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Arrête ton cinéma, un film de Diane Kurys : critique

Que ce soit dans la bouche de Quentin Tarantino un soir de remise de prix ou dans celle de deux productrices un brin déjantées qui promettent de ne jamais rater un film, cette expression a bien du souci à se faire dans le dernier film de Diane Kurys, Arrête ton cinéma. On y croise Sylvie Testud – ici rebaptisée Sybille comme dans son livre C’est le métier qui rentre dont le film est adapté – qui tente désespérément, mais avec un optimisme sans faille, de réaliser son premier film.

Synopsis : C’est dans l’enthousiasme que Sybille démarre l’écriture de son premier film. Actrice reconnue, elle va passer pour la première fois de l’autre côté de la caméra. Tout semble lui sourire. Ses productrices Brigitte et Ingrid sont deux personnages loufoques mais attachants et Sybille se jette avec elles dans l’aventure, mettant de côté sa vie familiale. Mais, du choix improbable des actrices, aux réécritures successives du scénario, en passant par les refus des financiers, le rêve merveilleux va se transformer en cauchemar.

« Vive le cinéma »

En 38 ans et environ 15 films, Diane Kurys s’est à peu près essayée à tous les genres et ce, depuis le succès du tout premier Diabolo menthe. Qui pourrait ainsi croire que la réalisatrice du drame Pour une femme (2014), soit aussi celle de la comédie potache Je reste ? En racontant cette fois-ci les coulisses du cinéma avec son actrice « fétiche » (du moins depuis Sagan et Pour une femme), Diane Kurys se livre de nouveau à la comédie pour le meilleur comme pour le pire.

On achève bien les chevaux

Tout se passe bien pour Sybille quand elle apprend, après avoir terminé son dernier film en date en tant qu’actrice, que des productrices sont enchantées par son travail et veulent produire son « excellent » scénario dont elle n’a pourtant écrit que quatre pages. La voilà donc partie dans un rêve un peu étrange, d’autant plus étrange qu’elle semble être la seule à le vivre ainsi. Car tous ceux qu’elle contacte sont catégoriques : ce sont deux folles qu’elle a pour productrices. Pourtant, en incorrigible optimiste, Sybille ne se démonte pas et se lance même à corps perdu dans l’écriture de son film (en délaissant sa petite famille). La toute première partie du film est donc un formidable moment de réécriture qui fait passer l’histoire de Sybille d’un hôpital à un haras pour commencer. Mais décidemment cette première idée soufflée par les productrices elles-mêmes leur semble tout à coup bien mauvaise. Les chevaux mis de côté, ce sont trois « filles de joie » que l’on retrouve à l’écran.

« Où sont les femmes ? » 

Diane Kurys comme Sylvie Testud, présentent le soir où LeMagduciné a vu Arrête ton cinéma, ne se sont rien interdit pour le film, allant du vulgaire le plus potache à la pure comédie. Résultat, le film oscille entre de très bonnes idées – notamment du côté des productrices incarnées par deux actrices (Balasko et Breitman) qui visiblement s’amusent beaucoup – et une mise en scène un peu molle. Le scénario vaut pour ce jusqu’au-boutisme qu’il ne se refuse pas. Il nous fait entrer bien plus avant dans le monde impitoyable du cinéma que ne l’avait fait la série Dix pour cent. C’est d’ailleurs sûrement la raison pour laquelle Dix pour cent a trouvé sa place à une heure de « grande écoute » sur France 2 et qu’Arrête ton cinéma n’a trouvé aucune chaîne tv pour son financement. Diane Kurys est elle-même aux commandes de la production, ce qui lui laisse le droit de tout dire, de ne rien s’interdire. Et de donner la part belle depuis quelques films aux femmes, fragiles comme Sybille (qui a pourtant une force d’optimisme sans faille et de conviction étonnante) ou follement passionnées sans limites comme ces productrices vindicatives qui restent debout malgré les déconvenues. On notera à ce propos un formidable morceau de bravoure de Josiane Balasko alias Brigitte un jour de tournage de clip. Si le film frise sans cesse le mauvais goût, c’est assumé. Les personnages ont chacun leurs petites manies, leur particularité, mais plus que de la caricature, c’est dans le clownesque et la parodie que Diane Kurys est allée piocher.

Affreuses sales et méchantes

Au final, le film ne propose aucun conte de fées/happy end, mais décrit un monde de requins dans lequel les scénarios sont tirés dans tous les sens. La passion du cinéma semble à tout moment se perdre dans des considérations monnayables à l’infini. C’est que le « cinéma est une histoire d’amour aveuglante » pour Sylvie Testud, où il faut savoir faire des compromis. Ici, c’est presque la compromission (qu’il faut à tout prix éviter selon Diane Kurys) qui guette. En tout cas, Sybille y perd l’esprit dans des rêves-cauchemars qui brouillent un peu plus la frontière d’avec la réalité. Car dans ce film de fiction, adapté lui-même d’une fiction littéraire, Diane Kurys comme Sylvie Testud parlent d’elles-mêmes et de leur propre expérience de l’hystérie du cinéma, qu’elle soit sur les plateaux ou lors de la préparation des films. La douce folie qu’elles racontent nous envahie, elle démange chacun des personnages. Et ce sont deux productrices tyranniques – leur nom de famille rappelle d’ailleurs celui d’un célèbre tyran (Ceaușescu) même si « ça ne s’écrit pas pareil »- qui tirent les ficelles. On ne tient pas là un grand film sur le cinéma, mais un moment de folie partagée tout simple, à l’image de la discussion qui s’est déroulée ce soir-là entre les journalistes et Sylvie Testud, toujours un peu perchée, mais passionnée et passionnante. Pas le meilleur, mais loin d’être le pire film de Diane Kurys.

Bande annonce – Arrête ton cinéma

Fiche technique – Arrête ton cinéma 

Titre original : Arrête ton cinéma
Date de sortie : 13 janvier 2016
Nationalité : France
Réalisation : Diane Kurys
Scénario : Diane Kurys et Sylvie Testud
Interprétation : Sylvie Testud, Josiane Balasko, Zabou Breitman, Fred Testot, François Xavier-Demaison, Claire Keim, Hélène de Fougerolles, Virginie Hocq
Musique : Hugo Gonzalez Pioli, Paolo Bionvino
Photographie : Gilles Henry
Décors : Tony Egry
Montage : Sylvie Gadmer
Production : Diane Kurys, Alexandre Arcady
Sociétés de production : Alexandre Films
Sociétés de distribution : Bac Films
Genre : Comédie
Durée : 90 minutes

Reporter LeMagduCiné