effrénée à la satisfaction du fan-boy, semblent avoir oublié.
Malheureusement tout cela pose un problème final : Vu le mécontentement engendré par le projet, reprendre des sagas testostéronées pour les convertir en film 100% féminin ne semble pas être une solution viable sur le long terme. Aussi honnêtes que soient les intentions, cela pose un problème de légitimité. Comment imposer les femmes à Hollywood si elle ne font que ramasser les miettes de vieux succès masculins, ce qui leur sera reproché d’entrée de jeu avant même d’avoir pu poser les bases d’un projet viable ? Les rumeurs avancent déjà un Ocean’s Eleven, un Men in Black et un Expandable au féminin, etc. Mais pourquoi ne pas prendre les devant et proposer directement une nouvelle franchise avec un casting de femmes ? Les studios répondraient certainement que cela marcherait moins bien, et au regard du succès de ce film-ci, on ne peut pas vraiment leur donner tort. S.O.S fantômes, faute d’avoir réinventé une franchise, aura au moins aidé la cause en mettant la sympathique culture geek face à ses valeurs rétrogrades d’un autre temps, auxquelles elle s’accroche désespérément. Peut-être que d’ici dix ans Hollywood ne produira plus que des bouses mal montées, gangrenées par le fan service et le souci de plaire à une minorité bruyante, et là on pourra dire que l’on a les films que l’on mérite.
S.O.S fantôme : Bande-annonce
S.O.S fantôme : Fiche Technique
Titre original : Ghostbusters
Réalisation : Paul Feig
Scénario : Paul Feig et Katie Dippold, d’après les personnages créés par Dan Aykroyd et Harold Ramis
Interprétation: Kristen Wiig, Melissa McCarthy, Leslie Jones, Kate McKinnon, Chris Hemsworth, Neil Casey, Andy Garcia, Charles Dance…
Direction artistique : Jefferson Sage
Costumes : Jeffrey Kurland
Photographie : Robert D. Yeoman
Montage : Don Zimmerman
Musique : Theodore Shapiro
Production : Amy Pascal et Ivan Reitman
Producteurs délégués : Dan Aykroyd, Jessie Henderson et Michele Imperato
Sociétés de production : Sony Pictures Entertainment et Village Roadshow Pictures
Sociétés de distribution : Columbia Pictures (États-Unis), Sony Pictures Releasing France (France)
Langue originale : anglais
Budget : 144 millions $
Genre : Comédie, Fantastique, Action
Durée : 116 minutes
Date de sortie : 10 août 2016
Etats-Unis – 2016