La saga Alien, on ne la présente plus. Initiée par Ridley Scott en 1979, l’œuvre de science fiction portée par Sigourney Weaver a su marquer durablement les esprits. Histoire fascinante aux thèmes multiples, génie de mise en scène, approche de la menace qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Jaws, introduction de mythes, un nouveau monstre de cinéma était né. Mieux encore, Aliens : Le retour, réalisé par James Cameron, est aujourd’hui encore considéré comme l’une des meilleures suites de l’histoire du cinéma. Si les films ne se valent pas tous, l’aura du Xénomorphe reste particulièrement forte dans l’univers cinématographique. Alors, sept ans après un Alien: Covenant particulièrement décrié par les fans, que vaut cette nouvelle virée cauchemardesque ?
Sept films furent forgés
Quelque chose démarque particulièrement la saga Alien. Certains diraient que c’est l’une des rares (si ce n’est la seule) sagas de toute l’histoire à ne compter aucun mauvais film à son actif. Mais, certains ont cet avis sur Fast and Furious, ou Star Wars, alors ne prenons pas un avis subjectif en considération. En revanche, il y a un point objectif que peu de personnes semblent remarquer, un détail qui fait toute la richesse de cette saga inouïe. Chaque film est différent. De Scott à Cameron, en passant par Fincher et Jean-Pierre Jeunet avant de réaterrir entre les mains de son créateur, chaque film Alien à su proposer quelque chose de nouveau. Nouveaux thèmes, nouvelles menaces, nouveaux styles cinématographiques, horreur, drame voire thriller, la saga s’est constamment renouvelée. Oui, Prometheus et Alien : Covenant ont été boudés par une partie des fans, mais impossible d’ignorer la richesse de certains thèmes et idées de ces projets. Pire, ils restent deux films sublimes et très solidement réalisés.
Alien: Romulus se situe entre les deux premiers volets de la franchise, en 2142. Vingt ans après le crash du Nostromo, trente-sept ans avant le réveil d’Ellen Ripley. Le personnage de Sigourney Weaver (un temps envisagée pour un retour dans la saga) laisse sa place à Rain Carradine, une jeune minière tentant par tous les moyens de quitter la planète aux conditions de vie difficile ou elle vit. Elle n’est pas seule. Accompagnée de son androide Andy et de cinq amis, elle décide d’explorer une station spatiale à l’abandon, à proximité. Si vous découvrez l’univers d’Alien avec ces lignes, vous vous demandez surement ce qui la retient de s’enfuir, elle qui peut si facilement quitter la planète. Tout simplement car les voyages sont longs, très longs et nécessitent aux voyageurs de se placer en cryosommeil. Et, miracle, la station abandonnée en contient des capsules. Vous vous en doutez, celle-ci n’est pas abandonnée pour rien et les choses vont très vite partir en sucette.
Je ne mentirai pas sur vos chances de survie…
Si l’on devait résumer cet Alien : Romulus, ce serait en quelques mots : efficace mais sans grandes surprises. Fede Alvarez, grand fan de la saga, a voulu honorer le plus de choses possibles, quitte à se disperser. Si chaque film se différenciait jusqu’ici, qu’il s’agisse des thématiques, du genre ou encore du style même de la narration, Romulus va piocher dans chacun d’eux, sans chercher à apporter quelque chose de bien nouveau. Pire, il le fait en moins bien. Déjà, difficile de réellement s’attacher à tous les personnages principaux. A l’exception de Rain et d’Andy, ils ne sont absolument pas développés ou bien introduits. Dommage, dans la mesure où la caractérisation des protagonistes dès la première scène fut l’une des forces de la saga (même dans Prometheus). De même pour les thématiques, revues ou peu exploitées et utilisant des ficelles trop connues de la saga. Pas de quoi fouetter un xénomorphe, l’histoire se suit malgré tout avec plaisir et le scénario est globalement réussi. Seulement in-fine, on se demande fatalement ce que le film apportait à l’univers. La réponse blesse : trop peu. Alien : Romulus confirme certaines théories liées aux projets scientifiques sur les créatures, pose tous les pions pour une suite avec ou sans les protagonistes, mais reste trop en surface de ses idées.
L’autre souci, c’est qu’il semble incapable d’assumer clairement une direction et bafoue même sa bestiole à de rares occasions. Nous citerons comme exemple une scène ou les protagonistes affrontent désarmés une armée de Facehuggers. Oui, une armée, quand dans les films précédents, un seul spécimen suffisaient à déclencher un joli carnage, de par leur force et leur agilité. Mais, là ou le vaisseau blesse, c’est sur le manque de frayeur et de menace réelle que représentent les Xénomorphes. Romulus les présente, comme toujours, comme la forme de vie ultime. Malheureusement, si l’alien va effectivement causer un joli carnage, on ne ressent que trop peu cette intelligence froide et hors du commun si caractéristique dans les précédents opus. Le film n’est jamais effrayant, sauf à quelques très rares moments ou il réussit à créer une véritable tension. Quelques jumpscares fonctionnent, malgré tout. On se retrouve face à un bon film d’action, mais il manque quelque chose pour réellement le qualifier de très bon film Alien.
… mais vous avez ma sympathie.
Car, pour le reste, on se retrouve face à un superbe film de science-fiction. Doté d’un budget de 80 millions de dollars (il faudrait sérieusement fouiller dans les affaires de Disney pour comprendre pourquoi leurs films du MCU à 300 millions sont aussi immondes), le bébé de Fede Alvarez reprend les codes de la saga pour le pire, mais aussi pour le meilleur. Quelques apparitions du xénomorphe, bien que parfois trop portées sur le fan service sont réellement bien foutues. L’équipe technique a voulu utiliser le plus d’effets pratiques possibles et on le ressent réellement à l’écran. Bon, 2024 sous Disney oblige, on n’échappe pas à quelques effets CGI hideux, mais c’est l’époque qui le demande. Tout dépend, encore, de quel film le réalisateur s’inspire. Difficile de ne pas remarquer son admiration sans limite pour le tout premier, tant cette partie est plus maitrisée. On ne voit que peu la bestiole et savoir qu’elle rode quelque part rend la menace inquiétante. La réalisation, accouplée à un joli mixage son et une magnifique photographie, donne lieu à de sublimes séquences. Dommage que le changement de ton, plus proche d’un Aliens: le retour, gâche une partie du plaisir. Moins maitrisé dans sa narration mais restant irréprochable dans sa direction artistique, le deuxième acte souffre de quelques longueurs et facilités scénaristiques déconcertantes. Puis, en bon héritier de la saga, Alvarez propose un superbe climax, certes aux codes déja vus, mais diablement efficaces ! Et, contrairement à Covenant qui proposait un superbe climax qui n’a jamais débouché sur une suite, l’intrigue est ici conclue à la fin du long-métrage.
Alien: Romulus est-il un bon film ? Oui, indéniablement. Est-il un bon film Alien ? Aussi. Les amateurs adoreront surement, bien qu’ils manqueront une grande partie des références visuelles ou narratives. D’ailleurs, le film fait le choix surprenant et à la moralité douteuse de reproduire numériquement un acteur décédé depuis plusieurs années, sans raison scénaristique valable autre que pour le fan service. On le qualifierait presque comme le Star Wars VII de la saga, de par son manque d’originalité et son absence de prise de risque. Qui a dit que c’était devenu la marque de fabrique de Disney ? Si suite il y a, espérons qu’elle saura approfondir les idées et themes restés en suspens. Et, tant qu’on y est, laissons à Ridley Scott l’occasion de finir sa carrière avec un ultime film. Non ?
Bande-annonce – Alien : Romulus
Fiche Technique – Alien : Romulus
Réalisation : Fede Alvarez
Scénario : Fede Alvarez / Rodo Sayagues
Musique : Benjamin Wallfisch
Casting : Cailee Spaeny / David Jonsson / Archie Renaux / Isabela Merced
Décors : Naaman Marshall
Prodution : 20th Centuty Studios et Scott Free Productions
Distribution : 20th Century Fox
Durée : 119 minutes
Genre : Science fiction / Horreur
Sortie : 14 aout 2024 en salles