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Un « Abécédaire irraisonné » du cinéma d’horreur aux éditions Ocrée

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Erwan Bargain publie aux éditions Ocrée l’Abécédaire irraisonné du cinéma d’horreur et d’épouvante contemporain, une sélection personnelle, et donc tout à fait subjective, d’entrées relatives aux films horrifiques et à leurs metteurs en scène. D’Alien à Scream, de John Carpenter à Stanley Kubrick, l’auteur, journaliste indépendant et contributeur régulier au magazine L’Écran fantastique, revient avec passion sur quelques morceaux de choix d’un genre riche en chefs-d’œuvre, motifs récurrents et séries B ou Z inventives.

Le cinéma d’horreur et d’épouvante a ses bonnes histoires, ses artisans chevronnés et ses fulgurances passées à la postérité. C’est le travail réalisé par H.R. Giger et Dan O’Bannon pour l’avorté Dune d’Alejandro Jodorowsky réemployé dans l’Alien de Ridley Scott. Un chef-d’œuvre caractérisé par son huis clos spatial, sa créature féroce biomécanique et son héroïne forte en gueule. Ce sont les effets visuels de Rick Baker, couronnés du premier Oscar décerné pour les maquillages, rendant si spectaculaires une transformation lycanthropique ou des zombis décharnés, dans un film mêlant l’horreur et l’humour, à savoir Le Loup-Garou de Londres. C’est une ouverture sacrificielle devenue mythique, celle de Scream, un slasher emblématique des années 90 et qu’un scénario méta-fictionnel signé par Kevin Williamson conduira à la renommée mondiale. Erwan Bargain ne s’y trompe pas en mettant en exergue ces films et personnalités dans un Abécédaire irraisonné plus passionné qu’exhaustif – on aurait ainsi aimé lire, par exemple, que l’alien dispose d’attributs féminins (et pas seulement virilistes comme énoncé) ou que la Drew Barrymore de Scream cite, au moins implicitement, la comédienne Janet Leigh, qui disparaît elle aussi de manière inattendue et précoce dans Psychose.

Alexandre Aja, Dario Argento, Julia Ducournau, Stuart Gordon et Rob Zombie figurent parmi les rares cinéastes faisant l’objet d’une entrée spécifique dans l’ouvrage. Là où d’aucuns s’attendaient probablement à retrouver Wes Craven, John Carpenter, Tobe Hooper, George A. Romero ou Mario Bava, Erwan Bargain fait le choix de se replier sur des figures moins prévisibles (au-delà de Dario Argento) et de mettre sous cloche, du moins pour partie, les morts-vivants, sur lesquels il était déjà amplement revenu à l’occasion de son essai Zombies : des visages, des figures. On se réjouira par ailleurs de la présence dans le corpus d’un long métrage tel que The Mist, qu’Erwan Bargain effeuille avec talent, en revenant tant sur les liens étroits entre l’œuvre de Stephen King et de Frank Darabont que sur ses références télévisuelles, du cadrage ou montage à la The Shield (dont il récupère certains techniciens) à l’atmosphère se réclamant ouvertement de La Quatrième Dimension. L’auteur n’oublie pas non plus qu’au-delà des monstres extérieurs, bien palpables, il est également question de monstres intérieurs, engendrés par la peur et la division. Aux évocations attendues des sagas Halloween, Chucky ou Freddy, ou des incontournables Jaws, L’Exorciste ou The Thing, cet Abécédaire irraisonné mêle des œuvres plus récentes et bien moins commentées.

Il en va ainsi de The Babadook, It Follows, The Purge ou Insidious. Le premier est analysé (notamment) à l’aune de la métaphore psychologique et filiale, le second en considérant la perte d’innocence et la transition difficile vers l’âge adulte, le troisième par le truchement de son sous-texte politique et dystopique, le dernier à la lumière du spiritisme et de ses environnements sonore et visuel. Erwan Bargain papillonne autour des films plus qu’il ne les épuise ; son essai ouvre des pistes de réflexion, porte un enthousiasme éminemment communicatif et livre, presque toujours, des éléments contextuels de production et de réalisation. Abécédaire de par sa forme, irraisonné en raison de sa partialité revendiquée et de la passion qui s’en dégage, cet ouvrage généreux (456 pages) ravira les amateurs de cinéma horrifique et apporte un crédit appréciable à un genre bien plus sophistiqué et pluriel qu’il n’y paraît de prime abord.

Abécédaire irraisonné du cinéma d’horreur et d’épouvante contemporain, Erwan Bargain
Ocrée, octobre 2022, 456 pages

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