Drôle d’objet que ce La rose et la flèche, variation de Robin des Bois réalisée en 1975 par l’anglais Richard Lester. Curieux, parce que même dans le cadre d’une décennie 70’s actant la désacralisation des grands mythes romanesques, difficile de trouver un équivalent à cette version qui enlève au personnage sa dimension héroïque pour le pousser dans les bras d’un romantisme désespéré.
Johnny revient d’en guerre
Robin est parti depuis 20 ans de Sherwood. Il est rincé par les guerres sans fin et les massacres déguisés en batailles. En pleine cure post-James Bond, Sean Connery incarne ce personnage avec ses traits dans la force de l’âge qui véhiculent immédiatement le sentiment d’usure éprouvé par ce héros fatigué. De retour chez lui, il découvre que Sherwood est désormais sous la coupe d’un shérif cruel et inflexible, et retrouve Marianne, son amour de jeunesse, sous la soutane de bonne sœur…
Nul besoin d’être particulièrement familier du mythe pour comprendre que Richard Lester ne compte pas apporter une pierre supplémentaire à l’édifice héroïque de l’archer hors-la-loi. Et en effet, le film emprunte le chemin de la légende pour mieux lui imposer des sorties de pistes. En témoigne le traitement du personnage de Richard Cœur de Lion, qui glisse des habits du monarque bienveillant à ceux du despote dominé par ses instincts sanguinaires, et incarné par un Richard Harris habité. A la fois la projection du devenir de Robin sur le front, et la part de folie qui ne le quittera pas lorsqu’il reviendra au pays.
Sur le papier, l’approche se révèle assez contemporaine et même précurseur de notre époque qui a érigé l’arrière-cour des mythes en théâtre de leur itération. Pour autant, difficile de ne pas être désarçonné devant les moyens (ou leurs absences) employés pour incarner la proposition à l’écran. Compassé dans une direction artistique cheapos et des paysages pas vraiment raccords avec le contexte (les prises de vues se sont effectuées à Lizaso dans le Pays-Basque espagnol, pas vraiment la résidence secondaire du relief britannique), La rose et la flèche fait montre d’une désinvolture générale qui ne profite pas à son propos. La démystification voulue se traduit ainsi par un appauvrissement des moyens d’expressions du médium qui se répercutent dans à peu près tous les compartiments de la production, comme dans ces scènes de combat qui plaident en faveur d’un rapprochement peu flatteur avec Sacré Graal des Monthy Python.
L’enfer, c’est chez lui
Dénué de boussole narrative susceptible d’articuler une somme d’éléments mal agencés, le film égare le spectateur dans un flou artistique qui ne profite pas vraiment aux personnages.
Il faut attendre le dernier tiers du film pour que ceux-ci trouvent enfin leur place dans un récit qui précise ses enjeux à mesure que Robin dévoile sa nature de guerrier sans guerre à mener. L’itération olé-olé du mythe cède alors sa place à une variation autour du retour impossible qui fait naturellement écho à la situation des vétérans du Vietnam au sortir du conflit (le film sort en 1976, soit un an après le départ des troupes U.S). Comme un Rambo avant l’heure, Robin recrée un champ de bataille pour se sentir chez lui et tisse lui-même le narratif de sa légende (défenseur des pauvres vs nobles cupides) pour épancher sa soif de bataille (voir le duel final, anti-cathartique au possible). Héros, le personnage devient un psychopathe qui nourrit ses traumatismes de guerre avec son hubris démesuré. Et cristallise son déchirement intérieur dans une romance impossible avec la Marianne gracieusement (pléonasme) incarnée par Audrey Hepburn, qui se terminera sur des airs de tragédie hyperbolique auxquels il est difficile de rester insensible.
Indéniablement, La rose et la flèche est un film qui prend son temps pour se trouver, et joue volontiers avec la patience au spectateur. D’où l’intérêt d’attendre un peu avec de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Blu Ray :
Rimini a mis les petits plats dans les grands avec pas moins de trois suppléments pour assortir une restauration impeccable (piqué généreux, superbe gestion des contrastes, fluidité cristalline de la bande-sonore…). On commence avec une interview master-class de Sir Sean en personne enregistrée en 1984, dans laquelle l’écossais évoque sa carrière avec tendresse et la lucidité à froid qui le caractérise. Le spécialiste de l’histoire médiévale Laurent Vissière prend le relais pour évoquer les origines du mythe de Robin des Bois, héros de chansons populaires reprises dans les tavernes avant de connaitre le développement que l’on connaît. Enfin, le journaliste William Couette revient sur la carrière de Richard Lester et témoigne son amour (un poil trop immodéré) dans un dernier module. On appelle ça un travail soigné !
Fiche technique du film La rose et la flèche
Titre original : Robin and Marian
Année : 1976
Réalisation : Richard Lester
Scénario: James Goldman
Producteurs: Denis O’Dell, Richard Shepherd (exécutif), Ray Stark
Musique: John Barry
Directeur de la photographie: David Watkin
Casting : Sean Connery, Audrey Hepburn, Robert Shaw, Richard Harris, Nicol Williamson, Denholm Elliott, Ian Holm, Kenneth Haigh, Ronnie Barker, Victoria Abril
Durée : 1 h 46 mn 56
Format vidéo : 16/9
Format ciné : 1,85/1
Sous-titrage : français