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La Fille qui en savait trop, Mario Bava, 1963 Crédits : Sidonis Calysta

La Fille qui en savait trop, de Mario Bava, enquête en Blu-ray chez Sidonis Calysta

Retour sur La Fille qui en savait trop (La ragazza che sapeva troppo) de Mario Bava, oeuvre matricielle du giallo à (re)découvrir en Blu-ray dans une solide édition Médiabook Blu-ray + DVD signée Sidonis Calysta.

Synopsis : Venue à Rome rendre visite à sa tante qui décède le jour de son arrivée, puis victime d’une agression, l’américaine Nora Davis assiste ensuite à un meurtre. Pourtant, malgré les nombreux détails qu’elle apporte à son témoignage, personne ne la prend au sérieux, pas même la police. En cherchant à prouver ce qu’elle affirme, elle s’expose dangereusement, l’assassin ne semblant jamais la quitter des yeux…

L’inizio del giallo

Avec La Fille qui en savait trop, Mario Bava fait ses débuts de réalisateur dans le film policier à suspense. Une entrée dans le genre qui a par ailleurs failli ne pas avoir lieu, Bava n’étant pas convaincu par le script qu’il juge incohérent, grand-guignolesque. Le cinéaste des couleurs, ici présent pour dernier film tourné en noir et blanc, va toutefois réussir à tirer de cette intrigue à mystery boxs quelques grandioses moments de grâce dans une réalisation somme toute formidable.

Certes, le long métrage ne semble pas savoir vers quelle voie et quelle finalité se diriger : comédie, thriller, rebondissements insensés… Mais Bava va exploiter ce trouble identitaire filmique pour mettre en scène un jeu cinématographique sur la perception, dans la droite lignée d’un certain Alfred Hitchcock.

Est-on sûrs de ce qu’on voit ? Notre point de vue ne trahit-il pas la réalité factuelle ? Bava ajoute une autre question : le contexte ne peut-il pas faire basculer une douce nuit romaine en un cauchemar gothique ? En effet, les décors urbains de Rome sont ici travaillés entre rêverie romantique-touristique et hantise hallucinatoire aux proportions gothiques, et ce, dès la fameuse scène de meurtre qui va lancer le film. Après un voyage à l’arrivée secouée par l’arrestation de son voisin de siège, Nora, peut-être sous l’emprise de marijuana, découvre dans une nuit d’orage sa tante décédée dans un décor à l’éclairage expressionniste. Un chat l’effraie. En allant chercher de l’aide, elle est agressée sur l’escalier de la Trinité-des-Monts, lieu architectural dont le caractère fabuleux semble alors infernal. Enfin, elle assiste à un meurtre, mais ne serait-ce pas le coup sur la tête qui l’aurait poussé à imaginer un tel événement ? Et toute cette nuit n’aurait-elle pas pour cause une accumulation d’émotions fortes ?

La force du film réside ainsi non dans le parcours hasardeux de son personnage mais sur la manière dont ce personnage nourri aux romans policiers va le percevoir. Dans une forme de lignée des grands films italiens – du néo-réalisme à ses héritiers –, La Fille qui en savait trop réussit ici à transfigurer cette promenade romaine anecdotique afin de permettre à ses spectateurs d’expérimenter un thriller urbain dont le caractère psychédélique lui assure une cohérence certaine.

C’est donc par la folie, qui allait constituer l’une des principales thématiques du giallo ainsi que par le traitement des espaces – notamment urbains – et de leurs perceptions qui allaient aussi devenir propres au genre que Bava réussit à mettre en scène un long métrage excitant, sinon intéressant, malgré des problèmes d’écriture. Un film considéré comme un proto-giallo, voire comme le premier giallo, selon les différents points de vue cherchant une origine à ce genre cinématographique italien conséquent qui allait définir un cinéma inventif aux frontières du genre policier, de l’érotisme, de l’épouvante/horreur et du fantastique.

Extrait – La Fille qui en savait trop (Mario Bava, 1963)

La Fille qui en savait trop en Blu-ray

La Fille qui en savait trop débarque pour la première fois en HD en France avec une formidable édition Mediabook Blu-ray + DVD signée Sidonis Calysta.

Le rendu vidéo, générique d’introduction mis à part, est sublime. La netteté, le respect du format et des contrastes nuancés sont au rendez-vous. Ce master 2K est, à quelques griffes prêtes, sublime. L’encodage se voit toutefois limité par la trop imposante présence de la version américaine du film, Evil Eye, dont le rendu vidéo est par ailleurs peu probant sur tous les points (voir la comparaison sur le site de dvdclassik). Sa présence tient toutefois d’expérience historique bienvenue.

Du côté du son, la piste originale italienne est très équilibrée. La piste française demeure très efficace et devrait ravir les cinéphiles aficionados des VF soignées. La version américaine, propre au montage américain, est surprenamment propre malgré quelques craquements ici et là.

L’éditeur a, comme pour son édition du Masque du démon, soigné ses compléments. On trouve une présentation sobre et intéressante d’Olivier Père – ici plus précis que dans sa présentation du film sus-cité. Le critique revient sur les « images pulsionnelles » de Bava, le caractère novateur de sa mise en scène urbaine partagée entre rêverie éveillée le jour et cauchemar la nuit, sur les « morceaux de bravoure » d’un cinéaste qui semble ici intéressé par la mise en scène pure (sans acteurs), ou encore le casting, notamment sur les carrières de Leticia Roman et de John Saxon.

Comme sur l’édition du Masque du démon, Bruno Terrier de Metaluna Store revient à nouveau sur les différentes versions du film. Un module définitivement intéressant pour qui veut comprendre les contraintes des distributeurs et les choix d’adaptation – souvent malvenus – émis par les Américains afin de correspondre davantage aux usages et attentes du public outre-Atlantique.

Un autre intéressant bonus vient compléter – et parfois répéter – la présentation d’Olivier Père. Souvenirs d’un chef-d’œuvre du Giallo réunit les cinéastes Luigi Cozzi et Richard Stanley, le critique Alan Jones et le professeur en études cinématographique – spécialiste du giallo – Mike Coven. La vingtaine de minutes permet à ces figures de revenir sur le caractère expérimental du cinéma de Bava lors de cette période, son style pionnier permettant à des décors urbains de devenir terrifiants ou encore la manière dont le film est perçu dans l’histoire du giallo.

En plus de la bande-annonce américaine et d’un livret (de vingt-quatre pages) signé Marc Toullec, synthétisant ce qui aura pu être déclaré dans les différents compléments tout en apportant certains détails éclairants (sur la réception du film, l’écriture à plusieurs mains), on retrouve John Saxon pour un bref entretien réalisé en 2007. L’acteur américain, décédé en 2020, revient sur son parcours italien, sa relation avec Bava – qui a étrangement mal tourné -, et sa surprise face à la pérennisation de ce cinéma Bis qui lui permit d’assurer des rentes financières loin du cinéma hollywoodien en pleine crise.

Bande-annonce américaine – La Fille qui en savait trop / Evil Eye (Mario Bava, 1963)

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray

BD50 – MPEG-4 AVC – 1080p HD – 1.66 :1 – 16/9ème – Langues : Italien et Français DTS-HD Master Audio (montage original italien) / Anglais DTS-HD Master Audio (montage américain) – Sous-titres : français – Italie – Thriller / Giallo – 1963 – Durée : 86 mn / 93 mn

COMPLÉMENTS

Présentation par Olivier Père

Les différentes versions du film par Bruno Terrier

Souvenirs d’un chef d’œuvre du Giallo (All About The Girl: Memories of a Giallo Gem)

Interview de John Saxon

Bande-annonce américaine

Giallo année zéro : livret par Marc Toullec

Sortie le 24 Mars 2022 – Prix public conseillé : 24,99€

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4.5