Réalisé entre La Garçonnière et Irma la douce, Un, deux, trois n’est pas le film le plus célèbre de Billy Wilder. Sa sortie en DVD et Blu-ray aux éditions Rimini permet de réparer cette injustice et de faire découvrir un film hilarant au rythme impressionnant.
Nous sommes à Berlin, le Berlin divisé en secteurs à l’époque de la Guerre Froide, juste avant la construction du Mur qui coupera la capitale en deux. Bien entendu, le conflit entre les deux blocs est au centre de Un, deux, trois, et dans un premier temps Wilder décide de renvoyer dos à dos communistes et capitalistes. Ainsi, Russes et Américains ont leur propre propagande (les défilés avec le portrait de Krouchtchev d’un côté, la pendule où le coucou est remplacé par l’Oncle Sam de l’autre côté). A la dictature du PCUS répond la dictature du marché. Les Soviétiques rendent des comptes au Comité Central, et les Américains au conseil d’administration. Mc Namara, le président de la succursale berlinoise de Coca-Cola, dépend entièrement de son patron Hazeltine comme les agents communistes dépendent de leur hiérarchie.
Et au milieu de tout cela, il y a aussi les Allemands, à peine (voire pas du tout) dénazifiés. Le passé du IIIème Reich est toujours d’actualité ici : les anciens S.S. se retrouvent un peu partout, et les employés ont conservé des réflexes hérités de l’époque hitlérienne (tout en ayant appris à mimer l’amnésie).
Comédie à toute allure
Une fois ce cadre posé, Billy Wilder va pouvoir dérouler sa comédie à une vitesse impressionnante. Un, deux, trois est un tourbillon qui entraîne tout sur son passage et file à toute vitesse, en grande partie grâce à un James Cagney qui rappelle fortement Groucho Marx. Wilder multiplie les scènes et joue sur tous les types de comique : satire, caricature, jeux de mots, comique de situation, etc. Les dialogues enchaînent les calembours dont certains sont impossibles à traduire.
L’action, quant à elle, n’est pas sans rappeler celle de Ninotchka, de Lubitsch. Elle se déploie principalement de chaque côté de la frontière qui sépare Berlin, et il est possible d’affirmer que la ville dans son ensemble est un des protagonistes du film (comme elle l’avait déjà été dans un des précédents films de Wilder, La Scandaleuse de Berlin, avec Marlene Dietrich). Les personnages passent d’un secteur à l’autre, de l’Ouest à l’Est, mais cette frontière joue aussi un rôle dramatique dans l’action, lorsque McNamara manigance pour se débarrasser d’un personnage trop gênant en le faisant arrêter par la douane est-allemande. Tout cela peut nous rappeler que Berlin tient une place fondamentale dans la carrière de Wilder, puisque c’est là-bas qu’il débuta dans le cinéma…
Donc, au milieu de cette situation politique et économique très particulière, et alors qu’il est dévoré par l’ambition d’employer Coca-Cola pour conquérir l’URSS, McNamara apprend qu’il va devoir faire la nounou pour la fille de son patron, envoyée en Europe pour lui permettre d’oublier le joueur de basket avec lequel elle s’est fiancée (dans des conditions rocambolesques). Bien entendu, rien ne se passera comme prévu et la petite terreur, très attirée par les garçons, va créer un enchaînement d’événements pour le moins inattendus.
Compléments de programme
C’est donc ce film, pas le plus connu de Wilder, réalisé juste après La Garçonnière, que les éditions Rimini nous proposent de voir ou revoir, et c’est un plaisir de chaque instant. Les gags vont tellement vite qu’il faut plusieurs visionnages pour les saisir tous. Le scénario est d’une belle intelligence. On rigole franchement tout au long du film. Et le rythme est impressionnant.
En plus de l’habituelle bande annonce, le film est accompagné de deux bonus plutôt intéressants. L’un est une conversation entre deux critiques (Mathieu Macheret, du Monde, et Frédéric Mercier, de Transfuge), qui analysent le film et le situent dans la carrière de Wilder.
Le second est rarissime : une émission de radio américaine de 1970 lors de laquelle Wilder fut interrogé par un journaliste pendant une heure. L’occasion d’écouter ce grand homme, qui faisait souvent preuve d’autant d’humour dans ses entretiens que dans ses films.
En bref, une fort belle édition qui mérite d’être vue.
Caractéristiques du Blu-ray
français ou anglais sous-titré français
16:9 compatible 4/3 format d’origine respecté 2.35
Pal
105 Minutes
Noir et Blanc
mono
Bonus :
Conversation entre les journalistes Frédéric Mercier et Mathieu Macheret (36 minutes)
Entretien audio avec Billy Wilder (émission de radio de mars 1970) (57 minutes)
Film annonce
Livret de 28 pages écrit par Marc Toullec