Bleed Them Dry emprunte à Blade pour portraitiser un futur dystopique où l’humanité doit composer avec les vampires et les hybrides. L’intrigue prend pour cadre la Cité-État d’Asylum, en l’an 3333. La planète est quant à elle soumise aux catastrophes naturelles et aux famines.
Bienvenue dans la République internationale des personnes déplacées, aussi appelée Asylum. Les inspecteurs Harper Halloway et Atticus Black sont chargés d’enquêter sur l’homicide de la procureure Aikido, perpétré dans la Tour métropolitaine. Les médias annoncent qu’il s’agit du quatrième immortel assassiné ces dernières semaines. C’est l’une des caractéristiques premières de Bleed Them Dry, dont l’univers est proche de Blade : vampires et hybrides cohabitent avec les humains, un état de fait dont les raisons ne sont éventées que tardivement. L’an 3333 dans lequel se déroule l’histoire est aussi marqué par les catastrophes climatiques, la pollution, les famines. À la télévision, les appels aux dons pour sortir les Américains du dénuement sont légion.
L’essentiel du récit est articulé autour de deux personnages, auxquels s’ajoute un troisième dans la seconde moitié de l’album. L’inspectrice Harper Halloway est une ancienne alcoolique qui peine à trouver le sommeil, probablement assaillie par les visions cauchemardesques inhérentes à son métier. Son coéquipier Atticus Black mène un double jeu qui sera révélé en cours de lecture, ce qui ne l’empêche pas de prendre du galon. Enfin, un ancien yakuza, détenteur de réponses existentielles, viendra se mêler au duo devenu antagonique. Ce personnage éclaire d’ailleurs la dimension orwellienne du récit. « Tout ce que tu crois savoir de ton monde n’est que mensonge. » Et en effet, l’histoire officielle est, dans Bleed Them Dry comme dans 1984, réécrite par le pouvoir/les vainqueurs. D’autres éléments empruntent davantage à Blade Runner (l’architecture, la typologie des personnages, la technologie, les hologrammes), à RoboCop (les prothèses biomécaniques du policier-vampire) ou à Soleil vert (la gelée de légume synthétique).
Avec Bleed Them Dry, Eliot Rahal, Dike Ruan et Hiroshi Koizumi façonnent un récit rythmé, très référencé, mais pas forcément des plus inventifs. On y retrouve une réflexion convenue sur les vertus de l’immortalité rapportées à celles de l’humanité. L’intrigue policière dérive ainsi vers des questions existentielles, mais aussi des séquences d’action, parfaitement dessinées, où récits de vampires et de ninjas se réinjectent volontiers l’un dans l’autre. Le tout est enrobé de considérations institutionnelles (mairie, capitanat policier, presse, voire Église), ce qui a le mérite d’ancrer Bleed Them Dry dans une réalité sociale et politique palpable. On reste toutefois sur notre faim. Il est difficile de ne pas songer aux multiples opportunités de développement qui s’offraient aux auteurs. Il en va de même avec l’arche romantique du récit : la relation entre l’inspectrice Harper Halloway et son ex-compagne Cam occupe une place sans doute trop chiche dans l’album, dont la plus-value est en outre discutable.
Bleed Them Dry, Eliot Rahal, Dike Ruan et Hiroshi Koizumi
HiComics, août 2021, 168 pages