Ce mercredi débarque pour la première fois en vidéo en France UTU. Réalisé en 1983 par le Néo-Zélandais Geoff Murphy, le long métrage nous plonge dans les dernières années des Guerres de Nouvelle-Zélande et suit la désertion puis la vengeance du caporal Te Wheke, un guerrier maori alors prêt à tout pour exterminer les britanniques.
Synopsis : Nouvelle-Zélande, 1870. Te Wheke, un éclaireur maori des troupes coloniales, retrouve sa tribu massacrée par l’armée – et notamment son colonel – pour laquelle il travaille. Trahi et étreint par la douleur, il jure d’infliger le même châtiment – Utu soit vengeance en maori – aux Pakeha (les Néo-Zélandais d’origine européenne)…
« On a une Histoire qui est à tous » – Geoff Murphy
La citation du scénariste et réalisateur du film est conséquente pour approcher UTU. Si le synopsis suggère un revenge movie suivant Te Wheke, le long métrage suit différents points de vue. En effet, le film va capter les parcours de différents personnages pris dans la tourmente des combats et de la vengeance du Maori. Williamson, un mari venant de perdre sa femme assassinée par Wheke, part alors à sa poursuite en quête de vengeance ; un jeune officier aux tactiques prometteuses ne cesse de voir son habilité au combat remise en question par son supérieur ; ce dernier, colonel, est un crétin arrogant pédophile qui n’a d’yeux que pour la gloire ; Wiremu, un officier maori au service des Britanniques, ouvert au monde et connecté à ses racines et à sa terre, accomplit son devoir sans oublier le sens de la justice ; une jeune Maori jongle entre le camp de Te Wheke et celui des British, elle se rapprochera d’ailleurs du jeune officier ; un des soldats de Wheke est fidèle à son poste puis sera blessé au cours d’une bataille pour être assassiné par son propre leader… Autant de regards croisés qui vont venir construire le périple historique et donc collectif d’UTU.
Cette expérience plurielle de l’Histoire trouvera son point culminant dans l’émouvante scène finale du film (attention, les lignes qui vont suivre risquent de vous spoiler la fin du métrage). Te Wheke est blessé puis arrêté après une importante traque et un tumultueux gunfight. Le veuf, qui n’aura cessé de s’armer lourdement (on le retrouvera dans le dernier acte avec un fusil à quatre canons), réclame la vengeance. La cousine du soldat de Wheke assassiné, qui est aussi la mère de la jeune amoureuse qui aura aussi été tuée des mains de Te Wheke, veut elle aussi se venger. Le jeune officier, qui préside un tribunal militaire de fortune, déclare l’inculpé coupable, mais il désire surtout le voir mort parce qu’il a perdu son amour maori. Multiples sont les individus qui cherchent à mettre en œuvre leur vengeance, soit Utu. C’est l’officier Wiremu qui leur fait remarquer cela. Ils sont aveuglés comme Wheke a pu l’être. Oui, ce dernier est coupable : il a assassiné des innocents, tué ses pairs pour leur fragilité ou par paranoïa… L’officier explique alors qu’il est le plus impartial juge d’entre tous, quand bien même il serait le grand frère de Te Wheke. Il a d’ailleurs abattu le colonel en pleine bataille sans qu’il soit reconnu par un soldat. Car il fallait rendre justice. Le colonel était responsable du massacre et de la destruction du village, cause de la quête de vengeance de Te Wheke. A ce propos, ce dernier, lors de son périple vengeur, a rendu coup pour coup, a pris un civil pour un Maori tué, et caetera. Mais il est allé bien au-delà. Ainsi justice doit être rendue. Si celle-ci sera executée par un coup de fusil, Wiremu la rendra dans la paix via un rituel maori que toutes et tous partageront.
Cette merveilleuse séquence met en avant l’harmonie d’hommes et femmes de groupes différents et aux objectifs propres conséquents. Tous réussissent à aller au-delà, pour se réunir autour d’un rituel qu’ils partagent et qui leur appartient à tous. Murphy met ainsi fin aux violences de son western en mettant face à l’Utu qui traverse l’ensemble du film une réunion harmonique néo-zélandaise. Les combats continueront même dans cent ans, déclarait un jeune Maori au service des Anglais. Peut-être, nous répond le film, mais savourons ce moment de paix. Enfin, Wimeru confirme à Te Wheke qu’il ira au paradis malgré tout. Car Utu est un mal bien humain et qui n’a pour l’instant cessé de hanter les esprits. Mais lorsque les ténèbres nous aveuglent, n’oublions pas ce qui est juste, le dialogue, la communion avec l’autre et notre espace… N’oublions pas de faire exister la paix.
Une édition vidéo soignée
La Rabbia propose de découvrir le film dans une édition vidéo soignée, que ce soit en DVD ou en Blu-ray, malgré une certaine instabilité visuelle sur certains plans et quelques flous. Grâce à un remaster formidablement réussi, le grain est préservé sans être envahissant. Au niveau sonore, le film, à nouveau grâce au remaster, a bénéficié d’une piste 5.1 supervisée elle aussi par le réalisateur. Du côté des bonus, vous trouverez un making of inédit fort intéressant d’une durée de quarante minutes, ainsi que l’éternelle présence de la bande-annonce du film. Ces deux éléments sont complétés par un livret empli de « photos inédites » et de textes revenant entre autres sur l’intrigante histoire de la tumultueuse remasterisation du film. La Rabbia propose ainsi une excellente édition pour découvrir ce monument néo-zélandais dans une version redux supervisée par l’équipe d’origine. Ainsi la version proposée ici n’est pas celle (d’origine) qui a pu être vu au Festival de Cannes en 1983 et en Nouvelle-Zélande à l’époque mais elle porterait la vision « ultime » d’UTU, dixit son scénariste-réalisateur Geoff Murphy : « Le film est plus âpre, plus intelligent, ce qui le rend plus fort. Nous avons retiré des choses qui à l’époque étaient drôles ou pertinentes mais qui, trente ans plus tard, n’ont plus aucun sens. Le travail de Weta Digital sur l’image est incroyable. Elle est plus belle que lors de la sortie initiale du film. Quant au son, il a été remixé en stéréo 5.1. C’est une toute nouvelle expérience. Je suis fier d’y avoir participé. » Quant aux scènes retirées du montage original, ou aux scènes déjà coupées à l’époque, aucun élément n’est présent dans les bonus de l’édition.
Bande-Annonce – UTU, ressortie vidéo chez la Rabbia
INFORMATIONS TECHNIQUES
Langue : Maori et Anglais – Sous-titres : Français – Son : Dolby Digital et DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 – Image : 16/9 – 1.85 – Couleur – Durée : 1h48
SUPPLÉMENTS
Le making of de 1983 réalisé par Gaylene Preston (42 mn) – La bande-annonce version restaurée – le livret de 40 pages
Prix public : 24,99 €