Premier film de Fabien Gorgeart, un jeune homme très concerné par les questions de maternité, Diane a les épaules est aussi et surtout le beau portrait d’une jeune femme moderne de son époque, prise en tenailles entre la désinvolture et la gravité, interprétée par une Clotilde Hesme très inspirée.
Synopsis : Sans hésiter, Diane a accepté de porter l’enfant de Thomas et Jacques, ses meilleurs amis. C’est dans ces circonstances, pas vraiment idéales, qu’elle tombe amoureuse de Fabrizio.
Neuf mois
Diane a les épaules. Avec ce titre qui sonne étrangement, Fabien Gorgeart annonce la couleur de son métrage : celle joliment monochrome d’un film centré fortement sur le personnage de Diane, mais également celle d’un personnage bigarré.
Après le très récent Jeune Femme de Leonor Serraille, une trentenaire qui a du mal à faire son nid dans la ville de Paris, par trop de caractère affirmé, et portée par la vibrante Laetitia Dosch, voici Diane, une autre trentenaire de trempe, interprétée par la sémillante Clotilde Hesme. Ces deux films ont beaucoup en commun, jusque dans la grossesse, même si seul le film de Fabien Gorgeart prend la thématique de la GPA comme apparent fil conducteur.
Diane est un personnage moderne, délivrée de tout tabou, vivante et drôle. Elle inaugure le film à grands renforts de rires moqueurs au détriment d’un jeune Irlandais qu’elle embrasse goulûment l’instant d’après, puisqu’elle sait « separate (my) brain from (my) mouth». Tel est ce personnage : éminemment grande gueule, et terriblement attachant. Alors, quand on découvre qu’elle prête son ventre et ses gamètes à un couple d’homosexuels de ses amis, on n’est pas étonné. De même que n’est pas étonné Fabrizio, l’ouvrier qu’elle rencontre sur le chantier de la maison familiale qu’elle est en train de retaper à grands coups d’une épaule qui est pourtant très fragile.
Le cinéaste dont c’est ici le premier long métrage réussit cependant à contenir cette énergie en ponctuant son film de petits moments de respiration, comme si Diane à son tour avait besoin de se reposer d’elle-même. Incapable de lâcher prise, dans le contrôle de ses émotions jusqu’au point du déni, elle dessine pourtant en creux une autre Diane, celle dont l’épaule est fragile et lui arrache les larmes, celle qui s’abandonne dans le sommeil, celle qui retrouve presque une voix enfantine pour faire comprendre à son amoureux Fabrizio qu’elle a subjugué en une réplique et un clin d’œil, que, peut-être sous ses airs indifférents, elle apprécie et plus encore sa présence. Et c’est cette tension permanente entre les deux facettes de Diane qui rend le film intéressant. C’est cette manière, qui passe beaucoup par le corps, de suggérer sans appuyer la sorte de désarroi profond de cette grande fille qui ne semble pas avoir trouvé sa place, dépassant d’une bonne tête tous les personnages masculins, désœuvrée au point de prêter son corps pendant neuf mois à une aventure qui n’a rien d’anodin. Jouant quelquefois avec les reflets, le cinéaste montre la protagoniste dans cette dualité de la femme sans mais sensible quand elle est à l’abri du regard des autres.
Optant résolument pour un ton comique, voire burlesque par moments, Diane a les épaules permet d’aborder la GPA de la plus simple des façons, et sans aucun parti pris dramatique. Les affres habituelles de la grossesse sont minimisées, peut-être un peu trop, la relation entre la mère « porteuse » et le couple est idéale, aucune gêne d’ordre administratif ne vient perturber cet agencement. Les états d’âme de Diane par rapport à cette grossesse, et par rapport à cet enfant à naître sont d’abord inexistants. Puis le cinéaste veille à ne pas écarter les questionnements plus humains dans le cadre de cette GPA, et choisit de les aborder dans la toute dernière partie du film de manière tout à fait délicate et bouleversante.
Clotilde Hesme est prodigieuse dans le rôle de Diane. Après une première période où elle fut l’égérie du noyau dur du cinéma d’auteur français (Bonello, Honoré, Garrel mais aussi Guirado ou Bonnell), elle prend le chemin d’un cinéma plus incarné qui trouve son apothéose dans Diane a les épaules. Offrant quelques bribes de sa propre grossesse, notamment dans la splendide scène de la piscine, elle imprime tout son travail de la même générosité et de la même intensité, permettant ainsi à Fabien Gorgeart de réaliser un film juste et sensible, jouant aussi bien sur le non-dit que sur l’exubérance exprimée par la jeune femme.
Diane a les épaules mérite largement que l’on s’y attache, et qu’un homme ait eu envie, et réussisse à dessiner les enjeux de la maternité, de l’instinct maternel est une gageure qu’il faut saluer à sa juste valeur.
Diane a les épaules – Bande annonce
Diane a les épaules – Fiche technique
Réalisateur : Fabien Gorgeart
Scénario : Fabien Gorgeart
Interprétation : Clotilde Hesme (Diane), Fabrizio Rongione (Fabrizio), Thomas Suire (Thomas), Grégory Montel (Jacques), Alice Butaud (Amélie), Olivier Rabourdin (L’Hypnothérapeute)
Photographie : Thomas Bataille
Montage : Damien Maestraggi
Producteur : Jean des Forêts
Maisons de production : Petit Film
Distribution (France) : Haut et Court
Budget : 2 300 000 EUR
Durée : 87 min.
Genre : Comédie
Date de sortie : 15 Novembre 2017
France – 2017