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Pris au piège chez Carpenter

Charlotte Quenardel Redactrice LeMagducine

Bon nombre de films ont été réalisés sous les thématiques de  l’emprisonnement et de la claustration. Ce qui est intrigant dans le cinéma de John Carpenter, c’est que ces thèmes sont récurrents tout au long de sa carrière, néanmoins sous de multiples formes.

Figure emblématique du cinéma pour ses classiques de l’horreur et de la science-fiction, John Carpenter adore nous présenter des facettes intemporelles et représentatives de sa pensée profonde sur le monde.

Notamment connu pour ses anti-héros en raison de son amour des westerns, un autre phénomène tout aussi répandu est à observer dans ses oeuvres ; cette porte cloisonnée, semblable au mal, est imposée à ses personnages, que ce soit dans leur psyché, leur environnement ou encore dans leurs choix.

Bercé par une époque hawksienne et avant-gardiste du genre de la science fiction (notamment avec la Quatrième Dimension), son amour du cinéma se ressent au travers de ses œuvres qui, pour la plupart se retrouvent aujourd’hui classées au rang de films cultes malgré une audience austère à leur époque.

Pour cela, le cinéaste a pris soin de proposer à ses spectateurs un voyage en première classe dans les méandres de la peur. Par des concepts divers et variés et tour à tour, les personnages de Carpenter demeurent captifs, que ce soit dans une station de recherche en Antarctique, d’une brume fantomatique ou encore du croque-mitaine, la notion de sentimentalisme n’a guère sa place chez Big John. Et même quand il s’attaque à des biopics, le réalisateur porte son intérêt sur une personnalité de la musique qu’on savait prisonnière de son impresario, à savoir Elvis Presley. Tout se rapporte à cet état de mise à l’ombre et Carpenter se complait dans son rôle de bourreau.

Pour des films comme The Thing, Halloween, Assault on Precinct 13, Someone’s Watching Me ou encore The Fog, les héros combattent pour échapper à un élément extérieur (surnaturel ou bien réel), la plupart du temps piégés dans un espace restreint qui les oblige à regarder quotidiennement derrière leur épaule. Sûrement la grammaire la plus redondante chez le maître de l’horreur et pourtant toujours novatrice sous bien des angles.
They Live et Escape from New York sont quant à eux des emblèmes sociaux et politiques : conceptualisés sous forme brute ou par une invasion extra-terrestre, ils dénoncent ouvertement un monde dans lequel nous sommes coincés face à une société encline au consumérisme, au rapport de force et à la cruauté humaine. Carpenter ne s’est jamais caché de ces idées et les retranscrit parfaitement dans son cinéma qui n’a nulle autre intention que de réclamer une part de liberté et de crier haut et fort fuck the system !
Pour Christine, oeuvre adaptée d’un roman de Stephen King, il est question d’une menace plus sous-jacente, celle de la passion… une passion d’abord obsessionnelle, névrotique puis meurtrière. Le maître mot de cette relation contraste beaucoup avec un autre thème majeur dans le cinéma de Carpenter, à savoir l’altérité. Une idée glaçante mais qui colle parfaitement avec ce film en particulier. Dès le premier regard, le héros se retrouve sciemment piégé par une Plymouth Fury, qui par amour pour son propriétaire, donnera libre court à la violence et le mal qui vit en lui. A croire que Stephen King a volontairement écrit Christine pour les beaux yeux de Big John, qui se voit offrir sur un plateau d’argent la figure féminine de Michael Myers, un être tout aussi maléfique qu’immortel.

“Il n’y a que deux bases aux films d’horreur, deux choses très simples : le mal est autour de toi, et le mal est à l’intérieur de toi.”

Il est donc fascinant d’observer que pour la quasi totalité de sa filmographie, John Carpenter prend un malin plaisir à soumettre son spectateur aux différentes allégories de l’emprisonnement, aussi bien psychologique que physique (comme dans In the Mouth of Madness où cette fois-ci le protagoniste est interné dans un hôpital psychiatrique).

Une subtilité qu’il emportera des plateaux de cinéma aux studios d’enregistrements, telle une emprise résiduelle qui, dans ses musiques entêtantes, marquera au fer rouge cette impression d’essoufflement face à ce qui nous entoure, une présence qui ne nous quitte jamais, logée dans un coin de notre tête et exclusivement réservée à son public. Un cadeau des plus généreux quand on connaît le master of horror.

Redactrice LeMagducine