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Tueurs en séries et en images : ces meurtriers si charismatiques

Roberto Garçon Redacteur sur le MagduCiné

Ils commettent le pire du crime : celui d’ôter la vie. Non sans déplaisir, ils sont les coupables des plus grandes atrocités, pourtant nous les aimons. Ces tueurs maniaques, sociopathes ou compulsifs nous fascinent à travers une obsession quasi-morbide. Dans le cadre de notre cycle sur les tueurs en série au cinéma, on vous parle de nos tueurs favoris. Des fois même nous souhaiterions les voir arriver à leurs fins…

Hannibal Lecter, le dandy Killer de la série de Bryan Fuller

Dans cette version d’Hannibal, Mads Mikkelsen est loin d’incarner un meurtrier repoussant à l’égal d’Anthony Hopkins. Tel une plante carnivore, le Dr Lecteur attire ses victime grâce à sa beauté avant de les dévorer. Tiré à quatre épingles dans son costume de parfait gentleman, il dissimule avec finesse le monstre cannibale qui sommeille en lui.
Sans jamais aucune violence, Hannibal opère ses crimes avec art et minutie. Il force même le respect, tant le meurtre semble facile pour lui. C’est sa confiance en lui et son intelligence qui le rendent autant attirant que dangereux.
Même Will Graham, son ennemi, est fasciné par la beauté de ses crimes, plus que leur horreur graphique. Dans la série, c’est justement sa relation avec Will qui le rend d’autant plus attachant. Le spectateur est bercé d’admiration et tombe lui-même sous le charme de cet anti-héro au goût douteux.

Céline Lacroix

L’emblématique Lecter dans Le silence des agneaux

Dans Le Silence des agneaux, Jonathan Demme met en scène un tueur en série cannibale, docteur en psychiatrie, tribun du mal et manipulateur hors pair. Tôt, on le décrit, par la voix du docteur Chilton, comme « un monstre » et « un pur psychopathe », avant que Clarice, l’héroïne du film, n’assène finalement à son propos, mi-captivée mi-horrifiée : « Il n’y a pas de mot pour le définir. » Enfermé dans un asile de Baltimore depuis huit années, Hannibal est sollicité par le FBI pour aider l’agence à appréhender le serial killer Buffalo Bill, qui kidnappe, assassine et écorche des jeunes femmes dans le Middle West. Anthony Hopkins, malicieux et glacial, c’est-à-dire luciférien, va alors placer son interlocutrice, jeune recrue des fédéraux, dans une situation des plus inconfortables : dépendante des informations qu’il consent à lui donner, elle doit s’épancher, à sa demande, sur sa propre vie et composer avec un sentiment ambivalent de fascination-répulsion. Il suffit de se remémorer les plans serrés sur le visage d’Hannibal ou le monologue mémorable au cours duquel il perce à jour la carapace de Clarice pour comprendre qu’il figure en bonne place, et à bon droit, parmi les tueurs en série les plus charismatiques de l’Histoire du cinéma.

Jonathan Fanara

Keyser Söze, le diable d’Usual Suspects

Pour certains, il ne s’agit que d’un mythe, une légende que l’on se raconterait dans le milieu des criminels pour se foutre la trouille, un peu comme on parlerait du Croque-mitaine pour calmer des enfants récalcitrants. Personne ne l’a jamais vu, et personne ne travaille directement pour lui. Seules circulent des histoires semi-légendaires parlant d’hommes qui connaissent l’homme qui a rencontré un mec qui prétend avoir travaillé pour lui. Keyser Söze serait une idée, un symbole, mais pas une véritable personne. Pour d’autres, il serait bien réel et tirerait justement sa force de ce manque de foi en son existence. Empereur du crime, manipulateur, assassin dépourvu de pitié (on prétend qu’il a tué sa propre famille pour lui éviter de tomber entre des mains ennemies), le mystère qui l’entoure fait de lui un être à la limite du surnaturel, qui paraît être partout à la fois et diriger voleurs et policiers comme des marionnettes.

Hervé Aubert

Le pionnier du crime dans M le Maudit

Chef d’œuvre du cinéma allemand, M le Maudit met en scène un des premiers tueurs en série du septième art. Un meurtrier qui terrorise la population en assassinant des enfants. Un mal sans nom, filmé dans l’ombre, régi par des pulsions incontrôlables et insatiables. Une présence hors champ oppressante, manifestée par le sifflement angoissant de Peter Lorre. Recherché par la pègre comme par la police, le tueur installe une véritable psychose au sein du peuple. Les habitants se soupçonnent mutuellement et sont prêts à lyncher de rage ce meurtrier au tribunal. Figure intemporelle, M le Maudit symbolise la criminalisation de la société en pleine montée en puissance du nazisme, tout en abordant les débats de l’irresponsabilité pénale des aliénés et de la peine de mort. Hans Beckert ouvre ainsi une réflexion sur l’opposition entre l’humain et une force sexuelle instinctive, le bien et le mal. Tueur schizophrène, M le Maudit expose aux citoyens et aux spectateurs, dans un monologue d’anthologie, une impressionnante autoanalyse psychologique révélant la dualité de son moi et de son surmoi : « je n’ai aucun contrôle sur cette chose diabolique en moi (…) Quelqu’un me suit, en silence… mais je sens sa présence derrière moi… cette ombre, c’est moi ! ».

Ariane L.Emmanuelle

Norman Bates dans le Psychose de Gus Van Sant

Gus Van Sant réalise en 1998 un remake du classique d’Alfred Hitchcock (1960), digne d’une réalité parallèle. Le plan de tournage est respecté, la quasi totalité des plans (95%) sont conservés, avec les mêmes cadrages, le même script et un autre casting. Si pour l’ensemble des acteurs, les choix collent au mieux avec la première mouture, deux acteurs sont terriblement exposés : Anne Heche, qui porte sur ses épaules la scène de la douche 2.0. L’autre, c’est Vince Vaughn. De formation comique, plus expressif, moins théâtreux, l’acteur tranche avec le légendaire Anthony Perkins. Plus costaud, plus expressif, si différent à mettre en scène. Là où en 1960, le tueur est ainsi un vrai visage d’ange ne montrant rien, le second reprend le costume pour deux publics : ceux qui ont vu le premier film et ceux qui ne l’ont pas encore vu et ne comptent peut-être pas le voir. Pour ceux-là, le langage cinématographique, la mise en scène et la direction d’acteurs ont changé. Le tueur incarné par Vince Vaughn apparaît plus inquiétant. On pense à son regard de fin, beaucoup moins sybillin qu’en 1960. Il incarne plus vite le malaise. En 1998, le visage d’un tueur en série est ainsi celui de sociétés qui ne découvrent plus le phénomène au cinéma : le regard porté sur un homme seul accueillant une jeune femme dans un motel perdu et miteux est évidemment méfiant. Malgré le contexte plus favorable sur ce point, c’est tout le génie d’Antony Perkins en 1960 d’avoir déjà réussi à faire oublier cet aspect qui a couronné sa carrière. Pour Vaughn, son talent repose dans une réelle modernisation du rôle, qui ne pouvait de toute façon pas singer la première interprétation. Si le film de Gus van Sant joue ainsi avec cette notion de mimétisme d’un point de vue esthétique, la performance de son tueur en série paraît hantée par ses premiers fantômes. Il est moins fin, plus prévisible, plus crade. Le malaise passe par lui, beaucoup moins que par la mise en scène 38 ans plus tôt. Ce tueur de 1998 vit sa névrose obsessionnelle et sa schizophrénie, l’ingère et tout se voit. Sur son visage, son corps et dans son regard. C’est une peur plus vivace qui nous saisit lorsqu’il nous regarde dans les yeux, mais plus fugace, incontestablement moins obsessionnelle qu’un autre regard si terriblement ambigu, sur la pellicule noir et blanc. Cette interprétation est aussi celle d’une réelle évolution du regard porté sur les tueurs en série : moins imprévisibles, plus malades, leur aspect asocial ressort bien plus chez Gus van Sant, avant que d’autres cinéastes ne se penchent sur leur représentation.

Romaric Jouan

Villannelle, l’obsessionnelle de Killing Eve

À l’instar de ce qu’elle fait ressentir à Eve, Villanelle fascine le public depuis le début de Killing Eve. De ses éclats de génie dans ses meurtres aux fantasmes réciproques éprouvés par les deux personnages féminins, l’intelligence avec laquelle elle tue la rend malsaine et passionnante. C’est d’ailleurs souvent cela le propre des tueurs en série dans les films et séries. Ils sont très souvent érotisés et rendus héroïques dans leur procédé d’action. Killing eve ne déroge pas à la règle mais c’est surtout grâce à Jodie Comer et sa capacité folle à jouer de ses expressions non verbales et à s’amuser du public et de ses victimes. Un aller-retour entre meurtre et désir qui se lit sur son visage et dans la construction très habile de son personnage, jamais lassant, toujours surprenant. Villanelle dégage quelque chose qui fait de Killing Eve une série très rapidement addictive.

Gwennaëlle Masle