Amateur de cinéma gothique, les éditions Artus Films vont vous réjouir avec un petit bijou (et une rareté), Le vampire et le sang des vierges, un des uniques films d’horreur gothique allemand des années 60. Au programme : une malédiction, des morts toujours bien vivants, des forêts de cadavres, un château maudit et… Christopher Lee !
Poursuivant sa collection des chefs d’œuvre du gothique, les éditions Artus Films (qui ont, il faut le signaler, un fort beau catalogue de films de genre et de cinéma bis) nous proposent donc une rareté, Le vampire et le sang des vierges, d’Harald Reinl. Le film, adapté lointainement de la nouvelle d’Edgar Allan Poe Le Puits et le pendule, est une des rares productions du genre dans une Allemagne qui s’était surtout distinguée, à l’époque, avec ses films policiers, les krimis. Comme l’expliquent Christian Lucas et Stéphane Derderian dans le bonus de présentation du film, si le genre était populaire en Allemagne, c’était uniquement avec des films importés d’Italie (les films de Mario Bava) ou d’Angleterre.
Cette double influence se fait ressentir dès la scène d’ouverture, qui fait inexorablement penser au Masque du Démon, de Bava : une personne condamnée à mort à qui l’on applique un masque garni de pointes avec de l’exécuter. L’influence du cinéaste italien se fait aussi ressentir dans le traitement des images, et en particulier des couleurs : Harald Reinl parvient à instaurer une ambiance angoissante à travers son travail sur les décors et l’environnement visuel du film, surtout dès que l’on sort de la petite ville où se situe le début du film.
Une des scènes majeures du film, de ce point de vue, est la traversée d’une forêt maudite pour se rendre au château du comte Regula. Une forêt où les cadavres démembrés se mêlent aux arbres, comme si la nature elle-même avait été affectée, transformée par la présence du mal. Une des forces de ce film est de prendre le temps d’implanter son ambiance horrifique avant d’entrer dans le vif du sujet. Cela permet à Reinl de nous offrir quelques scènes vraiment réussies, mais aussi à contourner le défaut majeur d’un scénario très léger.
Pour faire simple, Le vampire et le sang des vierges nous parle d’un comte criminel, Frederic Regula (qui n’est pas du tout un vampire, il ne faut pas se fier au titre français ; le titre allemand original, Die Schlangengrube und das pendel, signifie “La Fosse aux serpents et le pendule”, et c’est beaucoup plus proche du film), condamné pour avoir torturé à mort douze vierges. Il a été dénoncé par celle qui aurait dû devenir sa treizième victime mais qui a réussi à s’échapper. Avant d’être écartelé, Regula lance une malédiction sur celle qui l’a dénoncé et sur le juge.
Le reste du film se déroule trente-cinq ans plus tard, lorsque deux personnes, Lilian von Brabant et Roger Monte Elise, reçoivent une invitation pour se rendre au château d’Andomai. L’invitation est signée par le comte Regula.
Bien entendu, la présence de Christopher Lee dans le rôle du comte Regula renvoie forcément aux productions de la Hammer. Outre la présence du grand acteur, là où l’influence du gothique britannique se fait aussi sentir, c’est dans l’érotisme assumé du film, ainsi que le plaisir pervers à la perspective de la souffrance des personnages.
Cependant, si l’influence est évidente, Harald Reinl fait de son film Le vampire et le sang des vierges une œuvre typiquement allemande, en particulier dans le choix de la ville bavaroise de Rothenburg ob der Tauber pour filmer la première partie.
Tous les éléments constitutifs de l’horreur gothique sont présents ici : la lande désertée parsemée d’arbres morts et de crucifix censés chasser le mal, les statues anxiogènes, la procession religieuse contre “le mangeur d’hommes du Sanderthal”, la malédiction, des bâtiments en ruines, une population effrayée et un serviteur effrayant, et surtout le château comme lieu maudit au milieu d’une terre desséchée, objet de toutes les peurs et légendes, lieu dédié à la souffrance.
L’esthétique du film joue aussi beaucoup sur les lieux communs gothiques : le château, le tunnel, les personnages hideux, les peintures grotesques, etc. Il faut noter aussi la présence de tout un bestiaire : corbeaux, vautours déchiquetant un monceau de barbaque sanguinolente, scorpions, araignées, serpents…
En bref, il y a tout ce qu’il faut, ici, pour ravir les amateurs du genre.
Compléments de programme
Le vampire et le sang des vierges est présenté ici dans un très beau mediabook contenant le blu-ray, le dvd et un livret de 80 pages.
Le livret, signé par Christophe Bier, dresse le portrait d’Harald Reinl et, à travers lui, nous offre un panorama important du cinéma de genre allemand au XXème siècle, depuis les productions de Leni Riefenstahl (dont Reinl avait été l’assistant) jusqu’aux documentaires sur les extraterrestres, en consacrant, comme il se doit, une place importante aux krimis et aux westerns. Le tout est agrémenté de nombreuses photos.
Côté compléments de programme, il faut noter en particulier une longue et très intéressante présentation du film par Christian Lucas et Stéphane Derderian. Les deux auteurs nous offrent un tour d’horizon très complet du film et de tout son environnement : biographie du réalisateur et des acteurs, histoire du genre en Allemagne, présentation de la place de l’horreur gothique dans le cinéma d’épouvante en général, mais aussi propos sur le compositeur, l’auteur des peintures du château, l’humour et l’érotisme du film, etc. En une quarantaine de minutes, ils abordent de nombreux sujets et restent toujours passionnants.
Parmi les autres compléments de programme, il faut noter un petit documentaire qui présente les lieux de tournage (de la première partie) du film dans la ville de Rothenburg ob der Tauber. Pendant sept minutes, le documentaire alterne les plans du film et des prises de vue contemporaines de la ville.
Caractéristiques :
mediabook, blu-ray + dvd
Master haute définition
1920/1080p
16/9
Format 1.66 original respecté
couleur
Langues : français, anglais, allemand
Sous-titres : français
Durée du film : 84 minutes
Compléments de programme :
_ Le train fantôme du comte Regula (Présentation du film par Stéphane Derderian et Christian Lucas, 40 minutes)
_ Les lieux du tournage (7 minutes)
_ Version Super 8 (31 minutes)
_ Diaporama d’affiches et de photos
_ Film annonce
_ Dr. Harald Reinl, grandeur et décadence du cinéma populaire ouest-allemand (livret de 80 pages rédigé par Christophe Bier)