Il y a ainsi quelque chose de jubilatoire à voir un vieux cogner et tirer des mafieux russes comme à la foire, avec son père octogénaire, cassant un jeunisme du film d'action qui nous a fait perdre tant d'acteurs qui auraient bien voulu s'amuser avec nous. La scène de fin, folle, échappe comme un Fast and furious aux critiques qui louperaient le coche : ce Nobody n'est pas une personne.
Inscrit1 mars 2019
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Vieux briscard de la cinéphilie de province, je suis un pro de la crastination, à qui seule l'envie d'écrire résiste encore. Les critiques de films sont servies, avant des scénarii, des histoires et cette fameuse suite du seigneur des anneaux que j'ai prévu de sortir d'ici 25 ans. Alors oui, c'est long, mais je voudrais vous y voir à écrire en elfique.
Chez James Cameron, ces bourgeois là ne font que se pavaner, sourire et chanter, sans jamais penser aux autres, même pas à eux : seulement à leur image. Dans un sens, la bourgeoisie est le seul groupe du film littéralement cinégénique, se mettant en scène dans un cadavre exquis dont elle ne peut pas avoir conscience.
La nature magnifiée est ici mentale, proche cousine de celle qu'on découvre en quittant nos villes aujourd'hui, heureuse de tendre la main aux contes de ces petits et grands enfants qu'on sera tous ravis d'inviter lors de nos futures promenades.
Un cinéaste aussi malin que Paul Verhoeven jubile avec le spectateur de son dispositif et de cette exposition magistrale, renversant tout le modèle reaganien du héros des années 90. Le rêve hante Total Recall, s'invite au casting et mène le bal.
Norm et Marge sont des marginaux dans le cinéma hollywoodien. Pas de roucoulades, de passion effrénée, aucun artifice. Le mari peint et fait la cuisine, elle lui apporte des vers de terre entre deux burgers au boulot, pour aller à la pêche. Ils regardent la télé ensemble le soir dans le lit, les yeux vides. A la fin du film, ils se disent « je t'aime ».
Fasciste, wagnérien, nazillon, pourquoi pas, Starship Troopers est devenu un nouveau monument incompris d'une filmographie pourtant la plus trépidante des années 90. Que de telles images ait été prises au premier degré, dans une société façonnée par les images comme aucune autre, en dit long sur la violence qu'il exprime et celle avec laquelle ce film a été rejeté.
Le temps passant, on regardera L 627 avec le recul de spectateurs saturés de nouvelles icônes, d'autres sujets traités avec, ouvrez les guillemets, « réalisme » dans des plans bien dessinés, des transitions parfaitement calibrées, sans caméra qui tremble. Pourtant, ici, si elle tremble sur son épaule, c'est parce qu'elle vit.
Romy Schneider chez Claude Sautet, cela n'a jamais été une évidence, pour l'un comme pour l'autre, et c'est dans cette précieuse banalité des choses de la vie que naissent des regards et un visage.
Le dispositif maîtrisé, les balancements de l'écran se feront plus délicats, plus fluides : on se surprend à se contenter intérieurement d'un beau panoramique qu'on a mené en harmonie, accompagnant avec fluidité la marche d'un acteur. Au casting, ils sont d'ailleurs impeccables dans cet exercice si particulier, charismatiques, délicats, eux aussi dans leurs interprétations pour mieux baliser un récit littéralement porté à deux mains
Avec Ghost of Mars, John Carpenter tourne encore avec le style et la patte fauchée qui ont construit une filmographie à contre-courant de ce que la série B devenait déjà en 2001 : une série de films interchangeables, hantés par les blockbusters en cherchant à chaque plan l'évocation de masses, les grands angles et le style assommant.
Rocky et les autres étaient des héros cernés par le regard, John était celui qui se fait des cernes quand il en a enfin un. Après vient le délire. Deux costauds à grosses lunettes attaquent une chaîne de télé avec leurs fusils à pompes, arrosent à foison les flics, les journalistes, les cravateux et les bourgeoises.
Avant que l'esprit Disney rentre dans tous les cerveaux des scénaristes et que les morts ne sortent du champ des caméras, The Thing chantait déjà la fin d'une série B paumée, tendant les bras au succès à tout prix sans savoir quoi en faire. Après lui, John Carpenter redevient le marginal, le punk, la cassandre qui recevra des lauriers bien trop tard, mais les seuls qui valaient. Il retourne à ses séries B mises de côté pour le grand public par les barbouzes des études de marché, des projections-test et des reshootings. A ces personnes-là, la scène de fin la plus ouverte de John Carpenter sonne comme une sentance. Le monde mérite-t-il d'être sauvé? C'est peut-être pire : il ne mérite même plus que l'on se pose la question.